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NEDELLEC François

La mémoire de Buffon

Nédellec, cela veut dire « Noël » en breton. Mais si son ingénieur de père était de Guingamp, les hasards de la vie ont toujours ramené François Nédellec vers la Bourgogne : vers l’Auxois, sa terre maternelle, et vers sa maison familiale de Talant où il habite encore aujourd’hui. D’ailleurs, quelqu’un qui a habité rue d’Alésia à Paris, a passé son bac au lycée Jacques-Amyot de Melun, a étudié à la fac de Censier-Daubenton, ne pouvait que se retrouver, tôt ou tard, en Bourgogne !
Hasard ou providence ? Etudiant en philo à Paris, il a 19 ans quand une banale confusion d’adresse lui fait découvrir l’Institut d’Art et d’archéologie. Mai 68 n’est déjà plus qu’un souvenir et le bitume recouvre les pavés du quartier de Jussieu. Un stage au Musée des Arts et traditions populaires, un doctorat d’anthropologie, une maîtrise de sciences et techniques, et le jeune François entre définitivement dans le monde des musées. La restauration, l’analyse, c’est son truc.
En 1975, associé à une équipe archéologique française, il part en mission pour Abou Dhabi pour y monter un musée et un laboratoire d’analyse et de restauration du patrimoine. Fouilles à la balayette et à la petite cuiller. Tombes protohistoriques et selles de chameaux enfouies dans un océan de sable. Deux ans de désert, façon Saint-Ex. Mais son petit prince à lui est un bébé nommé Anne-Emilie, qui vit avec sa mère à Paris, et dont l’éloignement commence à lui peser. En 1979, il accepte un poste de conservateur adjoint au Musée d’Art et d’Histoire de Metz. Ses premières armes, en réalité. Tant pis s’il doit rejoindre Paris tous les week-ends dans des trains glacés l’hiver et étouffants l’été, pour un salaire de misère ! C’est le métier qui rentre : « Gérer le patrimoine pour le compte d’une collectivité locale, cela peut être passionnant si l’on parvient à combiner fonction publique, travail et création. Encore faut-il laisser un minimum de liberté aux fonctionnaires de la culture, qui sont parfois de grands professionnels ! ».

DONNER DE LA COHERENCE
AU PATRIMOINE

Après deux ans, il part pour Lille diriger le musée de l’Hospice Comtesse, du XIIIè siècle, et le Musée Industriel, aujourd’hui disparu. En 1985, cap au sud pour une nouvelle expérience : les musées de Cannes, dont le Musée de la Castre, qui domine la Croisette, et le Musée de la Mer, dans l’île Sainte-Marguerite. Il y passe sept ans. Un regret : ne pas avoir réalisé le projet de « musée du Cinéma » qui manque toujours à la ville du célèbre festival. Un constat : le soleil et la plage, ce n’est pas son idéal de vie. Le sable, il a déjà donné.
Apprenant qu’un poste s’est libéré en Bourgogne, Nédellec n’hésite pas : en 1991, il rallie Dijon avec sa femme et ses trois filles. Dans son nouveau portefeuille : le musée de Saulieu et le site d’Alésia. Le souvenir de Pompon ne pose aucun problème, mais le mythe de Vercingétorix déclenche les passions. Faut-il célébrer les Gaulois défaits ou les Romains civilisateurs ? L’événement militaire ou le symbole politique ? César l’empereur victorieux, ou le Grand gaulois, figure de la Résistance ? François Nédellec discute, imagine et cherche, comme toujours, à « donner un sens » à ce patrimoine conflictuel, ballotté qu’il est entre le Département et la Région, dont les patrons respectifs ont des conceptions différentes de la mémoire du lieu.
En juin 2000, un nouveau défi s’offre à lui : la ville de Montbard, en Côte d’Or, cherche un homme d’expérience pour restaurer et réhabiliter le musée-site consacré à Buffon, l’enfant du pays. Le projet est ambitieux : il conditionne l’avenir culturel de cette cité industrielle que le TGV a miraculeusement désenclavée. Il est aussi complexe : définir un vrai projet scientifique et culturel, coordonner le parc de 3 ha, l’ancienne orangerie et l’hôtel Buffon qui plongent sur la ville, jongler avec les divers financements publics, sensibiliser les fonctionnaires de l’Etat et les élus locaux, constituer des collections nouvelles, monter des expositions temporaires, etc.
Budget : 10 millions d’euros. Horizon : 2009. Pas moins. Si cette année le tricentenaire de la naissance de Buffon (1707-1788), met opportunément en lumière le personnage de Georges-Louis Leclerc (c’est son vrai nom), sa carrière d’exception et son œuvre phénoménale, la réalisation du futur musée de Montbard demandera encore deux ans. Pas question de se contenter de refaire les peintures de la demeure de Buffon pour y accumuler les outils de sa forge et les illustrations de son Histoire naturelle !
Un musée aujourd’hui, souligne François Nédellec, ne doit pas faire en moins bien ce qu’un Cd-rom vous offre de façon avantageuse. « Ce n’est pas l’objet qui fait le patrimoine, explique-t-il, c’est l’angle avec lequel on regarde l’objet. La connaissance de l’objet est une chose, la connaissance par l’objet est autrement plus riche ». Le conservateur en chef Nédellec est resté un philosophe, qui entend donner de la cohérence au patrimoine. Pour lui, à l’évidence, la mémoire est une chose trop sérieuse pour être laissée aux historiens.
Bernard LECOMTE

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