Le blog de Bernard Lecomte

Enfin du beau, du grand, du consensuel, du respect, de la joie ! La cérémonie d’ouverture des JO a été magnifique. Bon, on se demandera longtemps pourquoi les auteurs ont tenu à montrer que la France était "anticléricale" et "anticapitaliste" (sic), que leur spectacle était un "anti-Puy-du-Fou" (sic) et à exhiber Philippe Katerine nu comme un ver au milieu des drag-queens. Fautes de gout, militantisme infantile, désir de choquer le reste du monde ? Oublions ces scories ridicules. Ce fut un grand moment !

La France ne va pas bien du tout. C’est ce qui explique pourquoi elle redécouvre la religion. Voyez comme le voyage de la flamme olympique, portée comme le Saint-Sacrement de tabernacle en tabernacle, ressemble à une immense cérémonie religieuse, où l’on se rend en famille comme pour une communion. La flamme est sacrée - les chrétiens le savent depuis longtemps - et l’extraordinaire rituel qui l’entoure provoque un respect, une émotion, une ferveur qui laissent un peu perplexe…

Gaffe, les amis : la télé, c’est trompeur ! Sur nos écrans, ce dimanche matin, la France apparaissait comme un grand pays uni et stable, capable de faire des défilés magnifiques respirant l’ordre et l’humanité. Tous partis en week-end, les Jean-Luc Mélenchon, Louis Boyard, Marine Le Pen, Sandrine Rousseau, Raquel Garido ? Aurait-on censuré, le jour de la fête nationale, les mensonges, les insultes, la vulgarité, les menaces, la bordélisation, la désunion et la castagne permanente ?

Et si on se disait que les Français sont un peuple très politique, qui a toujours su sortir, dans son histoire moderne, de périodes bigrement compliquées : 1801, 1871, 1946, 1958 ? Et si on comparait nos interminables piapias télévisés aux vrais drames politiques qui frappent une bonne moitié des Etats du monde ? Bien sûr, la composition de la prochaine Assemblée nationale obligera sans doute à faire preuve d’imagination, mais de là à voir se profiler la fin du monde, il y a peut-être une marge, non ?

Noyée dans le déluge de piapias médiatiques qui a suivi la conférence de presse d’Emmanuel Macron, une vérité émerge : le "En même temps", c’est fini ! Le président a choisi de gouverner à droite – notamment pour mieux barrer la route à l’extrême-droite. Les sondages lui donnent raison : une immense majorité des 9 millions de téléspectateurs qui l’ont regardé hier soir l’approuvent dès qu’il parle d’autorité, de fermeté, de sécurité ou… de la Marseillaise.  Le président, si longtemps hors sol, aurait-il enfin décidé d’écouter le peuple ?

Gabriel Attal, chef du gouvernement, 34 ans. Jordan Bardella, chef du premier parti de France, 29 ans. Macron n’étant pas rééligible, ces deux-là vont animer la vie politique française dans les vingt ou trente ans à venir. Sale coup pour tous les Bayrou, Mélenchon, Fabius, Sarkozy, Moscovici, Zemmour, Hollande et autres représentants du monde d’avant. La jeunesse, en soi, n’est pas une qualité en politique, mais l’énergie et l’audace, oui. Et il va en falloir, de l’énergie et de l’audace, pour faire sortir la France du fossé où elle est embourbée depuis tant d'années !

Ce vendredi matin, sur toutes les télés, notre pays célébrait ses grands hommes. D’abord une cérémonie solennelle aux Invalides pour Jacques Delors, le catho engagé, le bâtisseur de l’Europe, le réconciliateur acharné célébré par tous les chefs d’Etat européens. Ensuite Alain Delon, la star des stars, le mythe absolu, l’acteur qui incarne la France aux quatre coins du monde… couvert de boue dans un impudique et pathétique règlement de compte familial, un naufrage lamentable qui donne la nausée ! Drôle de contraste. On vit dans un drôle de pays.

