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SOULARD Catherine

La reine de la Ruche

A la sortie de La Ferté-Loupière, au cœur de la Puisaye, prenez la petite route qui traverse le bois de la Vieille Ferté, traversez Les Joubins et Perreux, puis prenez le premier chemin à gauche après le château de Montigny. Là, entre un ruisseau et deux champs de colza, il y a… une salle de spectacle de 330 places, un restaurant, une salle de conférence, des cuisines, des loges, des affiches, et quelques comédiens un peu étranges qui, entre les shows, ne ressemblent à personne : vous êtes bien à la « Ruche Gourmande », le surprenant domaine de Catherine Soulard.
Toute petite, elle voulait être étalagiste. Arranger des vitrines, bien présenter les choses, jouer avec la lumière et les couleurs. Née aux Buttes-Chaumont, fille d’une infirmière et d’un kinésithérapeute amoureux de peinture, Catherine prit des cours de dessin près du Carré-du-Temple, puis suivit une école d’architecte de jardin rue des Quatre-Fils. Un vrai titi parisien, cette femme-là – elle en a gardé le bagout ! Mais en 1970, les parents achètent une maison de campagne à Perreux, dans l’Yonne. Adieu à la grande ville. Découverte de la nature, des chevaux, des semis, du bricolage…
Avec son copain et futur mari, Luc, étudiant en horticulture, elle travaille pour Jean Ravisé, paysagiste talentueux, apiculteur passionné et futur maire de La Ferté-Loupière. Quelques années insouciantes à composer des jardins pour les résidents secondaires, puis un pas de clerc dans le sud – une entreprise qui tourne court – et les tourtereaux reviennent à Perreux pour y élever des abeilles : 300 ruches disséminées dans ce coin verdoyant de Puisaye ! Les marchés le samedi et le dimanche. Puis, de fil en aiguille, la fabrication industrielle de pains d’épices, de pâtisseries et de caramels au miel. Est-ce la magie de la « nonnette poyaudine », glacée et fourrée au cassis, qui opère ? Leur société, Apidelis, gagne la médaille d’argent des « Lauriers du dynamisme », puis un « oscar » de la Création d’entreprise…

DES ABEILLES AU
« TRANSFORMISME »

Mais Catherine ne tient pas en place. En 1988, elle monte une exposition « La vie des abeilles » qui attire les cars de touristes sillonnant la Puisaye. Elle propose à ses visiteurs des petits-déjeuners, des goûters, un diaporama… puis elle saute le pas : un stage chez son oncle Michel Lebrault, le chef étoilé du Capucin gourmand, à Coignières, et la jeune femme, en 1991, décide d’ouvrir un restaurant. Son père est en cuisine, son mari en salle, les copains viennent à la rescousse, l’aventure est excitante… mais comment développer une affaire quand on vit loin de tout, au milieu de nulle part ?
Un jour, une copine vient chanter pour les clients. Puis un comédien propose un spectacle dans la grange. Puis un soir, pour un anniversaire, des « transformistes » envahissent la piste et font un triomphe. Un « transformiste », c’est un artiste qui se « transforme » en chanteuse. Comme chez Michou, à Paris. La parodie, l’humour, la nostalgie et le talent paient – même si les paysans du coin ont du mal à admettre que le sympathique Jef s’appelle aujourd’hui Josiane, et que ce vieux Pierre soit devenu Pierrette pour l’état-civil…
Trois artistes, au début. Trois intermittents décalés, étonnés de se retrouver au milieu des champs. Et l’engagement de toute la famille : Luc à la régie, la fille aînée, Julie, à la compta, et sa petite soeur Eugénie, 6 ans, sur les planches, en costume, ravie de danser entre le sosie de Barbara et un clône de Dalida ! Catherine elle-même se jette à l’eau, c’est-à-dire sur scène, après avoir effectué un remplacement, un soir, au pied levé – c’est le cas de le dire.
Le plaisir, l’adrénaline, les lumières, le strass, les applaudissements, l’envie d’aller toujours plus loin : en 2004, Catherine et Luc font le tour des banques et investissent dans une vraie salle de théâtre de 330 places – un million d’euros, sans aucune aide publique. Le pari est risqué. Le spectacle se professionnalise : 5 salariés fixes, 10 intermittents, 7 à 15 spectacles par mois. Les spectateurs, souvent drainés par des clubs du troisième âge et des comités d’entreprise, viennent de huit départements voisins. Et les habitants du coin ont fini par s’habituer aux cars qui défilent par dizaines, midi et soir, le long du bois du Petit Montigny…
Dix ans déjà ! Catherine, Luc, Julie et Eugénie n’ont pas vu le temps passer. Et comme rien n’est jamais acquis, entre une nouvelle imitation de Céline Dion et la venue inopinée d’une personnalité ébahie, la famille Soulard se bagarre encore, bec et ongle, pour trouver de nouvelles filières touristiques, pour coordonner les séjours et échanger les visites, par exemple avec le chantier médiéval de Guédelon, en forêt de Treigny, à 30 minutes de là, où des ouvriers costumés construisent un château fort du XIIIè siècle avec les techniques de l’époque devant les yeux écarquillés de 250.000 visiteurs par an. Ceux-là aussi, on les a d’abord pris pour de doux dingues : la Puisaye est décidément un drôle de territoire…
BL

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Publié dans Portraits de Bourguignons | Lien permanent