Le blog de Bernard Lecomte

Mille jours, déjà, que Vladimir Poutine a tenté – en vain – d’envahir militairement l’Ukraine, un Etat indépendant auquel il reproche de lui préférer la civilisation démocratique européenne. Mille jours de bombardements, de destructions, de tueries et d’horreurs perpétrées à 2 heures d’avion de Paris. Les choses s’accélèrent, les Coréens du Nord arrivent en renfort, l’armée russe grignote du terrain, les Ukrainiens préparent l’inévitable négociation que Trump imposera, en janvier, aux uns et aux autres. Aux uns, surtout…

Le monde est devenu fou. Qui aurait pu penser que la Corée du Nord, cette lointaine dictature asiatique, enverrait 12.000 soldats fanatiques combattre les Ukrainiens dans le Donbass, au cœur de l’Europe ? Ou que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, irait cautionner à Kazan, au cœur de la Russie, un Vladimir Poutine condamné par… la Cour de Justice Internationale ? Ou que la Turquie, membre de l’OTAN, postulerait pour entrer dans le groupe des BRICS (Inde, Chine, etc) dont la vocation est de combattre l’Occident ?

Passionnant documentaire, ce soir, sur France 5, signé du journaliste Antoine Vitkine, qui renforce la conviction de tous les spécialistes de l’espionnage russe, sans exception : oui, Poutine et le KGB "tiennent" Donald Trump depuis le fameux voyage à Moscou de l’ex-businessman en 1987 ! Mais comment ? Si l’étau se resserre, il manque toujours une vraie preuve tangible, une vidéo de nature sexuelle, un dossier financier pourri, un "kompromat" humiliant, qui expliquerait tout… et qu’on n’aura peut-être jamais !

Dans cette débauche quotidienne de drapeaux agités joyeusement dans le public ou brandis fièrement par les athlètes américains, australiens, européens, mais aussi chinois, iraniens ou nord-coréens, je n’ai entendu personne – aucun journaliste, aucun commentateur, aucun sportif – regretter l’absence du drapeau russe. Comme si Poutine faisait, au fond, l’unanimité contre lui. Vous imaginez l’humiliation ressentie par la population russe ?

Le temps d’une pause dans la campagne électorale, ce samedi, quelques médias – comme LCI – rappellent désespérément que les Français ne sont pas seuls au monde. Et que la Russie de Poutine, par exemple, ne cesse de bombarder rageusement l’Ukraine. Une info parmi d’autres : la dégradation du sort de l’opposant Vladimir Kara-Murza, condamné à 25 ans de camp, et que le Kremlin voudrait éliminer définitivement, physiquement, façon Navalny. Faut-il rappeler ici que le sort des Européens – et des Français – se joue aussi à Moscou ?

S’il y a un chef d’Etat qui attend le 7 juillet avec impatience, c’est bien Vladimir Poutine. Premier pronostic : le vainqueur est le RN, qui entretient avec le Kremlin des relations ambiguës, y compris sur le plan financier, et qui déteste l'OTAN. Deuxième vainqueur possible : LFI, qui n’a jamais considéré l’Ukraine comme un Etat à part entière, et dont les dirigeants ne savent pas placer la Crimée sur une carte. Et qui soutient aussi les Palestiniens. Le tout à 5 mois de la victoire de Trump aux USA. Sale temps pour les Ukrainiens !

Qu’importe à Poutine de n’avoir pas été invité au 80è anniversaire du Débarquement du 6 juin 1944 ? En Russie, on ignore tout de cet événement qui ne figure même pas dans les manuels scolaires – pas plus que l’alliance Staline-Hitler entre août 1939 et juin 1941. La seule date qui compte, à Moscou, c’est celle du 9 mai 1945, dont on fêtera avec faste le 80è anniversaire l’an prochain. Mais cette étrange histoire de débarquement allié en Normandie, quelle blague !

Il y a comme de la jalousie dans la déclaration du porte-parole de Vladimir Poutine, l’ineffable Dmitri Peskov, qui salue la condamnation de Trump par la justice pénale de New-York comme une forme "d’élimination des adversaires politiques" pratiquée par le président en place. Une méthode plus propre, il est vrai, que "l’élimination des adversaires politiques" pratiquée en Russie : la kalachnikov (Nemtsov), le goulag à régime sévère (Navalny) ou l’abattage d’un avion (Prigojine). A chaque régime ses petites habitudes.

Pardon, je suis apparemment le seul à penser ce qui suit, mais je prends le risque. J’ai écouté attentivement la conférence de presse de Poutine, dimanche soir, et j’ai entendu, moi, que la France était soudain redevenue un interlocuteur valable aux yeux de Poutine, y compris, mais oui, dans le cadre d’éventuelles négociations futures. Poutine a entendu Macron hausser le ton, ces derniers jours, y compris sur le plan nucléaire – or le Russe ne comprend, décidément, que le rapport de force ! Je me trompe ?

87,3 % des voix ! En d’autres temps, on aurait appelé ça, en rigolant, un score "à la soviétique", façon Léonid Brejnev. Mais le "triomphe électoral" de Vladimir Poutine ne fait rire personne. Sa première parole, hier soir, fut significative : "Nous ne nous laisserons pas intimider !" Rien sur l’avenir économique, social, culturel, du pays qu’il dirige ; tout sur les envahisseurs néonazis (l’Otan, l’Europe, la France) qui veulent anéantir la sainte Russie ! On s’arme, on serre les rangs, on prépare la guerre… Un discours qui, en effet, n'incite pas à la rigolade.

