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ZUDDAS David

L’étoilé de la Charme

Un lundi brumeux de mars 1998. A 7 heures du matin, le téléphone sonne chez David et Catherine Zuddas, au cœur du bourg de Prenois, près de Dijon. C’est Bernard Loiseau qui appelle de Saulieu. On vient de lui lire une dépêche de l’Agence France Presse : “ Félicitations, David ! La Charme décroche une étoile au Michelin ! ” David n’en croit pas ses oreilles. Son rêve vient de se réaliser.
Un rêve qui ne date pas d’hier. En 1975, quand l’émigré sarde Giuseppe Zuddas et sa femme Janine prennent un restaurant à Etrechy, sur la N 20, leur fils David passe son temps en cuisine à les observer, à humer les parfums, à éplucher les légumes, à laver les assiettes. A l’âge où ses petits copains préfèrent le foot ou la télé, lui sait déjà, sans hésitation, qu’il a mieux à faire : “ Je serai cuisinier ! ”
Une vocation comme celle-là ne se discute pas. En troisième, le petit David passe le concours de l’Ecole hôtelière. Un CAP, un BEP, et le voilà parti pour Paris, où il trouve un stage au “ Warwick ”, rue de Berry. A 17 ans, il fait partie d’une brigade, une vraie, avec un chef et 15 cuisiniers ! Quelques mois plus tard, son patron part sur l’Orient-Express. David le rejoint. Il passera deux ans à bord de ce train mythique qui emmène hommes d’affaires et amoureux fortunés de Londres à Venise en passant par les Alpes autrichiennes. Le luxe des wagons anciens, le col du Simplon, la gare Santa Lucia, le Grand Canal : un magnifique souvenir.
En 1987, nouvelle expérience, avec un copain, au “ Kokolion ”, à Paris. Dans ce restau voisin du Théâtre de l’Atelier, David savoure le bonheur de faire seul son marché et de servir 35 couverts sans hiérarchie ni pression. Il commence à “ s’exprimer ”, comme il dit. La liberté lui va bien. Mais Paris lui pèse. Au cours d’un week-end en Franche-Comté, il rencontre Jean-Paul Jeunet qui l’engage à l’essai dans son restaurant d’Arbois… comme “ troisième commis aux épinards ”. Dur retour en bas de l’échelle. Marmitons et apprentis le chambrent : “ Parigot, tête de veau ! ” David serre les dents. Et, deux mois plus tard, devient le second du chef étoilé. Il restera là cinq ans entrecoupés, en 1992, d’une période de quelques mois à Montpellier, au “ Jardin des Sens ”, auprès des frères Pourcel. “ Les deux célèbres jumeaux m’ont appris l’humilité : après avoir servi 150 couverts, je les voyais faire les carrelages dans le vestiaire des personnels ! ”

LA COUR DES GRANDS

Octobre 1994. David a épousé Catherine, la ravissante réceptionniste du restau de Jeunet, et cherche à se mettre à son compte. L’“ Auberge de la Charme ”, à Prenois, à dix minutes de Dijon, est à vendre. Un village isolé, une vieille bâtisse : c’est le coup de foudre… avant que le jeune couple trop enthousiaste réalise les efforts titanesques qu’il lui faudra déployer pour nettoyer et restaurer le bâtiment, mettre aux normes les installations, et attirer les premiers clients !
Aux fourneaux, David innove, intéresse, séduit. On découvre ses escargots et galettes de brebis au pain trempé. Le guide Champérard le remarque. Le Figaro aussi. En 1996, il entre au Michelin et se voit décerner par la revue Le Chef le titre envié de “ Jeune espoir de la cuisine française ”. Une belle surprise : “ Je côtoyais soudain les Lameloise, Veyrat, Meneau, que je n’avais vus qu’à la télé ! ” C’est à cette époque que David l’impulsif, pour la première fois de sa vie, se donne un objectif aussi ambitieux que rationnel : obtenir une étoile au Michelin. Il ne lui faudra que deux ans pour l’atteindre.
Zuddas ne boude pas son plaisir. Depuis 1998, il voit défiler tout ce que la Bourgogne compte de fins becs attirés par son mille-feuille de betterave rouge et anguille fumée, sa poitrine de pigeon frottée aux épices du Maghreb, son ris de veau en crépine au tabac de cuisine, son étonnant riz au lait vanille avec une glace à l’anis de Flavigny. Avoir les honneurs des gazettes, passer à la télé, faire des promos gastronomiques dans les Emirats ou au Japon, quel bonheur ! Mais jouer dans la cour des grands, c’est aussi devenir une véritable entreprise, avec ses exigences économiques, ses contraintes de gestion, ses périodes de crise et de doute. Il ne suffit plus de rechercher les meilleurs produits, d’allier les saveurs, de signer des plats de rêve : il faut gérer, communiquer, s’informer, innover. Devenir responsable.
Avec son regard d’adolescent, son rire en cascade, ses boucles d’oreilles espiègles et sa blouse anthracite – “ C’est plus classe que le blanc, non ? ” – David continue de vivre cette passion exclusive qui force à délaisser le cinéma, la lecture ou la musique. Mais à 36 ans, il a découvert d’autres priorités : son couple, son fils. La vie, quoi. Celle qui donne un sens à la cuisine. Celle qui fait briller dans les yeux de Pierre-Simon, 7 ans, des étoiles plus précieuses que celles des guides gastronomiques. Est-ce cette maturité nouvelle qui donne à la cuisine de David Zuddas de nouvelles saveurs insoupçonnées ?
B.L.

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