Pardon, je me répète, mais l’actualité prend une mauvaise tournure. Qui ne voit que c’est l’avenir de l’Europe qui se joue en Ukraine, où tout semble favoriser les ambitions de Vladimir Poutine ? Or, en France, la quasi-totalité des dirigeants s’en tamponnent – président, ministres, partis, parlementaires – de façon aussi spectaculaire qu’irresponsable. A la tête de l’Etat, on dirait que personne ne s’inquiète, ne réfléchit, ne discute, n’anticipe sur ce qu’il en sera de la France quand Poutine, ce qu’à Dieu ne plaise, aura soumis, neutralisé et démilitarisé l’Europe !

Rarement on aura entendu autant de Français républicains crier "Vive le Roi !" qu’à l’occasion du voyage en France de Charles III d’Angleterre. Rarement on aura entendu autant de Français laïques crier "Vive le Pape !" qu’à l’occasion de la visite du pape François à Marseille. C’est ainsi. Et tant pis pour les grincheux, les radicaux, les anti-tout, les sans-culotte et autres bouffe-curé : la République est si profondément ancrée dans la culture des Français qu’elle peut se permettre d'être accueillante avec les rois et les papes, et c’est tant mieux. Vive la République, vive la France !

Mettez-vous à la place d’un Polonais, d’un Sénégalais ou d’un Japonais qui suit l’actualité française à la télé. Il a vu, l’autre semaine, des milliers de jeunes cagoulés incendier des écoles et semer la terreur, dans tout le pays, à coup de mortiers d’artifice. Vendredi, sur les Champs Elysées, un défilé militaire d’une tenue impeccable et très applaudi par la foule. Hier soir, un exceptionnel concert au pied de la Tour Eiffel dans un Paris somptueux. Et chaque jour, un fol engouement populaire pour le Tour de France dans des paysages uniques au monde. Etonnant, ce pays, non ?

Quand les politiques n’arrivent pas à résoudre les vrais problèmes de leurs électeurs, ils se tournent vers le sociétal (qui ne mange pas de pain) et vers l’institutionnel (dont la population se contrefiche). Et voilà que je lis, dans le Figaro, qu’on entend à nouveau parler, en haut lieu, d’un redécoupage des régions ! Dites-nous, Monsieur Macron, que c'est une blague ! Déjà que le redécoupage décidé par François Hollande en 2015 a été une véritable catastrophe pour nos territoires, il faudrait recommencer tout ce bazar politicien aussi couteux qu’absurde ? Au secours !

Que pensent, que veulent, que contestent, que souhaitent les Français face à la guerre en Ukraine ? On n’en sait rien. Aucun grand débat parlementaire, aucune manifestation géante, aucune conférence de presse exceptionnelle : Macron serait-il la seule voix de la France ? En Ukraine, on défend la démocratie, mais en France, on la néglige grave. Or, si la guerre tourne mal, si elle dure longtemps, si elle nous divise, croit-on, en haut lieu, que Macron tout seul saura maintenir les Français en alerte ? Comment stimuler l’intérêt, entretenir la solidarité, canaliser les divergences, si le peuple et ses représentants sont absents du débat ?

L’Europe, Ukraine oblige, est en train de se refaire une santé, une cohérence, un équilibre… mais sans la France ! Avez-vous vu beaucoup de ministres français aller se montrer en Pologne, en Finlande, en République tchèque, en Lituanie, en Hongrie, en Moldavie ? Comme si Macron, à lui seul, pouvait faire le job ! Comme si l’axe franco-allemand était encore d’actualité ! Entre les responsables LFI et RN qui se font tout petits et ceux de la majorité qui restent planqués sur leur territoire, la France est en voie de marginalisation sur la scène qui décidera de son avenir !

Je n’ai rien contre Elisabeth Borne, que je ne connais pas. Mais j’ai compris quelles étaient à la fois sa force et sa faiblesse : c’est une super-technocrate. Or l’emprise croissante de la technocratie sur les différents rouages de l’Etat – on le voit bien dans le domaine de la santé – est le problème n° 1 de notre société politique, et la cause de l’impuissance générale des élus dans la plupart des affaires publiques. Alors, une super-techno aura-t-elle le courage d’affronter cet Himalaya de problèmes concrets ? Ou régnera-t-elle sur tout ce petit monde, de loin, à l’abri des tempêtes ?

