Le blog de Bernard Lecomte

Avez-vous remarqué qu’on n’entend quasiment plus, à la télé, les commentateurs qui s’enthousiasmaient, ces derniers temps, de la façon dont Donald Trump allait imposer la paix en Ukraine ? Même ses partisans commencent à comprendre que ce n’est pas le fantasque Trump, mais le rusé Poutine qui décidera du sort de la guerre. Le même Poutine qui continue de bombarder les villes ukrainiennes (Kharkiv, Poltava, Kiev, Odessa, etc) et pour qui la seule paix possible est la capitulation de l’Ukraine !

Au moment où se tient le sommet européen de Bruxelles, voilà une évolution intéressante : à Moscou, depuis deux jours, officiels et journalistes se moquent ouvertement des Européens, ces "petits pays" ridicules qu’ils traitent, en haut lieu, de "fauteurs de guerre". C’est nouveau, et c’est bon signe : dans la langue de Vladimir Poutine, cela veut dire que l’Europe redevient un acteur important du conflit ukrainien, et qu’il va être difficile de se passer d’elle pour assurer la paix dans la région…

Trump avait promis d’arrêter la guerre russo-ukrainienne en 24 heures. Neuf semaines ont passé depuis son retour à la Maison Blanche, et la guerre continue : on se bat toujours dans la région de Koursk, et les bombes pleuvent, ce soir, sur les villes ukrainiennes. Mais Trump et Poutine ne se sont-ils pas téléphoné pendant deux heures, ce mardi ? Si, et alors ? Poutine continue de balader Trump. Le Russe n’a toujours pas fait la moindre concession, bien au contraire. Quand je vous dis que Trump est un loser...

A l'Est, rien de nouveau. Donald Trump attend toujours, ce dimanche, la réponse de Poutine à ses injonctions sur le cessez-le-feu en Ukraine. Le président américain est fantasque, naïf et inculte. Il croit vraiment que Poutine est son ami, mais il n’a jamais lu un seul texte de lui, et ne connaît rien de l’histoire de la Russie. Il n’a qu’une idée, obsessionnelle : faire cesser cette guerre, quitte à ce que l’Ukraine capitule, et basta. Un Etat de plus ou de moins sur la carte de l’Europe, quelle importance ? Sauf que les Ukrainiens, curieusement, ne sont pas d’accord…

Vous voulez, en avant-première, la réponse de Poutine à Trump ? "Cher Donald, ton accord de cessez-le-feu est formidable, et j’y souscris pleinement. La Russie a toujours été pour la paix ! Je vais donc le signer, à deux ou trois bricoles près, insignifiantes : que Zelinsky soit viré, que la Russie récupère la totalité les oblasts de l’est, qu’aucun soldat occidental ne pénètre en Ukraine, laquelle devra être, bien sûr, démilitarisée. A ces broutilles près, je te donne mon accord pour ton cessez-le-feu ! Amitié ! Vladimir."

Bon, surtout, on ne s’énerve pas. A Djeddah, ce mardi soir, les négociateurs ukrainiens et américains ont trouvé un accord (un cessez-le-feu de 30 jours) qui va être proposé à Poutine. Et chacun de retenir son souffle… Mais qui peut imaginer que Poutine accepte cette proposition, lui qui exige le départ de Zelensky et la capitulation de l’Ukraine ? La vraie question, ce soir, est la suivante : comment le très irascible et très irrationnel Donald Trump va-t-il réagir quand Poutine dira qu'il n'est pas d'accord ?

Bon, on résume. En février 2022, dans l’idée de reconstituer l’URSS d’antan, Vladimir Poutine a tenté d’envahir militairement l’Ukraine, indépendante depuis 1991, et de la ramener sous l’autorité du Kremlin. Il a échoué. Trois ans plus tard, son armée fait du surplace dans le Donbass. C’est alors que le président Trump, soudain, trahit spectaculairement la cause des démocraties occidentales et offre à Poutine de réaliser son objectif : désarmer l’Ukraine, remplacer Zelensky par un collabo et faire de l’Ukraine une province russe. Des questions ?

J’ai de plus en plus de mal à supporter, à la télé, tous ces commentateurs prétentieux - heureusement minoritaires - qui n’ont jamais mis les pieds en Russie ou en Ukraine, mais qui donnent des leçons de géopolitique à la terre entière, qui considèrent Trump comme un génie, qui dénigrent Zelensky du matin au soir et qui vouent à la population ukrainienne un mépris abyssal. Il y a un siècle, Lénine les appelait les "idiots utiles". Poutine, qui s’en délecte, continue de les appeler comme ça. Comment dit-on "idiot utile" en américain ?

Les porte-parole de Vladimir Poutine ne sont plus les seuls à qualifier Volodymir Zelensky d’ "ordure", de "clown cocaïnomane" ou de "porc insolent" (sic). Tout le week-end, l’entourage de Donald Trump a rivalisé de qualificatifs infamants pour humilier, insulter, écrabouiller le président ukrainien. Faut-il rappeler que le premier objectif de Poutine, depuis trois ans, est de remplacer Zelensky par un homme à lui, et que Trump, à la stupéfaction du monde entier, est en train de l’aider à réaliser son but ?

Face à la vulgarité et l’inculture de Donald Trump, un peu d’intelligence ne saurait nuire : le sommet européen de Londres, ce dimanche, fut une réussite diplomatique, couronnée par la réception de Volodymir Zelensky par le roi d’Angleterre. Très bien. Encore faut-il, comme toujours, relativiser ce succès : 1) A Moscou, les médias n’ont pas dit un mot de ce sommet. 2) Le ministre Sergueï Lavrov a refusé d’avance toute force de paix sur le territoire ukrainien. 3) Tout le week-end, l’armée russe a continué de bombarder les villes ukrainiennes...

