Le blog de Bernard Lecomte

Au moment où se tient le sommet européen de Bruxelles, voilà une évolution intéressante : à Moscou, depuis deux jours, officiels et journalistes se moquent ouvertement des Européens, ces "petits pays" ridicules qu’ils traitent, en haut lieu, de "fauteurs de guerre". C’est nouveau, et c’est bon signe : dans la langue de Vladimir Poutine, cela veut dire que l’Europe redevient un acteur important du conflit ukrainien, et qu’il va être difficile de se passer d’elle pour assurer la paix dans la région…

Les porte-parole de Vladimir Poutine ne sont plus les seuls à qualifier Volodymir Zelensky d’ "ordure", de "clown cocaïnomane" ou de "porc insolent" (sic). Tout le week-end, l’entourage de Donald Trump a rivalisé de qualificatifs infamants pour humilier, insulter, écrabouiller le président ukrainien. Faut-il rappeler que le premier objectif de Poutine, depuis trois ans, est de remplacer Zelensky par un homme à lui, et que Trump, à la stupéfaction du monde entier, est en train de l’aider à réaliser son but ?

Face à la vulgarité et l’inculture de Donald Trump, un peu d’intelligence ne saurait nuire : le sommet européen de Londres, ce dimanche, fut une réussite diplomatique, couronnée par la réception de Volodymir Zelensky par le roi d’Angleterre. Très bien. Encore faut-il, comme toujours, relativiser ce succès : 1) A Moscou, les médias n’ont pas dit un mot de ce sommet. 2) Le ministre Sergueï Lavrov a refusé d’avance toute force de paix sur le territoire ukrainien. 3) Tout le week-end, l’armée russe a continué de bombarder les villes ukrainiennes...

Ne perdons pas de vue l’essentiel : la scène incroyable qui a sidéré hier soir toute la planète signifie le deuxième échec de Trump. Premier échec : après avoir tonitrué qu’il réglerait l’affaire ukrainienne en 24h, Trump a été obligé d’admettre piteusement qu’il lui faudrait au moins six mois. Deuxième échec : après avoir annoncé à grands cris qu’il allait signer le contrat du siècle avec Zelensky, sa grossièreté a spectaculairement compromis la fameuse signature ! Quand je vous dis que Trump se prépare une réputation de loser…

Vu le clip de Trump sur Gaza ? Vu sa dernière sortie : "L’Union européenne a été créée pour emmerder les Etats-Unis" ? Non seulement le président US est cynique et vulgaire, mais il confirme qu’il n’a jamais lu un livre et qu’il ne connaît rien ni à l’histoire ni à la géographie. La vérité, la réalité, les faits, sont broyés par son obsession mercantile, son ego démesuré et son mépris pour les peuples. Ce qui est, au fond, plutôt rassurant : quand on part sur de telles bases, on ne peut que se planter tôt ou tard. La question étant : à quel prix ?

On a raison de critiquer Macron du matin au soir, sur des tas de sujets, mais l’honnêteté oblige à saluer l’intelligence dont il a fait preuve ce lundi à la Maison Blanche. Faire avaler à Trump, dans la même conférence de presse, la souveraineté de l’Ukraine, la participation de l’Europe et la garantie des USA dans le futur processus de paix, c’est très fort. Probablement Trump va-t-il se renier dès demain sur tout ça, mais quand même : ce dialogue incroyable entre Trump et Macron fut un événement !

Too much is too much ? J’observe avec soulagement que le stupéfiant ralliement de Trump à Poutine a profondément choqué une grande partie de l’opinion occidentale, y compris aux Etats-Unis. Les Européens, en particulier, ne semblent pas prêts – sauf les éternels "idiots utiles" du Kremlin – à baisser culotte devant quelques multimilliardaires interlopes sans scrupules, aussi incultes que vulgaires, et dont le seul objectif est de dominer les peuples pour gagner encore plus de dollars. Comment dit-on, en anglais, "Faut pas pousser Mémère…" ?

On commence à entrevoir l’enjeu majeur de l’incroyable ralliement de Trump à Poutine sur le dos de la malheureuse Ukraine : ces deux dirigeants sans scrupule sont les promoteurs d’une société post-démocratique où les valeurs fondamentales de la civilisation européenne – la vérité, le droit, la primauté de l’homme, la raison, la liberté – seront systématiquement bafouées. Le mensonge, la force, la violence et le culte du chef, voilà l’avenir auquel il va falloir résister. Vaste programme.

Bon, on récapitule. En 1945, à Yalta, les Américains ont abandonné à Staline la moitié de l’Europe ; en 1949, ils ont trahi la Chine nationaliste en abandonnant le pays à Mao Tsé-toung ; en 1975, ils ont piteusement laissé tomber le Vietnam du sud ; en 2021, ils ont fui l’Afghanistan devant l’avance des talibans ; en 2025, ils ont abandonné l’Ukraine à son voisin russe et lâché l‘Europe. Honnêtement, quand on a des alliés comme ça, il faut bien s’attendre à être largué tôt ou tard…

Trois questions nous taraudent cette semaine : 1) Comment la France va-t-elle s’efforcer de ne pas disparaître dans la course mondiale à l’IA. 2) Comment l’Europe va-t-elle contrer Trump et ses droits de douane. 3) Comment Poutine va-t-il profiter de l’affaire ukrainienne pour pousser au démembrement de l’OTAN. Or, pendant que se joue ainsi notre destin, la classe politique française est entièrement concentrée sur les chances de la motion de censure déposée au titre du 49.2 par les élus socialistes le 19 février prochain. Angoissant, non ?

