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MUNOZ Antoine

Le battant de La Cloche

Muñoz. Avec un tilde sur le ñ. Il y tient, à son tilde, le fils de Teresa et José Muñoz, débarqués naguère de leur Estrémadure miséreuse pour faire leur vie en France ! D’ailleurs, il aurait dû s’appeler « Antonio », mais l’employé de mairie, dans cette banlieue nord où vivaient pourtant de nombreux émigrés espagnols, a expliqué à José que la loi l’obligeait à donner à son rejeton un prénom français ! C’était en 1958. Autres temps, autres mœurs.
Il en est fier, Antoine, de son père tôlier qui a finalement monté son propre garage, et qui aurait bien vu son gamin prendre la relève, dans le confinement des bureaux d’études et les odeurs d’huile de moteur. Mais lui, il avait envie d’espace, d’horizons nouveaux, d’aventure. Le tourisme, l’hôtellerie, c’était son truc, son intuition. L’avantage, chez un fils d’émigré, c’est qu’il est né bilingue. Une maîtrise d’anglais en sus, et il est polyglotte ! Pour parfaire son accent, Antoine va passer un an à Londres, où il paie ses études en étant bagagiste au Wilbraham Hôtel. Il sert aussi au restaurant Le Beurre fondu. Le goût du service. La satisfaction du client. La vraie vie.
Quand il rentre en France, il déchante : les agences de voyage qu’il démarche exigent, au moins, un diplôme de tourisme. Il sera donc vendeur d’aspirateurs Electrolux. Le porte-à-porte dans les HLM du 93, c’est une drôle d’école de formation. Un été passé comme serveur dans un hôtel à Marbella, dans le sud de l’Espagne, et cette fois, c’est une certitude : il sera directeur d’hôtel !
En attendant, il est veilleur de nuit dans un Mini-Mot du XIIIè arrondissement, puis standardiste au Sofitel-Roissy. Ce monstre de 350 chambres et de 180 employés, situé au bout des pistes de l’aéroport, sera sa piste d’envol. Au bout d’un mois, il passe « night auditor ». Muñoz est un battant. Un an plus tard, il est nommé « chef de brigade ». Puis il devient « responsable informatique », puis « caissier principal » et enfin « chef de réception ». En 1987, il est « responsable hébergement », juste sous le directeur général. Un beau parcours. Et une riche expérience : c’est dans ce genre d’endroit qu’on apprend à ne pas confondre hommes d’affaire et terroristes, ou à remplir un hôtel à 150 % de ses capacités en cas de brouillard sur les pistes !
En 1990, le Sofitel de Lyon cherche un sous-directeur. Trois ans de perfectionnement. Puis, après un détour par les bureaux du groupe Accor qui lance une « Bourse emplois » sur plusieurs grandes régions, Antoine Muñoz revient à sa vocation : le Sofitel de la Porte de Sèvres, à Paris, autre monstre de 600 chambres, l’embauche comme directeur des services d’accueil. Mais il se lasse bientôt du périphérique, du Parc des Expositions et de l’Aquaboulevard. En août 1998, une rencontre fortuite avec Patrick Jacquier, pdg du Sofitel-La Cloche à Dijon, va lui permettre de réaliser son rêve. Il a tout juste 40 ans.

CINQ SIECLES D’HISTOIRE

L’hôtel de La Cloche, 68 chambres, 45 employés, n’est pas une de ces énormes structures qui font la gloire du groupe Accor. Mais cet établissement indépendant et franchisé ne ressemble à aucun autre, ne serait-ce que pour une raison : depuis l’ostelerie de la Cloche de la rue Guillaume, au début du XVe siècle, jusqu’au sauvetage de l’immeuble de la place Darcy par la famille Jacquier au début des années 1980, il a cinq siècles d’histoire !
Antoine Muñoz feuillette le livre d’or : ce ne sont plus le roi Léopold Ier, Alphonse de Lamartine, Napoléon III, Saint-Saëns ou le sultan du Maroc qui fréquentent l’hôtel, mais Mstislav Rostropovitch, Charles Aznavour, Barbara Hendricks ou Ruggiero Raimondi. « Les belles années de l’Auditorium ! » se rappelle Muñoz. La plupart des artistes de passage à Dijon descendent ici : Nougaro, Bedos, Palmade, Linda Lemay, et combien d’autres ! Certains ont laissé un souvenir sympathique : « Richard Bohringer descendant prendre son petit-déjeuner pieds nus, se sentant comme chez lui : une belle image ! ». D’autres, non : « Michael Youn réveillant grossièrement tous les clients de l’hôtel en rentrant au milieu de la nuit, il a fallu appeler la police : un cauchemar ! »
Mais il y a aussi beaucoup d’anonymes, pas toujours richissimes, qui s’offrent à La Cloche un repas d’anniversaire ou une nuit de noces. « La clientèle locale vient plutôt déjeuner ou dîner, tandis que certains événements – comme les Rencontres Cinématographiques – remplissent chambres et suites de clients venus de très loin. Il faudrait davantage de manifesations de ce calibre ! Les congrès professionnels, les chapitres du Tastevin, les championnats de hand-ball ont aussi permis d’assurer un remplissage de 73 % d’occupation pour 2007, ainsi qu’une hausse de 11 % du chiffre d’affaires. On ne va pas se plaindre. »
Le directeur général, tel un capitaine de navire, est à la barre de son hôtel de 8 h à 22 h. Il ignore le train-train et accumule les projets : de nouvelles suites, un spa, un nouveau parking, etc. C’est tout juste s’il garde le temps de participer aux affaires de la commune dont il est l’élu, Marsannay-le-Bois, et à retaper en famille une vieille maison non loin de Dijon, avec sa femme Anne et les trois petits Muñoz. Avec un tilde sur le ñ.

B.L.

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Publié dans Portraits de Bourguignons | Lien permanent