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DUVERNIER Françoise

La bibliothécaire du XXIè siècle

Bar-le-Duc, son église Saint-Pierre, son château ducal et sa… bibliothèque. Oh ! la bibliothèque municipale de Bar-le-Duc n’était pas la plus prestigieuse de la région Lorraine, certes, mais c’est là que la maman de Françoise Duvernier a fait découvrir à sa fille la lecture. Les rayons, les fichiers, les classeurs, les archives. Le plaisir d’ouvrir un livre et de se laisser emporter, de page en page, par une belle histoire : le Tour du monde en 80 jours de Jules Vernes, le Roman de la momie de Théophile Gautier, L’Homme à l’oreille cassée d’Edmond About.
« Une femme qui lit, disait sa mère, c’est une femme autonome ! » Déjà sa grand’ mère lisait chaque jour le journal de A à Z. Quand on vit dans une famille trop tôt éclatée, l’autonomie n’est pas un vain mot. A Meaux, puis à Paris, Françoise Duvernier s’intéresse à la littérature, à l’histoire de l’art, et, après mai 68, complète sa licence de lettres par un « certificat d’aptitude aux fonctions de bibliothécaire ».
Retour à Meaux en 1973 pour un premier poste de bibliothécaire, avec un premier challenge : monter un « secteur jeunesse ». C’est l’époque où on commence à peine à imaginer que les juniors puissent fréquenter les livres. Le groupe Bayard Presse fonde Okapi, Pomme d’Api, J’aime lire, avec succès. D’autres éditeurs s’y mettent. A Meaux, on constate que les chères têtes blondes peuvent fréquenter la bibliothèque comme des grands. L’expérience est stimulante. C’est un bon début. En 1977, Françoise Duvernier s’en va créer la bibliothèque du Plessis-Trévise, dans le Val-de-Marne. Puis, en 1982, elle est nommée directrice de la bibliothèque municipale d’Auxerre, dans l’Yonne. Changement de région, changement d’échelle : une équipe de 15 agents, 3.500 lecteurs inscrits, plus de 100.000 livres prêtés chaque année…
Mais surtout, les temps changent. Gérer une bibliothèque, ce n’est plus seulement ranger des livres sur des étagères et veiller à la bonne marche du service de prêt. D’abord, il faut se préparer à informatiser l’endroit, ce qui n’est pas une mince affaire. Ensuite, il faut développer et animer la lecture publique. Enfin, il faut trouver le moyen de mettre le livre dans les mains de ceux qui n’auraient jamais l’idée d’entrer dans une bibliothèque : inventer un « bibliobus », animer des annexes de quartier...
Coup de chance, la bibliothèque d’Auxerre est comme neuve. Construit en 1979 par l’architecte bourguignon Alain Bourbonnais au milieu de ce qui était encore un terrain vague dans le quartier Vaulabelle, le bâtiment est spacieux, éclairé, et bénéficie d’équipements modernes qui vont faciliter son développement.
Tout est bon, à l’époque, pour animer l’endroit : le legs inattendu d’un étonnant fonds de « sorcellerie » ; la fondation par Jean-Pierre Soisson, maire de la ville, des Entretiens d’Auxerre, qui durent toujours ; l’opportunité d’ouvrir un secteur « ados » qui deviendra vite un exemple d’animation intergénérationnelle pour la France entière ; la mise en place d’un « Salon du livre de jeunesse » qui durera dix ans. Chaque don, chaque rencontre est un événement. Tout est bon qui dépoussière et fasse vivre le patrimoine écrit. Et Auxerre, la ville des Jansénistes, de Paul Bert, de Marie Noël, de Retif de la Bretonne, ne manque pas de richesses !

PASSER DU MOYEN AGE
AU XXIè SIECLE

En s’ouvrant à tous les publics, la bibliothèque a abandonné son statut de lieu d’érudition. Elle est devenue un lieu de socialisation, où des jeun’s à casquette renversée, passionnés de BD, côtoient tel universitaire de Manchester rédigeant sa thèse sur le théâtre chrétien de l’entre-deux-guerres ! Les 3.500 lecteurs inscrits sont 11.500 aujourd’hui : « Chômeurs, jeunes retraités, collégiens et même bébés lecteurs : cette diversification du public est une mutation en profondeur », explique Françoise Duvernier. De même, après l’informatisation des années 80, la « révolution du numérique » a complètement remodelé la profession de bibliothécaire : « Le mode d'accès aux documents par le biais d'Internet, le téléchargement de la musique, les journaux sur e-paper sont en train de bouleverser la chaîne du livre dans sa totalité, même si la recherche documentaire ou la mise en valeur des collections anciennes restent nos métiers fondamentaux ».
Dur, en quelles années, de passer directement du moyen-âge au XXIè siècle ! Pour faire face à tous ces défis, il fallait que les professionnels se regroupent, confrontent leurs expériences, s’organisent. En 1985, Françoise Duvernier fut une des fondatrices de l’Association des Bibliothécaires et Documentalistes (Abidoc) qui, élargie à l’ensemble des métiers du livre, notamment aux libraires et aux éditeurs de toute la Bourgogne, donnera naissance au Centre régional du livre (CRL). « Ce carrefour original, où se rencontrent les différents métiers du livre, était une nécessité : face à toutes les menaces que notre société médiatique fait peser sur la lecture, il était urgent de faire comprendre aux bibliothécaires, aux libraires, aux éditeurs et même aux auteurs qu’ils sont dans le même bateau… et que la mer devient houleuse ! »
B.L.

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