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La « com » en temps réel

Dans la maison de son enfance, à Brazey-en-Plaine, il y avait une citation scotchée par son père à la lampe du bureau : « Si tu suis le chemin qui s’appelle "plus tard", tu arriveras à la place qui s’appelle "jamais" ». Pierre Menu, négociant agricole, était un gros bosseur. Quarante ans après, sa fille aînée se rappelle, non pas les visites aux éleveurs et maquignons qui ont rythmé son enfance, mais les préceptes de son paternel, dont elle a hérité le bon sens, l’authenticité, le sens de la « négo », la rage de gagner. Et, par-dessus tout, le goût du travail.
La petite Florence évitera donc le chemin qui s’appelle « plus tard ». Elle est précoce. A 15 ans, interne au lycée de Brochon, elle apprend la vie en communauté. Et la liberté, les sorties du mercredi à Dijon, au caveau La Chlorophylle : elle ne sait pas qu’à l’endroit même où elle va danser avec ses copines, se dressera un jour une entreprise, Temps Réel, dont elle sera la pdg.
A l’âge du bac, elle a déjà pris son envol. Pas le genre à rester chez ses parents jusqu’à la trentaine ! Un BTS « communication » au lycée Les Arcades, un stage d’entreprise à Groupama qui se prolonge par un remplacement, et son caractère s’affirme : « J’étais d’accord pour travailler, pour ne pas compter mon temps, pour prendre des initiatives, mais j’étais rebelle aux règlements tatillons, aux exigences de la vie de bureau, aux validations trop lentes, aux structures trop lourdes… »
En 1988, l’Association des diplômés de l’Ecole supérieure de Commerce (ESC) l’engage comme assistante : promouvoir l’école sur les salons, entretenir les liens entre les anciens, accompagner le recrutement des diplômés, le tout en amazone, sans horloge pointeuse ni chef de service. Tout ce qu’elle aime. Un seul regret : n’avoir pas fait elle-même des études longues, comme les jeunes gens qu’elle assiste. Alors elle bosse, la nuit, les polycopiés qu’on lui prête. Pour se faire, à elle toute seule, une culture « supérieure ».
En septembre 1989, elle s’installe à Gilly-les-Citeaux avec Gérard, papa d’un enfant de 7 ans. Elle n’a que 23 ans. « Etre une femme libérée, tu sais c’est pas si facile… » Air connu. Florence vit plusieurs vies, fait flèche de tout bois, s’ouvre à toutes les expériences. Non, pas toutes : engagée pour fourguer à crédit des encyclopédies à des familles pauvres de la périphérie de Dijon, elle découvre qu’on peut gagner beaucoup d’argent en peu de temps, mais elle est si écoeurée qu’elle envoie tout balader dès le premier soir ! Elle a gardé un bon souvenir, en revanche, de l’animation du Cygne, le restau au bord du lac Kir. L’événementiel, la communication, c’est son truc.

DES VALEURS FORTES

On peut avoir une pêche d’enfer et d’adorables yeux noisette, la réussite n’est pas automatique. En 1992, Florence et son compagnon connaissent quelques gros pépins professionnels, les dettes, les vacances dans la caravane des parents, la frilosité des banquiers locaux. Mais l’avenir, c’est devant ! A force d’acharnement, ils créent une entreprise, une vraie. Un concept (une agence de communication), une adresse (36 rue Devosge), une enseigne (Temps Réel), et, surtout, une parfaite maîtrise de la chaîne graphique, de la conception à l’impression des documents.
La belle époque. Les factures sur un coin de table. « Quand on avait suffisamment gagné d’argent on se payait une bouffe au Central ! » Les premières réalisations, le bouche à oreille. Les premiers gros clients : Fournier, Valrex, Continentale Waterways. « Ce serait plus difficile aujourd’hui : tous les dircoms de ces boîtes ont quitté Dijon pour suivre leurs directeurs à Paris, hélas ! » Epsilog, Urgo, Merck : « De beaux budgets ! » Le secteur public, aussi : le Consortium, le TDB, le Conseil régional, le Grand Lyon, la Ville de Dijon et beaucoup d’autres. Concevoir une identité visuelle, imaginer un catalogue de fiches-produits, inventer un magazine institutionnel, réaliser une affiche, élaborer une stratégie territoriale, préconiser la ligne d’une maison d’édition : c’est devenu, au fil des ans, le quotidien de Temps Réel.
Florence Menu est seule aux manettes depuis que Gérard, en 1998, est parti diriger une grosse imprimerie. La jolie petite nana hyperactive est devenue chef d’entreprise. Et maman d’un petit Paul. Dans un monde où « tout le monde se fiche de tout, où l’irresponsabilité gage du terrain tous les jours », Florence tempère ses montées d’adrénaline par des valeurs fortes : la fidélité, le relationnel, l’éthique, et cette capacité de travail qui la porte à travailler le samedi, ou le dimanche, ou le 1er mai. Mais les six salariés de Temps Réel dégageraient-ils une marge brute de 550.000 euros annuels s’ils se tournaient les pouces en calculant leurs RTT devant la machine à café ?
Ne jamais baisser les bras. Rester attentive à tout. Se remettre constamment en cause. Depuis cinq ans, Florence Menu a rallié le Centre des Jeunes Dirigeants (CDJ) de Dijon. Une structure qui lui va mieux au teint que les traditionnelles usines à gaz consulaires ou syndicales. La politique locale, les réseaux et les soirées mondaines, ce n’est pas sa tasse de thé. La formation au management et la « performance globale », si. On ne la refera pas, Florence Menu : elle a toujours été rebelle, et le souvenir de son père, à Brazey-en-Plaine, est trop fort : elle ne veut pas « arriver à la place qui s’appelle "jamais" » !
B.L

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Publié dans Portraits de Bourguignons | Lien permanent