Le blog de Bernard Lecomte

Sortons un instant des piapias médiatiques. En fait, Michel Barnier ressemble à la France : la seule vraie menace qui pèse sur lui est une alliance entre l’extrême-gauche et l’extrême-droite. Ni le RN ni LFI ne peuvent le censurer séparément. Or, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sont prêts à tout pour s’affronter en 2027, chacun étant persuadé qu’il battra l’autre. Oseront-ils faire alliance, en dépit de tout ce qui les sépare, pour accélérer le processus ? J’ai trop écrit sur l’histoire du pacte germano-soviétique d’août 1939 pour ne pas être prudent…

Je suis sidéré, dans la crise actuelle, par le niveau de vulgarité où est tombé le débat politique. C’est la députée LFI Ersilia Soudais qui traite Michel Barnier de "dinosaure raciste" ; c’est la dirigeante écolo Marine Tondelier qui qualifie Emmanuel Macron de "pervers" ; c’est le député RN Jean-Philippe Tanguy qui traite Barnier de "fossile", etc, etc. Quelle classe ! Quels arguments ! Ces jeunes politiciens incultes et mal élevés, à coup d’insultes et de doigts d’honneur, font de la République un ring de boxe sans foi ni loi. Quelle pitié.

Les dirigeants socialistes sont quand même gonflés ! Ils défilent sur les chaînes d’info en expliquant d’un air furibard qu’ils censureront Michel Barnier en tant qu’épouvantable homme de droite… alors qu’il leur suffisait, pour éviter un gouvernement ancré à droite, de soutenir la candidature du social-démocrate Bernard Cazeneuve ! Cette colossale erreur stratégique d’Olivier Faure, le PS va mettre longtemps à la regretter, condamné qu’il est à subir l’emprise de Jean-Luc Mélenchon…

La surprise, le miracle, le coup de poker, c’est Michel Barnier ! Je rigole en voyant les jeunes journalistes découvrir, au fil des heures, le CV du nouveau Premier ministre : ses mandats électifs régionaux, ses années à l’Assemblée nationale, ses nombreuses expériences ministérielles, ses mandats européens – dont la gestion du Brexit – qui en font un politique expérimenté et, au sens littéral, un homme d’Etat. Restent deux ou trois confrères incultes ou aveugles qui le qualifient de "haut fonctionnaire" et qui feraient mieux, franchement, de changer de métier !

On en rit sur les plateaux : déjà 50 jours, encore un nom, c’est pour demain, Cazeneuve, Bertrand, Barnier, et le budget, et la dette ? La vérité, c’est que le président de la République est en train de perdre définitivement le peu de crédit qu’il lui reste, au point que la question de son remplacement ne choque plus personne. Une présidentielle anticipée ? La Vè République en a vu d’autres. Mais quelle fin de règne pitoyable pour ce jeune homme brillantissime qui n’avait qu’un défaut : il était nul en  politique !

Les journalistes d’aujourd’hui ont d’étranges pudeurs de gazelle. Pendant les deux jours où on a parlé de Thierry Beaudet, avez-vous entendu un seul commentateur expliquer que le président du CESE était un franc-maçon haut placé, habitué aux réseaux, aux fraternelles et aux amicales qui transcendent la gauche et la droite, et que c’est pour cela que Macron a pensé à lui ? La franc-maçonnerie serait-elle un tabou ? Le seul confrère qui ait pointé ce fait, c’est Joseph Macé-Scaron, hier matin, sur Cnews, mais Pascal Praud lui a cloué le bec : silence, on ne parle pas de ces choses-là !

Mais où est passée la classe politique ? Disparue, envolée ? Les médias nous ont bercés, pendant deux mois, avec Huguette Bello, Laurence Tubiana et Lucie Castets, dont aucun journaliste n’avait jamais entendu parler. Aujourd’hui, c’est un certain Thierry Beaudet, rigoureusement inconnu du grand public, qui a connu son quart d’heure de célébrité, façon Andy Warhol. Inquiétant, non, cette démocratie anonyme ? Comment s’appelle, déjà, le gars qui occupe l’Elysée ?