A la veille des Européennes, le président français met en garde solennellement contre le danger que représente pour nos démocraties la Russie conquérante, et toute l’extrême-gauche s'insurge en se présentant comme le "parti de la paix" ! Comme si Mélenchon et ses camarades pacifistes de LFI étaient les seuls à vouloir la paix en Europe ! Cela ne vous rappelle rien ? Oublié, le Mouvement de la paix, au début de la Guerre froide ? Remplacez Poutine par Staline, et vous verrez que l’Histoire bégaie furieusement…

 Les députés français ont débattu de la guerre en Ukraine, enfin ! Que restera-t-il de ce débat, à part les vociférations imbéciles de quelques crétins incultes ? Un bon discours de Gabriel Attal, d’abord. Et aussi le refus assumé des deux partis extrémistes de soutenir l’aide à l’Ukraine : le "non" de LFI, qui confirme sa fascination pour Poutine ; et l’abstention du RN, qui ne se résout pas à condamner franchement le dictateur du Kremlin. Voilà, au moins, qui clarifie durablement les positions des uns et des autres.

On en entend, des bêtises, à la télé, depuis deux jours ! Incroyable le nombre de commentateurs, journalistes, politiciens et polémistes divers qui ne savent pas ce qu’est la "dissuasion", qu’elle soit nucléaire ou conventionnelle ! Evidemment qu’Emmanuel Macron, qui préside la seule puissance nucléaire de l'Union européenne, ne va pas préciser jusqu’où pourrait aller son aide à l’Ukraine face à l’envahisseur Poutine ! Cela s’appelle "l’ambiguité stratégique", sans laquelle, naturellement, il n’y a plus de dissuasion !

"Au pays du mensonge déconcertant". Ainsi l’ex-communiste Anton Ciliga, en 1938, avait intitulé son célèbre livre sur la Russie soviétique - cet étrange pays dont le plus emblématique journal s’est longtemps appelé La Pravda ("la Vérité"). Si on n’a jamais vécu en Russie, on ne peut pas imaginer que le mensonge y soit aussi systématique, permanent, prégnant : le déni, la dissimulation, la schizophrénie y sont la clef des relations sociales. Si l’on n’intègre pas cette donnée politique et culturelle majeure, on ne comprend rien à l’actualité !

Alexéï Navalny n’a jamais existé. De même que Staline effaçait jusqu’au souvenir de ses opposants sur les photos officielles, de même que les procès de Moscou n’ont jamais eu lieu, de même que le Pacte Staline-Hitler de 1939 ne figure dans aucun livre russe, de même que l’Ukraine n'a jamais été un Etat. C’est plus qu’une méthode, c’est une philosophie politique, presque civilisationnelle : tout ce qui gène le pouvoir russe doit être effacé – par tous les moyens – de la surface de la terre. Effacé, détruit, nié, assassiné, qu'importe !

Les Européens auront mis deux ans pour comprendre que Vladimir Poutine n’était pas un chef d’Etat comme les autres. Ancien voyou, manipulateur professionnel, ce chef mafieux ne connaît que le mensonge, la violence, le rapport de force. Il se fiche totalement de l’avenir de ses concitoyens qu’il renvoie, sans aucun scrupule, vers un passé stalinien qu’on croyait révolu. Mais il aura fallu la mort tragique d’Alexeï Navalny pour que les sceptiques comprennent enfin que Poutine est, en plus, un tueur. Un vrai. Un obsessionnel. Un dangereux.

Et il y a encore, en France, des gens qui sont prêts à croire Poutine, à parler avec lui, à lui serrer la main, à négocier avec lui ? Si au moins la mort d’Alexeï Navalny – le deuxième vrai candidat à la présidentielle russe après Boris Nemtsov, lui-même assassiné en 2015 – pouvait convaincre tous les pseudo "pacifistes" français que Poutine, nouveau Staline au petit pied, est un criminel, un vrai de vrai, sans aucun respect pour la vie humaine ! Et que la Russie est une réelle dictature et un danger mortel pour nous, les Européens !

Rarement j’ai entendu autant de bêtises sur la guerre en Ukraine qu’en la seule interview du député souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, sur CNews, ce dimanche ! L’ex-candidat aux présidentielles, qui ne représente à peu près rien, explique péremptoirement à la terre entière que lui, et lui seul, saura convaincre Poutine de retirer ses soldats d’Ukraine, rien que cela ! Je passe sur les incohérences de son propos qui prouvent que ce politicien marginal, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, n’a toujours rien compris à la Russie, dont manifestement il ignore tout !

Certes, il ne faut rien affirmer sans preuve. Mais l’obstination maladive avec laquelle Trump cherche par tous les moyens, seul contre tous, à stopper toute aide américaine à l’Ukraine (c’est-à-dire, précisément, à aider Poutine à gagner la guerre qu’il mène contre l’Occident) oblige à se poser une question : et si la rumeur insistante d’un kompromat (une vidéo compromettante) détenu par le FSB contre l’ex-homme d’affaires Donald Trump en goguette à Saint-Pétersbourg, était vraie ? Cela expliquerait tellement de choses…

Lu avec attention, vendredi, la passionnante interview accordée au correspondant de La Croix à Moscou par Boris Nadejdine, candidat déclaré contre Vladimir Poutine à la présidentielle russe. Je n’ai pas de boule de cristal, mais je ne crois pas que le Kremlin puisse tolérer longtemps un tel opposant. Impossible ! Inimaginable ! J’espère seulement que ce candidat courageux ne finira pas comme ses deux audacieux prédécesseurs Boris Nemtsov (assassiné sous les murs du Kremlin) et Alexeï Navalny (envoyé au Goulag pour vingt ans).