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BACOT Patrick

L’homme orchestre

Massif, carré, fonceur : Patrick Bacot aurait dû être rugbyman. C’est d’ailleurs le ballon ovale qui l’intéressait lorsque sa mère, qui fréquenta Guy Roux à la communale d’Appoigny, près d’Auxerre, inscrivit le petit Patrick à l’école de musique de cette modeste bourgade du centre de l’Yonne. Un peu au hasard. Ce jour-là, un type jouait de la trompette dans le couloir : le gamin apprendra la trompette. Et dès qu’il saura en sortir des sons, bien sûr, il jouera dans la fanfare municipale.
La fanfare ! Les commémorations du village, les fêtes, la retraite aux flambeaux ! A onze ans, Patrick Bacot découvre le solfège et le métronome, mais surtout les répétitions du vendredi jusqu’à dix heures du soir, les virées dominicales en autobus, les émotions multiples en compagnie de camarades plus âgés. « Le rôle social de la musique, encore à cette époque, était absolument capital ! » Bacot en tire une leçon, presque une philosophie : « La musique, en soi, ne présente aucun intérêt si elle ne débouche pas sur une pratique forcément collective. »
Elève studieux, Bacot devient un musicien, un vrai. Le bac en poche, il s’inscrit en musicologie à la fac de Dijon, avant de réussir en 1983 le concours d’entrée du Conservatoire de Paris. Le top niveau. Il y passera deux ans, le temps de parfaire son bagage technique. Lui-même, pour les besoins d’un quintette de cuivres monté avec des copains, apprend le tuba. Mais c’est l’arrangement qui l’intéresse. Pour qu’un groupe instrumental se forme, pour que des individus puissent chanter ensemble, il faut des « adaptateurs » comme Bacot, capables de réécrire l’Adagio d’Albinoni pour un quatuor de saxophones. Il y a des gens dont le talent est d’accorder les pianos : Bacot, lui, est un accordeur de pianistes.
A Appoigny, grâce à lui, l’école de musique devient vite une référence : ses 350 élèves encadrés par 22 enseignants attirent l’attention des pouvoirs publics. En 1988, le jeune Bacot se voit confier par la DRAC (Direction régionale des Affaires culturelles) une étude très officielle sur la formation musicale. Sans complexe, il préconise la création dans l’Yonne d’une « association départementale pour le développement et l’initiative de la musique » (Addim) qui fédèrerait les initiatives et mutualiserait les talents. Proposition acceptée par le Conseil général, qui lui en propose aussitôt la direction. Il a 28 ans.

DE JEAN-SEBASTIEN BACH
A BOBBY LAPOINTE

Quinze ans plus tard, l’Yonne compte un réseau serré de vingt écoles de musique, un « centre de gestion » regroupant 170 enseignants, une Maison de la danse, une association « Service compris » de promotion du jazz : Bacot l’infatigable est devenu l’homme orchestre du département. Quand le Conseil régional de Bourgogne crée à Vézelay un Pôle d’art vocal à vocation européenne, il lui en confie la direction. Quand la ville d’Auxerre veut relancer son Ecole Nationale de Musique, elle fait de même. « Je ne cumule pas les casquettes par plaisir, précise-t-il, mais par souci de cohérence. Le but est toujours le même : développer la pratique de la musique et de la danse dans mon département ».
Ce n’est pas le fait du hasard si l’Yonne propose aujourd’hui un Festival international de musiques de film, les « Nuits métisses » auxerroises, les Rencontres musicales de Vézelay et quelque 6.000 autres manifestations musicales par an (un record), et si la Fête de la musique à Auxerre, attire plus de monde qu’ailleurs. Au fil des ans, crescendo ma non troppo, la pratique musicale est devenue un ressort culturel majeur d’un département que ses gloires passées, de Larousse à Colette, portaient plutôt vers le livre !
Le secret de Bacot, fan de Bach et de Bobby Lapointe, c’est son ouverture à tous les genres de musique, des somptueuses créations baroques du chœur Arsys-Bourgogne au rock, au hip-hop, à la techno. Pas de ségrégation ! Un des deux studios de l’Ecole Nationale de musique d’Auxerre est réservé aux musiques dites « amplifiées ». L’ENM, du reste, se transformera en une « Cité des musiques » ouverte aux amateurs et aux professionnels, aux organistes et aux rappeurs, à tous ces groupes divers que Bacot invite à jouer en live, le dimanche matin, dans l’émission Zic Zag qu’il anime depuis trois ans sur France Bleu Auxerre.
Le dernier pari de Patrick Bacot, c’est la réouverture, le 18 septembre, du cabaret l’Escale, restauré depuis peu par la municipalité de Laroche-Migennes. Etape musicale mythique sur le chemin du midi, salle historique où se sont produit naguère Chevallier, Trenet, Piaf, Halliday, l’Escale est à la province ce que l’Olympia est à la capitale : un creuset historique de la chanson française.
Redonner vie à cet endroit de légende serait une gageure si l’Yonne ne résonnait pas aujourd’hui comme un auditorium ouvert à tous les genres. A Laroche-Migennes, les enfants de Brel et de la Star Ac’ seront à une portée musicale de la salle Claude Debussy de Joigny, exceptionnel écrin pour la musique de chambre ; à quelques mesures de l’abbatiale de Pontigny, joyau mondial pour le chant grégorien ; et à quelques kilomètres en bus d’une bonne quarantaine de villages où, le dimanche, la fanfare municipale fascine toujours les enfants quand elle défile entre l’église et le monument aux morts.
B.L.

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