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MEYER Till

L’homme du Rhin

« Savez-vous que la Bourgogne compte près de 250 jumelages et autres liens organisés avec l’Allemagne ? » Till Meyer, 52 ans, directeur de la Maison de Rhénanie-Palatinat à Dijon, ne boude pas son plaisir : la « Semaine franco-allemande » organisée pour la première fois en Bourgogne, en ce début d’automne, est une étape de plus dans un processus qui le passionne. Pour ce grand gaillard d’1m90, affable et jovial, tout ce qui rapproche les peuples d’Europe va dans le bon sens.
Mai 1968 à Francfort-sur-le-Main. Comme tous les ados allemands fascinés par la révolte étudiante, le jeune Till Meyer, 16 ans, écoute les Daniel Cohn-Bendit, Joschka Fischer et autres Herbert Marcuse prôner la révolution. Mais les « soixante-huitards », outre-Rhin, ne cultivent pas longtemps le romantisme des pavés et des barricades : ils sont rattrapés par la réalité d’un pays prospère, coupé en deux par le « rideau de fer » et plombé par son passé. Le grand père de Till s’appelait Adolf. Dans les années 20, il avait été architecte de la ville de Francfort, et, dans l’ombre de Walter Gropius, cofondateur du Bauhaus - cette école d’architecture moderne et utopiste qu’Hitler condamna dès son accession au pouvoir en 1933. Etonnez-vous que Till Meyer se méfie de tous les relents de nationalisme…
Dans les années 1970, Francfort, grande ville ouverte sur le monde, résonne de tous les débats idéologiques de l’époque. Sagement, le jeune Till préfère aller étudier la philo, l’histoire et les lettres de l’autre côté du Rhin, à Mayence, dans le Land de Rhénanie-Palatinat. En 1983, il saute sur une proposition originale : dans le cadre du partenariat qu’elle entretient avec la Bourgogne, la Rhénanie-Palatinat cherche un lecteur pour la fac de Dijon.
Première expérience bourguignonne. Till enseigne l’allemand, il anime une petite émission franco-allemande quotidienne sur Dijon Campus et, pour compléter son salaire, il fait le guide : à Alésia, il déclame pour les touristes allemands la Guerre des Gaules de César ; à Vézelay, il confond, au début, la façade de la basilique et le tympan du portail intérieur, mais qu’importe ! Il découvre l’histoire de la Bourgogne. Les vestiges celtes, l’ombre des Burgondes, le souvenir de la Lotharingie et l’art cistercien lui rappellent sa région où, de Trèves à Mayence, on trouve les mêmes repères historiques. Et la même culture vinicole : la Rhénanie-Palatinat ne produit-elle pas 70 % du vin d’Allemagne ?

MONSIEUR LE CONSUL

De retour au pays, Till devient pigiste de radio à la Hessische Rundfunk. Il a parfois la nostalgie des églises romanes, des caves de la « côte », des restaurants dijonnais et de l’histoire ducale. En 1990, l’Amicale Bourgogne-Rhénanie-Palatinat cherche un « coordinateur » pour développer les liens que les deux régions ont noués depuis plus de trente ans. Till postule. De retour à Dijon, il est nommé directeur de la nouvelle Maison de Rhénanie-Palatinat, inaugurée en grandes pompes le 21 septembre 1991. Le jeune homme a du pain sur la planche : faire valider les cours de langue, monter des expositions, favoriser les rencontres, créer une documentation, diffuser des informations, multiplier les échanges de stagiaires…
En 1994, c’est la consécration : Till Meyer est nommé consul honoraire d’Allemagne à Dijon. « Cela a renforcé ma crédibilité locale, mais je ne suis pas devenu un notable pour autant ! » Cette année-là, le conseil régional inaugure, à son tour, une Maison de la Bourgogne à Mayence. Till se sent moins seul. Les contacts entre les deux régions s’intensifient. Bientôt, la Bourgogne et la Rhénanie-Palatinat créeront une relation originale, quadripartite, avec la région tchèque de Bohême centrale et la voïvodie d’Opole, en Pologne. L’Europe élargie, en Bourgogne, ce n’est pas une abstraction - au moins chez les jeunes générations pour qui elle est même, souvent, une évidence. Till aimerait qu’il en soit de même pour leurs parents, trop souvent repliés sur leur région : « L’Europe est bien plus présente en Bourgogne, d’ores et déjà, que la Bourgogne n’est présente en Europe ! » Mais ses propres enfants, Pierre (8 ans) et Paul (13 ans) le rassurent : à leur âge, il est plus important qu’un gamin soit « nul » ou « cool » plutôt que « français » ou « allemand » !
Il y aura bientôt quinze ans que Till se bat pour que des étudiants toujours plus nombreux passent des diplômes franco-allemands ; pour que les vacanciers bourguignons se rendent en Rhénanie-Palatinat compléter leur connaissance de l’histoire de France ; pour que les parents inscrivent davantage leurs enfants dans les classes d’allemand afin d’endiguer le déclin de l’apprentissage de la langue de Goethe !
L’an dernier, la Bourgogne a fêté le 40ème anniversaire de la réconciliation franco-allemande voulue par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer. Cet été, elle a célébré le 60ème anniversaire de la libération du joug hitlérien. Au premier rang des cérémonies figurait un certain Peter Gingold, 88 ans, allemand et… résistant. Comme pour rappeler que l’histoire des peuples n’est jamais figée. Et qu’elle va dans le bon sens.
B.L.

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