Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

VARGOZ Chr. et Isab.

L’attelage magique de Chevillon

« Christian Vargoz, acceptez-vous de prendre pour épouse Isabelle Landowski ici présente ?» Ce mariage-là, à Chevillon, les petites rues du village et l’église Saint-Barthelemy s’en souviennent encore. Les chevaux, les attelages et les calèches, en grand tralala, emportant les deux tourtereaux et leurs invités, traversant le bois de la Tremblaie, jusqu’au lieu-dit « Les Bertins » où les deux inconscients ont acheté une maison isolée pour y poser leurs valises et leur 2 CV d’occasion, avec l’intention d’y réaliser un rêve : monter une écurie de concours...
C’était en 1978. Un quart de siècle plus tard, aux Bertins, se dresse le Domaine Equestre de Chevillon : 4 hectares de bâtiments et de carrières, 6 hectares de prés, un manège olympique, 90 enfants en pension, une écurie de 60 chevaux et 50 poneys, et, surtout, 23 salariés permanents. Sans compter les animateurs engagés pour l’été. Sans compter, du matin au soir, les apprentis cavaliers de passage, la selle sous le bras, le filet et la cravache à la main, attendant leur tour d’aller monter « Pompon » ou « Nikita ».
Rien ne prédisposait ces deux-là à monter une telle affaire. Lui, savoyard pur sucre, fils d’un ébéniste d’art, s’est payé un jour quelques leçons d’équitation avec ses premiers salaires de moniteur de ski – et il a aimé cela. Elle, parisienne, descendant d’une famille d’émigrés polonais, a été inscrite par son père dans un cours d’équitation, comme toutes les jeunes filles de bonne famille – et elle a aimé cela. Le destin, facétieux, a fait le reste : au club hippique de Clairis, dans le nord de l’Yonne, là où la jolie Isabelle découvrait les charmes de la volte et du trot assis, un jeune homme charmant, savoyard, ancien instructeur de ski, faisait ses premières armes de moniteur d’équitation…

CHEVAL ET
HANDICAP

En suivant son pygmalion, Isabelle ne se doutait pas qu’elle allait manier la tondeuse et la truelle plus souvent que la longe et le bridon. Or, il fallait bien aménager l’endroit, bâtir des boxes, défricher la carrière, faire le tour des banques, recruter des collaborateurs, soigner les premiers pensionnaires et changer leurs litières tous les jours ! Tout en s’entraînant dur : l’équitation est affaire de patience et d’obstination. Affaire de risque, aussi. En 1987, alors qu’il vient d’accéder à la « première catégorie » des cavaliers de saut d’obstacle, Christian doit renoncer à monter. Mal de dos. Classique et catastrophique. La fin d’un rêve.
Comment surmonter la déprime ? En se consacrant à l’entreprise. En apprenant la comptabilité, le droit, l’administration. En ouvrant un centre de vacances pour enfants, en accueillant des « classes de découverte ». Et en reportant ses espoirs de médaille sur son ancienne élève, Isabelle, qui accède bientôt à la « deuxième catégorie » et participe à nombre d’épreuves nationales, dont le championnat de France des cavalières. Mais, en 1995, seconde tuile. Isabelle, sur sa jument « To Night », chute lourdement, en plein concours, à Romorantin. Deux mois en maison de rééducation. A son tour, elle doit renoncer à monter. Les deux futurs champions sont à pied. Pour toujours.
Ne pas se laisser abattre. Repartir. Ils sont deux, désormais, à faire tourner le domaine équestre. Ils vont en faire une entreprise modèle. A 90 minutes de Paris, non loin de l’autoroute du sud, le site est bien placé. La présence active de l’ami Jean d’Orgeix, plusieurs fois médaillé olympique, contribue à sa renommée. Le bouche à oreilles fonctionne. Tel chanteur connu confie ses chevaux à Chevillon. Telle femme politique célèbre vient y faire monter ses enfants. Isabelle et Christian retrouvent une nouvelle harmonie. Elle démarche, il embauche. Elle s’investit dans le commercial et remplit le centre de vacances, il s’occupe de la gestion et développe le coaching : chaque week-end, au volant d’un camion Mercedes, il sillonne la France de concours en concours, du Touquet à Cannes, afin d’y faire gagner les chevaux qu’il entraîne pour d’autres que lui.
Et ensuite ? Que faire d’un centre équestre qui génère un million d’euros de chiffre d’affaire par an ? Que faire de cette « passion du cheval » qui est devenue le slogan de l’entreprise ? Le Domaine équestre de Chevillon a accueilli pendant huit ans, début septembre, un concours de niveau national rassemblant le ban et l’arrière ban de la spécialité. Cette année, nouveau saut dans l’inconnu : la compétition habituelle fait place à une manifestation à la fois inédite et ambitieuse, baptisée Héquipole : un concours de saut ouvert aux handicapés physiques – du jamais vu – assorti d’un colloque scientifique sur le thème « cheval et handicap ». Spécialistes, chercheurs, pédagogues, cinéastes et cavaliers de haut niveau viendront animer les débats. Parrain du projet : l’acteur Thierry Lhermitte. Arrière-pensée des organisateurs : faire que le concours de saut devienne à son tour une épreuve officielle aux Jeux Paralympiques de Londres en 2012. Ce rêve-là, à coup sûr, deviendra réalité. A condition de franchir beaucoup d’obstacles…
B.L.

Télécharger le fichier

Publié dans Portraits de Bourguignons | Lien permanent