Le blog de Bernard Lecomte

Quand on entend Donald Trump répéter comme un benêt que "Zelinsky est un dictateur illégitime", qu’il "n’aurait pas dû attaquer la Russie" et autres fadaises époustouflantes, on se dit qu’un des enjeux de cette guerre, c’est le rapport à la vérité. Dès lors que le président des USA adopte la banalisation du mensonge, façon Kremlin, il remet en cause les valeurs fondamentales de la civilisation européenne. Le mensonge étouffant la vérité, la force primant sur le droit : c’est grave, docteur ? Oui, c’est grave !

"Zelensky représente 4 % de l’opinion ukrainienne" : à force d’entendre Donald Trump répéter méticuleusement les mensonges de Poutine, y compris les plus énormes, on devine qu’il n’a rien compris à la Russie, à l’Ukraine et à la guerre en cours. Et qu’il va continuer à se faire avoir par Poutine qui, lui, sait très bien ce qu’il veut et connaît à fond son dossier. C’est le formidable paradoxe de cette folle histoire : Trump en sortira, dans deux ou trois ans, comme le plus grand loser du siècle !

Et si la contre-offensive ukrainienne ne donnait aucun résultat ? Et si Vladimir Poutine confortait son pouvoir au Kremlin ? Ce ne sont que des hypothèses, certes, mais on a trop tendance à les occulter. Et si la Chine, ou la Turquie, ou je ne sais qui, parvenait à réunir des seconds couteaux des deux camps, des gens faciles à désavouer, au cas où, pour envisager ce qui pourrait se négocier (genre : le Donbass contre la Crimée). Il resterait à permettre aux Russes de transformer cela en une "victoire" pour Poutine, ce qui, au pays des mensonges les plus éhontés, n’est peut-être pas impossible…

Formidable image que celle de l’immense foule des habitants de Vilnius acclamant massivement Volodymyr Zelensky et son épouse, ce mardi, à deux pas de la réunion des grands chefs de l’Otan. Un parfum de Solidarnosc. Faut-il rappeler que la guerre, ce n’est pas seulement l’affaire des diplomates, des militaires et des technocrates ? Les peuples de Lituanie et d’Ukraine, eux, connaissent l’histoire. Ils en ont bavé. Ils savent, dans leur chair, jusqu’où les Russes sont capables d’aller si leurs soldats ne sont pas repoussés hors d’Ukraine.

Etonnant, le nombre de doctes voix, notamment américaines, qui conseillent aujourd’hui aux dirigeants ukrainiens d’être suffisamment raisonnables pour ne pas revendiquer la Crimée ! Bonnes âmes, réfléchissez : quand ils seront à la table des négociations, tôt ou tard, et qu’ils auront besoin de lâcher quelque chose pour récupérer le Donbass, quel territoire voulez-vous que les Ukrainiens proposent de soumettre à référendum d’autodétermination, sinon la Crimée ? Un peu de jugeote, les pacifistes : s’ils renoncent d'avance à la Crimée, les Ukrainiens, ils feront comment pour négocier la paix ?

Face à Poutine, on le sait, il faut toujours anticiper. Quel est son prochain objectif ? A coup sûr, après avoir neutralisé l'armée ukrainienne, provoquer un changement de gouvernement à Kiev. Le FSB et le SVR ont dû préparer le coup de longue date en sélectionnant un quarteron de types à la botte de Moscou, dont le pouvoir reposera sur des « conseillers » soutenus par l’armée russe et directement branchés sur le Kremlin. C’est exactement comme cela que cela s’est passé à Budapest (1956), à Prague (1968) et à Kaboul (1979). Mais à Kiev, jamais ces pro-russes n’auront le soutien de la population : une "normalisation" en Ukraine, cela paraît impossible…

Y a-t-il encore une place, dans l’affaire ukrainienne, pour la diplomatie ? Y a-t-il encore une chance de cantonner l’avancée militaire de Poutine aux deux républiques du Donetsk et de Lougansk ? Oui, au moins provisoirement, si le président Zelensky, pour limiter les dégâts, accepte le principe d’une consultation populaire dans cette région du Donbass, Poutine fera semblant de stopper son invasion, voire de retirer des troupes, tant il est sûr du résultat du vote. Le problème, c’est que cette perspective risque de provoquer, à Kiev, la chute de Zelensky. Ce qui n’arrangera pas les affaires de la malheureuse Ukraine.