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GOUSSEAU Rémi

L’enchanteur de la Puisaye

Saint-Germain-en-Laye, ville d’histoire, berceau de Debussy. Une famille d’intellos où l’on croit en Dieu, en la vie, en la création : Rémi Gousseau est le huitième d’une ribambelle de douze enfants, encore enrichie par deux adoptions ! L’enfance d’un chef, ce peut être cela : un mélange enharmonique de foi, d’histoire, de musique et de rires d’enfants. Dans ce cas précis, c’est aussi la mémoire d’un grand père mythique, qui fut, à partir de 1892, maître de chapelle à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, près de Notre Dame de Paris. L’église, à l’époque, n’est pas encore l’enjeu des bagarres entre chrétiens de gauche et de droite, mais la famille Gousseau y subit déjà les remous de l’Histoire : « En 1905, raconte Rémi, mon grand père s’est retrouvé chômeur : la séparation de l’Eglise et de l’Etat a ôté aux curés les moyens de payer les centaines de chefs professionnels qui avaient lentement ressuscité, depuis Napoléon III, la tradition vocale française anéantie par la Révolution ! Ils seront peu à peu remplacés par des prêtres formés en interne, mais il faudra un bon demi-siècle pour reconstituer le chant choral en France. »
Maître de chapelle ! Aussi loin que remontent ses souvenirs, le jeune Rémi n’a jamais imaginé un autre métier. A 4 ans, il veut devenir chef d’orchestre. A 7 ans, il compose son premier concerto. Une tante musicienne, Lélia Gousseau, le met au piano, puis au violoncelle. A 11 ans, il quitte l’école. Ses parents l’inscrivent à l’Ecole normale de musique de Paris où il apprend l’harmonie, le contrepoint et la rigueur. Tous les dimanches, il chante à Versailles. A 15 ans, il suit son premier maître, le Dijonnais Jean-Sébastien Béreau, à Rouen puis à Strasbourg. A 17 ans, il devient l’adjoint du p. Emile Martin, maître de chapelle à Saint-Eustache, à Paris. « Un monde un peu spécial, avoue Rémi, qui m’a donné envie de chercher ailleurs… »
Il faut vivre, aussi. Rémi cachetonne. Du classique, du jazz, de la variété. Le violoncelle, dans le dernier disque du regretté Jacques Brel, c’est lui. En 1974, avec des copains du conservatoire, il fonde l’Orchestre de chambre d’Ile-de-France. C’est le temps de la débrouille : « Nous n’étions pas toujours payés, nous faisions nos propres affiches au pochoir ! » Il a 20 ans et quelques amitiés politiques – Gérard Leclerc, Bertrand Renouvin – plus proches de la Nouvelle Action Française que des leaders de mai 68. Par fidélité. Par héritage. Chez son père, à Saint-Germain-en-Laye, il voit défiler Michel Déon, Jacques Laurent et autres Pierre Boutang. Une génération diablement talentueuse, mais rejetée par son époque et balayée par le vent de l’Histoire.

Vingt-cinq ans
avant les Choristes…

La politique divise, la musique rassemble. En 1976, Rémi Gousseau devient directeur du Conservatoire municipal du XIVème arrondissement de Paris et chef de chœur à Radio France. Il découvre la pédagogie, l’organisation, l’administration. Mais il s’interroge, aussi, sur sa vocation. En 1979, il fait l’expérience du séminaire, à Digne, où son supérieur lui propose de monter un chœur. Rémi réunit douze volontaires, puis cinquante, et dirige bientôt cent vingt amateurs, façon Les Choristes. L’aventure débouche, en 1983, sur la création du Festival international d’art chrétien. Trois ans de succès. Gousseau, qui a quitté le séminaire, ne doute de rien et cite l’Evangile : « Regardez les oiseaux du ciel… »
L’homme a dix idées par jour. Il fonde l’Orchestre philharmonique de France, qu’il finance, contre toutes les habitudes françaises, par le mécénat et la publicité. Il va faire retraite à l’abbaye bénédictine Sainte-Anne de Kergonan, où il se passionne pour le grégorien. Le 1er novembre 1987, à la Madeleine, sa Messe pour voix d’hommes interprétée par le chœur de l’Armée française, remporte un triomphe. C’est le début d’une carrière de compositeur atypique, classique et religieux, qui ne l’empêche pas de créer le festival des Nocturnes Océanes de Luçon, en Vendée, ni d’accepter bientôt la direction de la maîtrise Saint-Louis-de-Gonzague, un chœur attaché au lycée Franklin, à Paris.
C’est cette équipée de jeunes ados parisiens que Rémi fait venir, pour quelques stages de vacances, dans la robuste région de Puisaye où sa famille a quelques attaches – sa sœur a épousé Jean-Luc Le Carpentier, directeur du théâtre d’Auxerre – et une maison depuis 1989. La bonne volonté de ces fils de bourgeois capables de véritables performances musicales intrigue bientôt le directeur de l’Ecole de musique de Puisaye, Thierry Bouchier, qui propose à Gousseau de les faire chanter en vrai, ses jeunes, dans les églises locales !
En 2003 naissent ainsi les « Estivales en Puisaye-Forterre » : cinq concerts et quelques animations. Trois ans plus tard, avec la complicité du mécène Bernard de Watteville, de Saint-Sauveur, la partition a pris forme : c’est une vingtaine de concerts, dont un opéra inédit, que Rémi Gousseau présentera, du 17 au 27 août, dans une quinzaine de villages poyaudins, de Champignelles à Treigny, où les jeunes de Saint-Louis-de-Gonzague, les professeurs et les stagiaires de l’Ecole de musique de Puisaye, rejoints par quelque vingt-cinq instrumentistes de l’orchestre Dvorak de Prague, donneront le meilleur d’eux-mêmes (*).
Qui aurait pensé que la Puisaye, avec ses rudes châteaux, ses fresques murales, ses potiers et son musée Colette, deviendrait un jour une terre musicale ?
B.L.

(*) Tous renseignements dans les Offices de tourisme de l’Yonne et sur le site www.estivalesenpuisaye.com.

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