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BODINEAU Pierre

Le maître du consensus

« Mon père tenait le Comptoir du Blanc, rue de la Liberté. Il avait deux passions : les oiseaux et le scoutisme ». Pierre Bodineau se rappelle avec émotion les trois cents perruches qui égayaient la maison de famille, à Dijon, et les réunions enfiévrées des Eclaireurs de France dont son paternel était, à plus de 40 ans, le responsable pour la Côte d’Or. Il était naturel que le gamin, à son tour, devînt « louveteau », puis « éclaireur ». A chacun son totem : musicien doué et animateur actif, le petit Pierre devient « Rossignol entreprenant ».
Chef de troupe, puis commissaire régional, il est élu président du scoutisme français en 1979. A ce titre, il rencontre un jeune Secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports nommé Jean-Pierre Soisson, attentif aux efforts déployés par les scouts pour sortir de la crise où leur mouvement faillit sombrer après mai 68. Devenu vice-président pour l’Europe, Pierre Bodineau contribue à ressusciter le scoutisme à Varsovie, à Berlin-Est, où le communisme l’avait interdit. Des feux de camp au maniement des hommes, de la vie en groupe à la découverte des autres cultures, le scoutisme est une école de vie.
En 1983, il passe la main. Depuis onze ans déjà, il troque régulièrement le foulard et la chemise kaki pour le costume-cravate de maître de conférence à l’Université de Bourgogne. Spécialité : l’histoire des institutions. De publications scientifiques en colloques savants, Bodineau étudie les mécanismes que les hommes ont inventés pour gérer leurs affaires autrement que par la dague, le croc-en-jambe ou les chars : le régime d’assemblée, le vote majoritaire, le consensus…
Mais un scout reste un scout. Quand un ami vient lui demander d’animer le Centre régional des Enfants et adolescents Inadaptés (CREAI), Bodineau fait sa « B.A. » et accepte la présidence de cet organisme de 500 salariés. Bénévolement, bien sûr. Sans savoir que ce poste lui vaudra de siéger, ès qualité, dans un organisme consultatif alors en pleine refonte : le Conseil économique et social régional (CESR).
Trois ans plus tard, en décembre 1985, le renouvellement du président du CESR pose problème. Sollicité par le syndicat CFTC, Bodineau – qui vient de s’illustrer par un brillant rapport sur la démographie en Bourgogne – est élu président de cette assemblée à la fois mal connue et plutôt mal vue du Conseil régional, son rival élu au suffrage universel. A l’issue du scrutin, l’inspecteur des Renseignements Généraux, perplexe, lui demande quelle est son étiquette politique : « Je peux vous mettre au centre gauche ? »

INCLASSABLE ET
CONSENSUEL

A 41 ans, Pierre Bodineau n’imagine pas qu’il va occuper ce fauteuil prestigieux pendant dix-neuf années ! Réélu facilement en 1989 et en 1995, cet homme affable, modéré et inclassable, rompu aux majorités d’idées et aux compromis de couloir, devient incontournable. En 1995, le maire de Dijon, Robert Poujade, en fait son adjoint chargé des relations avec l’Université. Pour le prof de droit public, ce mandat est « une expérience de plus, très enrichissante ». Pas assez concluante, néanmoins, pour lui permettre de jouer un rôle déterminant lors de la houleuse succession de Poujade, en 2001. Un regret ? « Je n’ai jamais aimé la politique… » Une ombre furtive passe dans ses yeux bleus, vite dissipée : cette année-là, Bodineau est réélu à la tête du CESR dès le premier tour de scrutin contre la combattive Cécile Felzines, pourtant soutenue par le patronat et le président du Conseil régional, Jean-Pierre Soisson en personne. Modeste et un tantinet roublard, Pierre Bodineau savoure, mine de rien, cette victoire-là.
Comme si de rien n’était, il continue de dispenser ses cours de droit à la fac et à Sciences Po. Pour le fun, il signe des billets d’humeur dans le Journal de Saône-et-Loire et enregistre quotidiennement, sur France Bleu Bourgogne, des chroniques sur les entreprises locales, les grands personnages du cru, les lieux jalonnant le réseau de bus dijonnais. Il y a du Philippe Bouvard chez ce respectable juriste qui publie, par ailleurs, de très sérieuses monographies scientifiques et pas moins de cinq « Que sais-je ? » sur les institutions, la décentralisation, l’histoire des constitutions françaises, etc. D’autres, à sa place, auraient levé le pied. Bodineau, lui, pense à l’avenir. En novembre 2004, lors du renouvellement triennal du bureau du CESR, il cède la place à un patron dijonnais, François Berthelon. En douceur.
La retraite, déjà ? Le piano et les soldats de plomb, trop longtemps délaissés ? Quelle blague ! Président de la SCIC Habitat Bourgogne-Champagne, du Crédit Immobilier de France en Bourgogne, de « Musique et Danse en Bourgogne », de l’ENSEAD et de quelques sociétés savantes régionales, Pierre Bodineau cumule toujours les casquettes, les activités, les engagements. A 60 ans, « Rossignol entreprenant » n’a pas oublié la devise des scouts : « Toujours prêt ! »
B.L.

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Publié dans Portraits de Bourguignons | Lien permanent