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GUICHARD Vincent

La sentinelle du Mont Beuvray

A douze ans, on collectionne les pin’s, les capsules, les photos de Laurie ou les marque-pages. Le petit Vincent, lui, collectionnait les cailloux. L’été où un de ses oncles, en défrichant un bois, a éventré les ruines d’une ferme romaine, le gamin fasciné a passé ses vacances à ramasser des tessons de poterie. Dans la région de Saint-Etienne, comme dans tout le sillon rhodanien, il suffit de creuser pour trouver des vestiges gallo-romains.
« A cette époque, on partait à vélo et on fouillait n’importe où, sans autorisation, sans règles de sécurité ! » A remuer la terre sur les chantiers de Feurs, dans la Loire, Vincent devient incollable sur l’époque romaine. Mais à force de ramasser des pièces de monnaie et des débris d’amphores, il découvre que la civilisation gallo-romaine cache souvent les restes de la société celtique, antérieure de deux ou trois siècles, qui a peu de choses à lui envier. Nos ancêtres les Gaulois n’étaient donc pas les barbares sales et hirsutes que les manuels scolaires se plaisent à décrire !
La marotte devient passion. Chez les Guichard, où l’on est plus habitué à gérer des multinationales qu’à compter les sesterces, on s’inquiète. En bon fils de famille, Vincent se lance dans des études scientifiques qu’il fait durer, durer… le temps de potasser l’histoire celtique, de courir colloques et nécropoles, et même d’écrire un livre, avec un ami, sur le site gaulois de Feurs. Il finira par intégrer Polytechnique et soutenir une thèse de doctorat en spectrochimie – il ne sait même plus sur quoi.
Quinze jours de stage dans la société de papa, en 1989, le convainquent définitivement d’aller voir ailleurs. Tout en enseignant à la fac de Clermont-Ferrand, Vincent Guichard fréquente assidûment les bibliothèques et les musées de cette région d’Auvergne qui fut celle de Vercingétorix. Notamment à Roanne, la ville natale de Joseph Déchelette, un des grands précurseurs des études celtiques. Ses week-ends et ses vacances se passent sur un futur tronçon d’autoroute, dans la plaine de Limagne, à pratiquer l’archéologie « de sauvetage » - laquelle consiste à profiter de grands travaux à venir pour fouiller avant l’arrivée des bulldozers. Le temps de prouver qu’à cet endroit, les aménagements agraires ne dataient pas des Romains, mais des Gaulois.

DES ARVERNES
AUX EDUENS

Il y a dix ans, le ministère de la Culture voulut installer dans la durée le projet du président Mitterrand de développer le site du Mont Beuvray, près d’Autun. L’ancien élu de la Nièvre, aussi passionné de gauloiseries que le fut avant lui Napoléon III, rêvait de faire de Bibracte, l’ancienne capitale des Eduens, un site celtique d’envergure européenne. Lubie impériale ? Idée géniale ? En 1996, l’heure n’est plus à la polémique. Familier du petit monde des archéologues, Vincent Guichard est nommé directeur scientifique du projet. Il quitte l’exploration du site de Gergovie, près de Clermont-Ferrand, pour s’installer à Glux-en-Glenne, au cœur du Morvan. Six ans plus tard, il est nommé directeur général. Il a juste 40 ans.
Le Mont Beuvray n’est pas qu’un ancien oppidum entouré de hêtres vénérables et de chênes centenaires. C’est un endroit mythique où l’on distingue les ruines d’une immense ville gauloise, avec ses rues, ses portes, ses fortifications. Un site particulièrement riche en vestiges gaulois de tous ordres qui meublent les vitrines d’un magnifique musée de la Civilisation celtique, à la fois ultra-moderne et ludique, visité chaque année par 45.000 personnes. Sans compter autant de touristes locaux et de promeneurs du dimanche qui viennent pique-niquer ou cueillir des châtaignes sur le site lui-même, ouvert à tous les vents et à tous les rêves.
A portée de lance de Saint-Léger-sous-Beuvray, le Centre de recherche archéologique accueille en permanence savants et étudiants venus de toute l’Europe. Bureaux, bibliothèque, restaurant : tous sont surpris de voir un tel complexe, géré par une société d’économie mixte (dont la présidence est assurée par l’ancien préfet Jacques Fournet) en plein Morvan, loin de toute ville ! La nature est belle, certes, mais il arrive que le Mont Beuvray soit isolé par la neige et la bise, au point qu’on se demande comment les Gaulois, en leur temps, passaient l’hiver…
Vincent Guichard, avec son équipe, anime un programme de fouilles unique en Europe, organise des colloques de haut niveau, gère un domaine foncier de mille hectares. Et passe beaucoup de temps à négocier avec les pouvoirs publics – Etat, Région, départements, parc régional du Morvan, etc - pour que Bibracte perdure et devienne un outil culturel unique en Bourgogne : ni « Bibract’Land » façon village d’Astérix, ni ghetto scientifique réservé aux érudits, le Mont Beuvray a vocation à devenir un lieu où l’on vient passer une journée complète de détente entre la visite du musée, l’initiation à l’archéologie, la découverte des vestiges de la capitale des Eduens, le regard sur les somptueuses forêts alentours, et la balade dans les sentiers où couraient déjà, au IIème siècle avant Jésus-Christ, les enfants gaulois à la recherche de jolis cailloux.
B.L.

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