A force de s’étriper sur Eric Zemmour, le régime de Vichy et les prénoms français, mes confrères et amis journalistes oublient de poser une question toute simple, qui sera pourtant, en 2022, la seule qui vaille : parmi les candidats aux présidentielles, lesquels ont les qualités nécessaires pour piloter la France face à la Chine, dans le Pacifique, au Mali et au sein de l’OTAN ? Eliminés d’emblée : Poutou, Arthaud,  Mélenchon, Jadot, Hidalgo, Montebourg, Ciotti, Zemmour, Dupont-Aignan et Philippot. Un peu justes aussi : Le Pen et Pécresse. Limite-limite : Bertrand. Restent deux "présidentiables" : Macron et Barnier. Je me trompe ?

D’accord avec Dominique Bussereau qui quitte la présidence de l’Association des Départements de France et qui, dans Le Monde d’hier, reproche à nos deux derniers présidents d’avoir plombé l’indispensable décentralisation du territoire français : François Hollande, qui a désincarné les régions en les regroupant de façon absurde, et qui a minoré les maires de France en les dépossédant de compétences confiées aux intercommunalités ; et Emmanuel Macron qui n’a jamais compris l’importance des élus locaux dans le fonctionnement concret de la nation et qui, du coup, s’est fait avaler tout cru par la technocratie.Cela fait beaucoup.

C’est à l’occasion du 14 juillet qu’on mesure la différence entre la réalité du peuple français et l’image qu’en donnent souvent les médias. D’un côté, une immense majorité de gens très différents, de toutes origines, aux opinions diverses, qui se sentent appartenir, peu ou prou, à une nation : la France avec son histoire, sa langue, sa culture, etc. De l’autre, des minorités parfois infinitésimales qui détestent la Patrouille de France, les sapins de Noël, le Tour de France, les vaccins, le nucléaire, l’armée, les flics et, quel qu’il soit, le président de la République. Soyons clair : tant que ces minorités ne prennent pas le pouvoir, tout va bien…

Au sortir d’une longue période particulièrement déprimante pour les jeunes, Macron a donc lancé son Pass culture. Le principe est simple : l’Etat donne un chèque de 300 euros à chaque jeune Français de 18 ans, à dépenser sur 24 mois. Libre à lui de s’offrir des places de cinéma, des livres, des cours de guitare, des offres numériques de théâtres nationaux ou de musées publics. Je lis, en dernière page du Monde, la réaction quasi unanime des "milieux culturels" (sic) qu’on peut résumer ainsi : "C'est un scandale ! Macron, facho, salaud, démission !" La France est un pays très, très étrange.

Le sondage commandé à l’Ifop par Charlie Hebdo, la semaine dernière, a provoqué une gêne manifeste dans les rangs de la gauche bien-pensante et des médias politiquement corrects. A la question : "Faites-vous passer vos convictions religieuses avant les valeurs de la République ?", à laquelle l’ensemble des Français répondent "non" à 83 %, les jeunes Français musulmans, eux, répondent "oui" à 74 % !  Les mêmes, à 45 %, jugent que "l'islam est incompatible avec les valeurs de la société française". Faut-il être naïf, aveugle et sourd pour ne pas voir que c’est la principale menace qui pèse, aujourd'hui, sur la République !

Je vis en France depuis 70 ans, j’en connais l’histoire et la culture, la ville et la campagne, les excès et les faiblesses, et j’affirme que ce pays n'est pas "raciste". Parler d’un "Etat raciste" en France, c’est de la manipulation militante. L’exploitation précipitée de l’affaire George Floyd aux USA par des groupuscules extrémistes et indigénistes me fait peur, car elle vise clairement à remplacer, dans le débat public, nos principes républicains par des critères communautaristes, notamment raciaux, venus d’ailleurs. Car c’est bien la République (sa justice, sa police) qui est visée. La naïveté des jeunes journalistes de la télé, sur ce point, est désarmante...