Le blog de Bernard Lecomte

Les médias se régalent : Poutine est candidat à sa succession ! La Russie entre donc en "campagne électorale" – un étrange concept dans ce pays où évoquer publiquement la guerre en Ukraine vaut plusieurs années de prison ! Le Monde du jour révèle que depuis le 24 février 2022, 19.884 citoyens russes hostiles à l’invasion de l’Ukraine ont été ainsi condamnés à 6, 12 ou 25 ans de prison, pour "discrétisation de l’armée" ou "apologie du nazisme". Pauvres Européens "dégénérés" que vous êtes, vous n'aviez pas compris que désapprouver la guerre, en Russie, c’était faire l’apologie du nazisme ?

Pardon, je me répète, mais l’actualité prend une mauvaise tournure. Qui ne voit que c’est l’avenir de l’Europe qui se joue en Ukraine, où tout semble favoriser les ambitions de Vladimir Poutine ? Or, en France, la quasi-totalité des dirigeants s’en tamponnent – président, ministres, partis, parlementaires – de façon aussi spectaculaire qu’irresponsable. A la tête de l’Etat, on dirait que personne ne s’inquiète, ne réfléchit, ne discute, n’anticipe sur ce qu’il en sera de la France quand Poutine, ce qu’à Dieu ne plaise, aura soumis, neutralisé et démilitarisé l’Europe !

La Russie va-t-elle gagner la guerre qu'elle mène contre l'Ukraine ? Pour la première fois, l’hypothèse est franchement analysée et commentée dans les médias. Mais peu d’observateurs osent émettre l'idée qu’une victoire russe en Ukraine serait une vraie catastrophe pour tout le continent européen. Impuissante, décrédibilisée, déchirée, fragilisée, neutralisée, comment l’Europe résistera-t-elle, demain, à l’impérialisme revanchard de Vladimir Poutine ?

Dans les débats télévisés sur la guerre en Ukraine, les commentateurs occidentaux oublient toujours une donnée capitale, que l’historien Serguei Tchernichev vient de rappeler avec talent dans le journal Le Monde. Si la population russe soutient massivement son président, c’est qu’elle lutte avec lui, de près ou de loin, contre le nazisme – ce qui, en Russie, vaut tous les sacrifices. Pour les habitants de Omsk ou de Tioumen, perdre un fils dans le Donbass est une gloire ; et critiquer Poutine, en pleine guerre contre les nazis, une honte. Compris ?