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GUYOT Michel

Le gentleman rêveur

De son enfance berrichonne, le châtelain de Saint-Fargeau a gardé deux souvenirs : les rigolades en famille, qu’il perpétue aujourd’hui en réunissant joyeusement trois générations de Guyot à chaque occasion de fête ; et les vacances passées à courir châteaux et abbayes, que son père, Paul Guyot, petit patron dynamique et catholique fervent, considérait comme le meilleur moyen d’inculquer à ses six enfants l’amour de la beauté, le goût de l’histoire, le respect pour le patrimoine.
Elève des Frères des Ecoles chrétiennes, nourri de Péguy et de Claudel, façonné dans le culte de la liberté, de la famille et du bonheur, le petit Michel aurait pu devenir moine franciscain, comme un de ses frères. Ou avocat, ou notaire. Mais voilà : le jeune homme n’est pas fait pour les études. Lui, son truc, c’est la peinture et les chevaux. Alors il s’inscrit aux Beaux-Arts, d’abord à Bourges, puis à Paris où le surprend – en ce 22 mars historique, jour de sa majorité – la révolte étudiante de 1968. Sur les murs du Quartier Latin, un slogan fleurit : « Exigez l’impossible ! »
Un service militaire à cheval au Deuxième Hussards, des stages d’équitation à l’Ecole militaire, des concours de haut niveau : Michel Guyot et son frère Jacques, de quatre ans son cadet, sont définitivement attirés par « l’odeur de paille, de crottin, de graisse et de vieux cuir », celle qu’exhalent les écuries du château de Valençay où ils créent, en 1972, un club hippique. Non loin de là, les deux frères découvrent le petit château de La Roche. L’endroit est abandonné. Un grain de folie, un prêt bancaire, une bonne dose d’inconscience, et les deux frères achètent le bâtiment où ils transplantent chevaux, attelages et rêves de gosses. Mais l’endroit se révèle trop petit pour leurs ambitions démesurées. En 1979, Michel et Jacques Guyot revendent La Roche et acquièrent Saint-Fargeau, au cœur de la Puisaye. Pour 2 millions de Francs. Une paille.

LA PASSION
DU PATRIMOINE

Comment redonner vie au château de la Grande Mademoiselle, devenu un énorme tas de briques aux toitures dévastées ? Les visites payantes et les stages de poney ne suffisant pas, Michel Guyot monte un super-festival de musique, de danse et de théâtre, où il fait venir l’orchestre de la Garde Républicaine, le corps de ballet de l’Opéra de Paris, la Comédie française… pour un public de 185 spectateurs. Un bide gigantesque. Une catastrophe.
D’autres se seraient découragé pour moins que cela. Guyot, lui, abandonne ses rêves d’Avignon et monte alors, avec les gens du coin, ce qui sera le « spectacle historique » de Saint-Fargeau : 600 acteurs et 100 cavaliers, tous bénévoles ; plus de 50.000 spectateurs par saison. En prime, mais non sans efforts, il ouvre au public la « Ferme du château » reconstituée façon 1900. Objectif : défendre le patrimoine architectural, historique, rural. Michel y ajoutera le patrimoine industriel quand il se mettra en tête de rassembler, dans le parc du château, deux, trois puis cinq énormes locomotives anciennes : « Regardez la 230 C-Ouest, elle est unique au monde ! Et cette Polonaise de 100 tonnes, une merveille ! »
Ce gentleman rêveur incapable de manier une calculette – mais imbattable pour trouver des sponsors – ne cesse d’imaginer des entreprises insensées. Il rachète une ferme en Provence, le Mas de Végères, qu’il ouvre au public, puis deux nouveaux châteaux : Arrabloy, près de Gien, et Beaufort, en Lozère. Son frère Jacques n’est pas en reste, qui rachète Ancy-le-Franc. Restaurer de vieilles pierres, leur redonner une âme, est devenu pour les deux aventuriers une passion dévorante dans laquelle Michel entraîne sa femme Béatrice, directrice de musée à Paris, et ses trois enfants. C’est sa fille Emilie, 25 ans, qui s’occupe de la Ferme du château.
Un jour, Michel a une idée plus folle que les autres : construire un château fort, de toutes pièces, en utilisant les techniques du XIIIème siècle, et en faisant financer l’entreprise par tous ceux qui viendront la voir. On le prend pour un doux dingue. Contre vents et marées, le chantier médiéval de Guédelon verra le jour en 1998, à quelques portées d’arbalète de Saint-Fargeau. Il est aujourd’hui, avec 200.000 visiteurs par an, le deuxième site payant de la Bourgogne après les Hospices de Beaune !
Veste élimée, bottes crottées, œil brillant et sourire enfantin, Michel continue de faire travailler ses chevaux, de conduire des travaux de restauration, d’élaborer des plans sur la comète. Son prochain défi : sur le modèle de Guédelon, entamer la construction d’un prieuré cistercien, et l’ouvrir à des moines, des vrais. Mystique, Michel Guyot ? Pas du tout. Amoureux « de la beauté, de l’équilibre, de tous les univers, ambiances, climats, atmosphères qui procurent du bonheur ». Le châtelain de Saint-Fargeau a fait sienne la devise de Jacques Cœur, grand argentier du roi Charles VII, berrichon lui aussi, qui fut le plus illustre propriétaire de son château poyaudin : « A cœur vaillant, rien d’impossible ».
B.L.

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