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CAENS Thierry

Le trompettiste aux fourneaux

Comme Obélix, il est tombé dedans quand il était petit. Dans l’ancien presbytère de Brochon où Thierry Caens habite aujourd’hui, trompettes et clairons trônaient déjà, en 1958, sur les étagères et dans les placards. A l’époque, son père, élève du cornettiste Eugène Foveau, enseignait au Conservatoire de Dijon tandis que sa mère dirigeait l’école voisine de Gevrey. Né au milieu des partitions, des pistons et des lutrins, le gamin joue de la trompette dès l’âge de 5 ans, défile fièrement avec la fanfare du village, et, tout naturellement, suit pendant des années les cours de son paternel. En 1974, reçu brillamment au concours d’entrée du Conservatoire de Paris, il découvre les soirées parisiennes, les copains, les cabarets, l’insouciance de la jeunesse. Et, en musique, la grande classe : son prof s’appelle Maurice André. Etre l’élève d’une star internationale aiguise l’ambition. En 1978, le jeune homme se présente au concours de l’Orchestre national de Lyon, dirigé par Serge Baudo. Il devient trompette solo. Il n’a que 19 ans.
Les concerts de haut niveau, les tournées à l’étranger, les bouchons lyonnais : quatre ans de « bonheur absolu » pour ce célibataire curieux de tout et amoureux de la vie. A-t-il eu raison de quitter Lyon en 1981 pour devenir cornet solo à l’Orchestre de l’Opéra de Paris ? Cette aventure-là le déçoit. Manque de liberté, d’invention, d’authenticité. Quand son père part en retraite, en septembre 1984, il décide de revenir au pays et de prendre sa succession à Dijon. L’indépendance, le retour aux sources, la Bourgogne. Et la faculté de créer, d’innover, de rassembler. La musique, à elle seule, ne suffit pas à ce boulimique. Dès 1982, il crée un festival régional de cuivres, faisant venir en Bourgogne trompettistes, cornistes et cornettistes du monde entier. Mal gérée, l’entreprise s’arrête au bout de quelques années. L’expérience, amère, lui sera profitable.

L’AVENTURE
DE LA CAMERATA

En 1987, avec quelques musiciens de Dijon, Chalon et Paris, il crée la Camerata de Bourgogne, un orchestre de chambre à géométrie variable, sans chef ni structures, « un peu baba cool, limite militant ». Un « réservoir de plaisir » pour tous ces pros à la recherche de sensations nouvelles. Un projet enraciné dans le terroir bourguignon, présidé par un ténor… du barreau, l’avocat dijonnais Vincent Berthat. Il fallait y croire pour se lancer dans une telle épopée régionale sans la moindre subvention ! Quand on joue les francs-tireurs, les pouvoirs en place vous regardent de travers. C’est vrai aussi pour la musique. « Mais quand on joue sans préoccupation d’argent, explique Thierry Caens, on touche plus facilement au bonheur ! » Le Crédit Agricole, d’abord, puis la Ville de Dijon, les conseils généraux, le Conseil régional, mettront binetôt la main à la poche, favorisant l’émergence de cette création 100 % bourguignonne dont Thierry Caens est le directeur artistique et dont le budget annuel avoisine les 300.000 euros.
De récitals modestes en grosses productions, la Camerata de Bourgogne a fait ses preuves. Sa prestation dans le Requiem de Fauré avec le chœur Arsys-Bourgogne, en 2002, fut un grand moment. Et les compliments chaleureux de « monstres sacrés » comme Maurice Jarre ou Michel Legrand, qui l’ont successivement dirigée lors du Festival de la musique de film, à Auxerre, en 2003 et 2004, valent bien des trophées officiels ! Seul regret : que l’Auditorium de Dijon n’ait pas programmé la Camerata ces trois dernières années. Blocages institutionnels et rivalités de personnes ne sont pas le monopole des hommes politiques…
Opiniâtre, Thierry Caens poursuit sa route. Toujours professeur au conservatoire de Dijon, mais aussi à celui de Lyon depuis quelques mois, vedette de concerts donnés au fin fond du Morvan, soliste invité dans toute l’Europe par des orchestres prestigieux, il est aussi éditeur de partitions musicales (chez Hamelle-Leduc et Midi Musiques) et présentateur de l’émission L’instant classique sur France Bleu Bourgogne. Il enregistre aussi, bien sûr. Mais quand on sait que la musique classique représente 5 % du marché du disque en France, et que la trompette n’est pas l’instrument le plus prisé des producteurs, on comprend qu’éditer un CD, de nos jours, tienne de la gageure. C’est en élaborant des formes nouvelles et sophistiquées de sponsoring – comme son club de mécènes « Vivartis » – que Thierry Caens parviendra à sortir son prochain disque dont le titre est déjà choisi : Troisième souffle.
Omniprésent, Thierry Caens ! C’est à se demander quand il trouve le temps d’astiquer ses casseroles, d’aller aux champignons, de faire le marché et d’expérimenter des recettes avec ses copains étoilés Jean-Pierre Billoux et David Zuddas. Or, tous ses amis, célèbres ou non, vous le diront : le « Tiramisu bourguignon » et les « Escargots à la brochonaise » servis par le maître dans son ancien presbytère, au milieu des partitions, des pistons et des lutrins, sont autant de symphonies fantastiques. A consommer comme la musique et l’amitié : sans modération.
B.L.

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