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HITIER Olivier

Le travailleur du livre

Une famille de bosseurs. Le grand père de Clamecy, d’abord : ses ruches, son alambic, ses fruitiers, et sa décision, un jour, d’envoyer sa fille à Auxerre pour faire institutrice. La grand mère, illustratrice à la faïencerie Colas : sa minutie, son amour du travail bien fait. Le père, ensuite, fonctionnaire au ministère des Transports : son courage, son exigence, sa volonté de progresser sans cesse. « Adolescent, j’ai juré de ne jamais devenir fonctionnaire, raconte Olivier Hitier, car je croyais que tous les fonctionnaires travaillaient comme mes parents ! » La boutade est parlante. Dans la famille Hitier, on ne se repose jamais. Ni sur les autres, ni sur ses lauriers.
Né à Sens, où sa mère fut nommée en sortant de l’Ecole Normale, Olivier Hitier se rappelle que ses parents se sont débarrassés, au bout de six mois, de leur premier poste de télévision : mieux valait fréquenter le théâtre, écouter des concerts, courir les expos et, surtout, lire des livres ! Le livre, chez les Hitier, c’est la clef de l’ascenseur social et la porte du bonheur. Quand le petit Olivier, après la classe de troisième, entre à l’Ecole Estienne, il est dans son élément : le dessin, le papier, la couleur, la gravure, il adore.
Après un BTS d’industries graphiques, il entre chez MEAD Emballage, à Maurepas. Ses références ne s’appellent pas Molière, Stendhal ou Alexandre Dumas, mais Kronenbourg, Yoplait et Mamie Nova. Il perfectionne sa maîtrise technique, découvre la relation client, voyage beaucoup. Un beau jour de 1986, on lui propose d’entrer chez Hachette Livres, dont l’enseigne scintille alors à l’angle des boulevards Saint-Germain et Saint-Michel, à Paris. Le Quartier Latin et ses théâtres, le groupe Hachette et ses filiales : Olivier Hitier, à 28 ans, entre dans la cour des grands.

DU « PELERIN »
AUX « TROIS SUISSES »

Pendant onze années, il va diriger le secteur Education du premier fabriquant de livres français : manuels scolaires, cahiers de vacances, dictionnaires, il publie environ 1.500 nouveaux titres par an ! En 1995, il est nommé responsable de la fabrication d’Hélio Corbeil, une grosse imprimerie où 400 personnes travaillent pour une autre filiale du groupe, Hachette Presse, qui édite surtout des magazines : il fabrique Le Pèlerin, Notre Temps, Télé 7 Jours, Ici Paris, mais aussi beaucoup de catalogues de vente par correspondance : Les Trois Suisses, La Redoute, etc. Au total, la boîte consomme 105.000 tonnes de papier par an. Un record. Une gestion fine pour une production géante : « Avez-vous déjà vu une bobine de 4 tonnes, installée sur une rotative, disparaître en 20 minutes ? »
En 1995, il est recruté par le groupe suisse Edipresse pour prendre la direction de sa vénérable imprimerie dijonnaise : Darantière, à Quetigny. Discussions, hésitations : pourquoi quitter un job bien payé dans une société solide pour diriger une entreprise moribonde en redressement judiciaire ? Le risque est énorme. Mais à 39 ans, le Bourguignon est attiré par sa région d’origine – où il s’approvisionne toujours en vins – et tenté par la direction d’une entreprise. Surtout si elle fabrique des livres. « J’étais un peu fou et un peu naïf », raconte Hitier, non sans avouer qu’il a déjà, à l’époque, une petite idée en tête : si l’affaire marche, pourquoi ne pas en faire, un jour, sa propre entreprise ?
Quinze heures de travail par jour, les week-ends à apprendre par cœur le code du travail et à potasser la gestion financière : dès 1999, la courbe s’inverse, puis fléchit, puis se redresse durablement. Les dirigeants d’Edipresse sont bluffés. En septembre 2003, ils lui proposent, en priorité, de racheter l’entreprise. Nouvelles discussions, nouvelles hésitations : le risque, à nouveau, est considérable. Mais ne regrettera-t-il pas toute sa vie d’avoir laissé passer la chance ? Le 3 janvier 2004, il signe.
La France compte 7.000 imprimeries. Darantière – un chiffre d’affaire d’environ 5,5 millions d’euros, une soixantaine de salariés – se situe en 209ème position. Spécialité : les livres. Tout le monde a, dans sa bibliothèque, des ouvrages imprimés par Darantière. Les bibliophiles savent que c’est Darantière qui fabrique la prestigieuse collection de La Pléïade, éditée par Gallimard. Olivier Hitier n’est pas peu fier de faire visiter ses ateliers, de montrer ses rotatives ultraperformantes, de comparer à l’envi les avantages de la couverture souple, du carré-collé, du cahier cousu – « grecqué » ou « en notch », telle est la question !
Ce chef d’entreprise est d’abord un artisan qui sait tout faire, un amateur au sens propre. Le livre, c’est son bonheur. Mais il sait aussi que l’avenir est à la télé, à l’image, à l’internet. Alors il faut travailler : abaisser les frais de structures, diversifier les commandes, se tourner vers le « labeur », faire de plus en plus de « couleur », prospecter davantage cette région où il a pris racine…
Olivier Hitier habite au milieu des vignes. Pour décompresser, il alterne la moto et les copains, le tennis et la trompette. Pourquoi la trompette ? Parce que son grand-père, à Clamecy, entre ses ruches et ses fruitiers, trouvait le temps de jouer de la trompette au sein de l’harmonie municipale. Dans la famille Hitier, le travail n’est pas tout dans la vie.
B.L.

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Publié dans Portraits de Bourguignons | Lien permanent