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CHEVIGNARD Louis-Marc

Le Grand connétable de Nuits

Le premier bébé bourguignon du dernier demi-siècle s’appelait Louis-Marc. Clin d’œil du destin : le fils de Jacques et Eleonor Chevignard est né le 1er janvier 1950 à 0 h 42, au milieu des alambics de son père, liquoriste chez Cartron. Rien d’étonnant à ce que le père et le fils aient été amenés, l’un après l’autre, à animer la Confrérie des chevaliers du Tastevin, une joyeuse compagnie vineuse fondée en 1934, à Nuits-Saint-Georges, par Camille Rodier et Georges Faiveley. A l’époque, il s’agissait de lutter contre la morosité viticole engendrée par la crise économique. Le principe, toujours actuel, est simple : puisqu’on peine à vendre le bourgogne au reste du monde, pourquoi ne pas faire venir celui-ci dans les châteaux, les caves et les celliers de la Côte ?
Le petit Louis-Marc passe son bac au lycée Carnot, à Dijon, et poursuit une maîtrise de sciences éco. Un passage par l’Insead, un premier job dans une compagnie d’assurance… et le destin, pour la seconde fois, sonne à la porte : la Confrérie des chevaliers du Tastevin décide en 1977 de créer un poste de directeur administratif. Le jeune Louis-Marc a justement été intronisé l’année précédente, avec d’autres rejetons des pères fondateurs : Vincent Barbier (l’actuel Grand maître), Philippe Senard, François Faiveley, Alain Cartron, tous armés chevaliers selon un cérémonial immuable et œcuménique : « Par Noé, père de la vigne, par Bacchus, dieu du vin, et par saint Vincent, patron des vignerons… »
C’est la relève. Louis-Marc accepte le job. Il a un atout, rare pour un Bourguignon : sa mère Eleonor étant américaine, l’anglais est sa langue maternelle. Ce n’est pas négligeable dans une confrérie qui, dès ses origines, a multiplié les commanderies et sous-commanderies outre-Atlantique au point de compter aujourd’hui 2.200 chevaliers aux Etats-Unis, sur un total de 13.000 membres (dont 50 % à l’étranger). Faut-il souligner l’importance du marché nord-américain pour les vins de bourgogne ? « Lors de la crise franco-américaine à propos de l’Irak, qui a terrorisé tous les producteurs de vins français, se félicite Louis-Marc Chevignard, nous n’avons enregistré aucune démission. »
Administrer la confrérie n’est pas une sinécure. Il faut organiser les « chapitres », ces seize soirées annuelles rassemblant quelque 500 convives en smoking et robe longue, où sont intronisés en grande pompe les nouveaux chevaliers. Il faut superviser la gestion du château du Clos-de-Vougeot, qui appartient à la confrérie depuis 1945, et qui accueille réceptions grandioses et conventions d’entreprise. Il faut gérer une dizaine de salariés et veiller à l’équilibre des finances (4 millions d’euros de chiffre d’affaire dont 3 pour les activités commerciales annexes). Il faut parrainer les « Saint-Vincent tournantes » et les « tastevinages » annuels, participer à l’animation des soirées en tant que « Grand connétable », et aussi visiter les commanderies à l’étranger. Les tournées aux Etats-Unis, en Australie ou au Japon sont autant d’action de promotion des vins de bourgogne, mais aussi d’éprouvantes séries de soirées très arrosées !

DE SACRES
BOUTE-EN-TRAIN !

La plus ancienne confrérie vineuse du pays ne se dirige pas comme une banale entreprise. Le bénévolat, l’amitié, la passion exigent de l’attention, de l’humour et de la patience. Comme le vin. En compensation, que de rencontres chaleureuses et de souvenirs délectables ! « Des présidents de chapitres comme Mstislav Rostropovitch, Peter Ustinov, Catherine Deneuve ou Otto de Habsbourg, se sont révélés être de sacrés boute-en-train ! » Sans parler, plus loin dans le temps, de Fernandel, René Coty, Alfred Hitchkock, François Mitterrand ou Louis de Funès. Et des nombreux anonymes, français et étrangers, restés fidèles à leur promesse de célébrer partout les vins de bourgogne…
En 1989, Robert Poujade, maire de Dijon, fait de Louis-Marc Chevignard un adjoint aux relations internationales. « Il fallait notamment entretenir les nombreux jumelages avec Mayence, York, Volgograd, Dallas, etc. J’ai découvert un autre monde, d’autres valeurs... » Le Grand connétable se complaît davantage, aujourd’hui, comme simple conseiller de Corberon (400 habitants), sa commune d’adoption, « où l’on brasse moins d’argent, mais où l’on joue plus collectif ».
Déguster les meilleurs vins du monde reste la principale obligation du poste. Dur métier. Louis-Marc Chevignard a suivi les cours d’œnologie de Max Léglise, à Beaune. Son goût est sûr, mais il refuse de prendre le tastevin trop au sérieux : « Ce n’est ni de la magie, ni une science exacte ! On peut apprendre à classer ses sensations et à développer sa mémoire, mais il ne faut pas brider son goût personnel : on aime un vin ou on ne l’aime pas. »
En 2007, la confrérie fêtera son millième chapitre. Sans compter tous les chapitres organisés à l’étranger pour la venue du Grand connétable. « Ce titre allait jadis au chef des armées du Roy, explique Chevignard. Il armait des milliers de fusil, moi je sers des milliers de canons ! »
B.L.

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