20/10/2006
On salit Sartre et Beauvoir !
Dans Le Monde des Livres de ce matin, la très gauchiste Josyane Savigneau explique sur trois grandes colonnes pourquoi il ne faut pas lire l’ouvrage que la Britannique Hazel Rowley vient de publier sur les rapports entre Sartre et Beauvoir (Tête-à-tête, chez Grasset).
Ce n’est pas un article, c’est un massacre. La désopilante Josyane est outrée. Cet "ennuyeux pavé", écrit-elle, n’est que de la "guimauve sentimentale" composant un "brouet indigeste" de "pseudo-révélations" et de "clichés" qui frise la "vulgarité" et touche au "ridicule" ! Que l’auteur ait eu accès aux lettres inédites de Sartre à Lena Zonina, son "accompagnatrice" soviétique du KGB, aucun intérêt ! C’est un livre nul, fastidieux, malveillant et réactionnaire !
Hmmm...! Cela donne envie, non ?
19:35 | Tags : médias, Le Monde, Sartre, livres | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook |
Commentaires
En regardant les signataires des commentaires je m'apperçois que je t'amène beaucoup de monde ! lol
Amicalement
Écrit par : Le Chat! | 20/10/2006
Cher Bernard,
Mon projet d'Incipit avance. Grâce à toi; je t'expliquerai. Mais juste un commentaire: je te joins la page que j'avais rédigée sur Sartre. Elle m'a été retoquée. Motif: "ça se sent que vous n'aimez pas Sartre". Alors reprenez "Les mots" et laissez tomber "l'enfance d'un chef".
Je m'exécute.
Mais tu trouveras ci-après la version "originale" du texte.
Amitiés à toi.
Pierre
Je suis adorable dans mon petit costume d’ange.
Jean-Paul SARTRE
L’enfance d’un chef - 1939
Adorable ?
Le portait des vingt premières années de ce Lucien Fleurier, fils de famille, catho qui finit dans l’athéisme et l’antisémitisme le plus frustre en passant par la pédérastie et pour finir, après papa, industriel à son tour et continuer à exploiter les ouvriers...
Immédiatement, une question obsède le lecteur : qui est « Je » ?
« Je », ce personnage, n’a pas de psychologie ; il n’a qu’une histoire, prédéterminée par son milieu et sa classe sociale.
Sa pédérastie, initiatique au sexe, une seule expérience, est celle de la fascination mais du rapport dominé : les bourgeois sont des salauds. Son antisémitisme est affligeant d’imbécillité. C’est celui du ressentiment des foules, du français moyen à l’égard de tout ce qui est différent de lui. L’antisémitisme chez Sartre est plus une pulsion qu’une doctrine. La lecture nous gêne, Sartre écrit exactement comme les antisémites. Et puis cette question, lourde, pesante, à laquelle « Je » ne peut échapper : « Comment devenir ce que ma famille attend de moi ? »
Ce roman de Sartre donne la nausée.
Et pourtant, comment sur de nombreux points, ne pas le rapprocher de « Les mots », son autobiographie de sa jeunesse où l’image du père est remplacée par celle du grand-père avec cet incipit « En Alsace, aux environs de 1850, un instituteur accablé d’enfants consentît à se faire épicier ». Dans « Les mots » il s’appelle « Poulou », dans « L’enfance d’un chef », c’est « ma petite souris » ou « ma belle petite canaille ». Dans les deux cas : « Je me demande pourquoi j’existe ? ». La réponse est la même : devenir écrivain pour exister aux yeux du grand-père ; devenir industriel pour exister aux yeux du père, la cléricature des lettres ou celle de l’industrie. Et le rapport avec la mère dans les deux cas. Sartre continuera d’ailleurs d’habiter avec la sienne jusqu’en 1962 !
Exister pour Sartre, c’est d’abord exister aux yeux des autres. Comme dans « Les mots », « Je » c’est la construction d'une image de soi, d'un projet, mais c’est aussi l’affirmation de sa solitude face aux autres.
Deux œuvres révélatrices du regard sur soi-même. 1939-1963, le temps entre « L’enfance d’un chef » et « Les mots », vingt quatre ans, vingt quatre longues années pour accoucher de son enfance, ce qu’il appela « son adieu à la littérature ».
Etonnante première phrase, curieux texte, comme une sorte de rapide psychanalyse existentielle qui cherche déjà à attirer l’attention. Ce que confirmera Simone de Beauvoir dans « La force de l’âge » : « Sartre s’intéressait à ses propres idées, celles des autres l’ennuyaient. A l’Ecole Normale, Sartre avait adopté un énergique slogan : Science, c’est peau de balle. Morale, c’est trou de balle ».
Lucien Fleurier, le salaud en costume d’ange, approuve.
Écrit par : Pierre Simonet | 27/10/2006
Je suis sûr qu'il existe quelque part un monde merveilleux, utopique, où Josyane Savigneau comprend ce qu'est le vrai journalisme et conseille de lire des bons livres…
Écrit par : xavier laupretre | 01/11/2006
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