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CORNAILLE Didier

Le randonneur du Morvan

Ne dites surtout pas à Didier Cornaille qu’il est le nouveau Vincenot ! Le retraité d’Anost vous regardera fixement de ses yeux bleu de mer : « Vincenot, c’était Vincenot. Et Cornaille, c’est Cornaille ! » A chaque époque ses bardes, ses poètes et ses raconteurs d’histoires. Le goût de l’écriture et l’amour du terroir ne suffisent pas à établir une filiation. La moustache tombante, non plus.
Didier Cornaille est né en 1942 dans un plat pays, le Cambrésis, qui n’a plus de lien avec la Bourgogne depuis… la mort de Charles le Téméraire au XVè siècle. C’est par hasard que le fils de Michel et Hélène Cornaille, agriculteurs à Clary, est devenu bourguignon. Le jeune ch’timi aurait aussi bien pu bifurquer lors ses premières virées de voyageur adolescent à travers les fjords de Norvège ou dans l’Allemagne du nord encore ravagée par la guerre.
Ce n’est pas un hasard, en revanche, si ce gamin solitaire et rêveur est devenu écrivain. Sa mère, grande lectrice, laissait traîner sur les meubles de la ferme des livres que le gamin dévorait. A 14 ans, ému par les bagarres syndicales menées par son père, le petit Didier déclare : « Je serai journaliste agricole ». Le paternel râle, frappe du poing le volant de sa vieille traction : « Journaliste, ce n’est pas un métier ! » Son fils sera comptable, nom de Dieu !
Un bac pro, des études de droit, et c’est le service militaire, effectué…. comme comptable dans les dunes de Tamanrasset ! Didier serait peut-être resté au Sahara à guider les touristes sur les traces du père de Foucault si, en métropole, on ne lui avait promis un job au magazine Sciences et Vie. A son retour, bernique : la place a été attribuée à un autre. Cornaille se retrouve à élaborer des devis chez Valourec. Il devient incollable sur le prix des tubes en titane.
Le 1er avril 1966, tuyauté par un copain, il entre au Figaro Agricole... au service promotion. Au moins, il est dans la place. Entre deux portages de banderole au Salon de l’agriculture, de pige en pige, Cornaille en vient à publier de vrais articles. Jusqu’à la fermeture brutale du journal en 1974. Nouveau coup dur.

LA FRANCE AU PAS

Cornaille crée alors, dans le Morvan, un centre de randonnée équestre. Dès l’âge de 4 ans, son père lui a inculqué l’amour des chevaux. Pas de la reprise ou du saut d’obstacle : de la balade en pleine nature, de la complicité avec l’animal au fil des chemins, entre sapinières et murs de pierres sèches, sur les traces des galvachers d’antan. Au pas. C’est plus facile pour prendre des notes.
Un premier récit de randonnée dans le Haut-Morvan, puis un autre. Cornaille publie guide sur guide pour un éditeur parisien : les volcans d’Auvergne, les Vosges, les Cévennes, le Vercors, les Ardennes, etc. Le chapeau vissé sur la tête, la pipe au bec, bien en selle sur Spahi, son cheval barbe harnaché de deux sacoches pleines et d’un charvin, Cornaille parcourt la France des sentes et des voyettes. Puis, quand vient l’hiver, il couche sur le papier anecdotes et paysages, rencontres et parfums.
On achète ses guides, on remarque ses reportages publiés dans le Progrès. En février 1991, le journaliste Michel Huvet, rédacteur en chef des Dépêches, tombe sur une ébauche de roman, passe le manuscrit à l’éditeur Gérard Gauthier, lequel le publie aussitôt ! Le Vol de la Buse paraît en mai. Qui aurait pensé que ce premier roman, quinze ans plus tard, passerait le cap des 100.000 exemplaires ?
Treize romans vont suivre. Aux Editions de l’Armançon, puis aux Presses de la Cité, puis chez Albin Michel. Des histoires de chiens errants, d’orages de montagne, de mines abandonnées, de cloches indiscrètes, d’enfants venus de nulle part, de faits divers enfouis dans la mémoire de villages inconnus. Et de charretiers morvandiaux. Cornaille n’a pas son pareil pour décrire « la lente agonie d’un monde, d’un univers rural qui se croyait d’autant plus immortel qu’il n’était, jusque là, que la continuité des millénaires ».
Didier Cornaille a touché à tout : chroniques télé pour France 3, reportages pour le Monde ou l’Usine Nouvelle, communication institutionnelle et radios locales. Les lecteurs du Bien Public suivent, chaque dimanche, en feuilleton, les aventures de Claudius, Amélie et Romaric. Récemment, Cornaille est reparti faire le tour du Morvan avec Spahi, pour la revue Bourgogne Magazine. Comme pour boucler la boucle, trente ans après.
A-t-il fait, l’an dernier, une infidélité à sa région en allant passer l’été chez les Inuits du Grand Nord ? Pas vraiment : c’est encore la défense des coutumes ancestrales et des paysages inviolés qui l’intéresse. Les Inuits défendent leurs racines avec la même volonté de survie que les Morvandiaux quand ceux-ci se mobilisent pour sauver une classe de maternelle ou un bureau de poste rural menacés par quelque technocrate parisien. Cornaille lui-même, entre deux romans, ne ménage pas sa peine, de manif en pétition, pour défendre son terroir. Qui a dit que du Morvan ne venaient « ni bon vent ni bonnes gens » ?
B.L.

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