Reste la question que se posent tous les spécialistes de la Russie, toutes tendances confondues : quelle est la raison exacte pour laquelle Donald Trump a adopté tous les arguments, objectifs et éléments de langage de Vladimir Poutine, point par point, à la virgule près ? Saura-t-on jamais, précisément, ce qui a retourné comme un gant ce président américain, le poussant à faire le contraire de tous ses prédécesseurs depuis 1945, à la stupéfaction de toute la planète ?

Ne perdons pas de vue l’essentiel : la scène incroyable qui a sidéré hier soir toute la planète signifie le deuxième échec de Trump. Premier échec : après avoir tonitrué qu’il réglerait l’affaire ukrainienne en 24h, Trump a été obligé d’admettre piteusement qu’il lui faudrait au moins six mois. Deuxième échec : après avoir annoncé à grands cris qu’il allait signer le contrat du siècle avec Zelensky, sa grossièreté a spectaculairement compromis la fameuse signature ! Quand je vous dis que Trump se prépare une réputation de loser…

Suis frappé de voir que la question ukrainienne, depuis hier, tourne autour des forces franco-britanniques qui vérifieront sur le terrain le futur dispositif de paix mis au point par Trump et Poutine, avec ou sans les Européens : y aura-t-il bien une couverture américaine, notamment aérienne, en cas de dérapage ? Hé ! Ho ! On arrête de rêver ! Des soldats français et britanniques, appuyés par des avions américains, pour garantir la paix en Ukraine ? Poutine ne voudra jamais. Jamais ! Point barre. Désolé, les gars, mais il va falloir trouver autre

Demain lundi, cela fera exactement trois ans que l’armée russe a violé la frontière ukrainienne. Ces derniers mois, quand Donald Trump annonçait qu’il allait régler le conflit en 24 heures, on pouvait imaginer qu’il avait compris qu’on pouvait arrêter la guerre, en effet, en 24 heures : il suffisait d’ordonner aux soldats russes de rentrer chez eux ! Poutine a refusé, point barre. Trump a donc échoué. Et maintenant, pour compenser son échec, il demande six mois… pour forcer l’Ukraine à capituler ! Pas très fiable, le nouveau président des Etats-Unis…

Too much is too much ? J’observe avec soulagement que le stupéfiant ralliement de Trump à Poutine a profondément choqué une grande partie de l’opinion occidentale, y compris aux Etats-Unis. Les Européens, en particulier, ne semblent pas prêts – sauf les éternels "idiots utiles" du Kremlin – à baisser culotte devant quelques multimilliardaires interlopes sans scrupules, aussi incultes que vulgaires, et dont le seul objectif est de dominer les peuples pour gagner encore plus de dollars. Comment dit-on, en anglais, "Faut pas pousser Mémère…" ?

On commence à entrevoir l’enjeu majeur de l’incroyable ralliement de Trump à Poutine sur le dos de la malheureuse Ukraine : ces deux dirigeants sans scrupule sont les promoteurs d’une société post-démocratique où les valeurs fondamentales de la civilisation européenne – la vérité, le droit, la primauté de l’homme, la raison, la liberté – seront systématiquement bafouées. Le mensonge, la force, la violence et le culte du chef, voilà l’avenir auquel il va falloir résister. Vaste programme.

"Zelensky représente 4 % de l’opinion ukrainienne" : à force d’entendre Donald Trump répéter méticuleusement les mensonges de Poutine, y compris les plus énormes, on devine qu’il n’a rien compris à la Russie, à l’Ukraine et à la guerre en cours. Et qu’il va continuer à se faire avoir par Poutine qui, lui, sait très bien ce qu’il veut et connaît à fond son dossier. C’est le formidable paradoxe de cette folle histoire : Trump en sortira, dans deux ou trois ans, comme le plus grand loser du siècle !

Il y aura trois ans, samedi, que l’armée russe a franchi avec fracas la frontière ukrainienne. Aujourd’hui, Trump et Poutine font croire qu’ils vont mettre fin au conflit. En oubliant de rappeler qu’il y a, depuis trois ans, un moyen simple et rapide d’arrêter la guerre : il suffit que les soldats russes rentrent chez eux ! Peut-on imaginer que quelqu’un souffle au président américain cette idée singulière, et qu’il en convainque son ami Poutine ? A l’évidence, ces deux-là manquent d’imagination…

Bon, on récapitule. En 1945, à Yalta, les Américains ont abandonné à Staline la moitié de l’Europe ; en 1949, ils ont trahi la Chine nationaliste en abandonnant le pays à Mao Tsé-toung ; en 1975, ils ont piteusement laissé tomber le Vietnam du sud ; en 2021, ils ont fui l’Afghanistan devant l’avance des talibans ; en 2025, ils ont abandonné l’Ukraine à son voisin russe et lâché l‘Europe. Honnêtement, quand on a des alliés comme ça, il faut bien s’attendre à être largué tôt ou tard…

Il fallait s’y attendre. Donald Trump a donc bradé la malheureuse Ukraine au profit de son agresseur, Vladimir Poutine : pas de retour aux frontières de 2014, pas d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, pas d’Européens dans la boucle, c’est très exactement ce que voulait Poutine ! En fait de négociation, c’est bel et bien une capitulation. Vous entendez, depuis trois jours, les hurlements de rire à la télévision russe ? Quelqu’un pourrait-il expliquer à Trump ce qui s’est passé en 1938 à Munich ?