Eh oui, Trump a gagné ! Inutile de nous auto-flageller : que les Français aient été massivement hostiles à un vieux beauf inculte, sexiste, brutal et vulgaire, c’est plutôt à leur honneur. Sauf que le peuple américain, les pauvres, les sans-voix, ont voté, eux, pour deux propositions : 1) plus d’économie, 2) moins d’immigration, et basta. Les jolies actrices venues soutenir la balbutiante  Kamala Harris n’ont pas fait le poids. A l’intérieur comme à l’extérieur, maintenant, il va falloir serrer les fesses…

A 2 jours du scrutin présidentiel américain, on sent monter une double angoisse chez nous, en France : d’abord quant à l’avenir de la démocratie aux USA, qui préfigure avec quelques années de retard, depuis toujours, les grandes tendances de la vie politique de ce côté de l’Atlantique ; ensuite, quant à notre avenir à nous, les Européens, dès lors que les Américains cesseront d’assurer la défense du Vieux continent. Et les gens raisonnables de préciser : et cela, quel que soit le vainqueur…

Il y a vraiment quelque chose de choquant dans le procès à grand spectacle qui va juger la confusion, entretenue ou non, entre les assistants parlementaires français et européens des élus du Front national entre 2004 et 2016. Que cette confusion pose problème, soit. Mais que de simples juges, qui ne sont élus par personne, s’apprêtent à décider souverainement que Marine Le Pen pourra ou non se présenter au suffrage populaire lors de l’élection présidentielle de 2027, est proprement ahurissant !

C’est bien connu : les Français sont toujours plus intelligents que les autres. En Allemagne comme dans la plupart des pays d’Europe, on veut réguler l’immigration en doublant les frontières européennes par les frontières nationales : en France, le seul fait de parler d’immigration vous fait passer pour un facho ! En Italie comme dans la plupart des pays d’Europe, on réfléchit à porter l’âge de la retraite de 67 ans à 70 ans : en France, la volonté collective vise à le faire passer de 64 à 62 ou 60 ans ! Et si, pour une fois, on regardait tranquillement, sereinement, ce qui se fait ailleurs ?

L’annonce de la dissolution, dimanche, à peine les résultats connus, a permis aux médias français de se focaliser aussitôt sur les alliances, micmacs, calculs, magouilles, pronostics, surprises, croche-pieds, castagnes et trahisons concernant l’élection législative à venir – et à éviter de s’intéresser, même quelques minutes, aux résultats du scrutin européen dans les 26 autres pays de l’Union européenne. Ouf ! On n’a failli être obligé de parler de la Pologne, du Danemark, de la Slovaquie, de l’Italie, vous vous rendez compte !

Passionnant, émouvant, parfois bouleversant, le 80è anniversaire du Débarquement aura permis à toute une jeunesse française de toucher du doigt son histoire récente, mais aussi l’enjeu de cette terrible année 1944 pour tous les Occidentaux : la démocratie, la paix, la liberté. Quatre-vingts ans plus tard, les mêmes enjeux se profilent, pour l’Europe, derrière l’affaire ukrainienne – n’en déplaise aux quelques excités interlopes et incultes qui hurlent parce que le 6 juin, cette année, tombe juste avant le 9 juin !

Les journalistes français sont obsédés par la présidentielle de 2027. L’Europe, ils s’en tamponnent grave. Jamais ils ne vous disent que le pouvoir, au Parlement européen, le 9 juin, va se jouer entre les deux principales forces politiques en présence : la droite classique (PPE) et la gauche social-démocrate (PSE). Choisir le PPE, c’est voter Bellamy. Préférer le PSE, c’est voter Glucksmann. Tout le reste est politicaillerie franco-française et pia-pia sans intérêt. Mais allez dire ça sur une chaine d’info ! 

Logiquement, pour être vraiment "européennes", les élections du 9 juin devraient offrir aux électeurs européens des listes composées de candidats venus des 27 pays concernés : des nationalistes, des socialistes, des libéraux, des conservateurs, des écolos, des pro-Poutine, des animalistes, etc, etc. Mais nos médias redoutent tellement d’avoir à ouvrir leurs plateaux à des étrangers que nous sommes condamnés aux débats simplistes entre francophones, Français de souche, franchouillards et franco-français ! Dommage, non ?

Faut-il en rire ? Lors du long débat d’hier sur LCI, il est apparu que tous les candidats aux Européennes étaient désormais d’accord sur l’essentiel : d’abord, de Manon Aubry (LFI) à Jordan Bardella (RN) en passant par Marion Maréchal (Reconquête), plus personne ne milite pour la sortie de l’Union européenne ; ensuite, tous, sans exception, accusent Vladimir Poutine d’être un vrai danger pour l’Europe, y compris ceux qui l’adulaient il y a encore un ou deux ans. Ben oui, mais alors on fait comment, le 9 juin, s’ils sont tous d’accord ?