Le blog de Bernard Lecomte

A quatre jours du premier tour, les occasions de rire sont rares. Remercions donc Dominique Strauss-Kahn d’être brusquement sorti de son riad marocain pour inviter les Français à bien voter, c’est-à-dire à voter pour LFI – un parti anticapitaliste et propalestinien qui déteste évidemment tout ce que représente l’ancien patron du FMI. Le plus désopilant étant le tweet par lequel l’égérie féministe Sandrine Rousseau a salué le texte de DSK – avant de retrouver la mémoire et de l’effacer en catastrophe !

Je n’ai rien contre la personne d’Elisabeth Guigou, et j’ai trop défendu ici même la présomption d’innocence pour ne pas rappeler que ce principe fondamental s’applique aussi à l’affaire Duhamel. Mais la création d’une importante Commission sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, sur le modèle de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église, est une chose trop sérieuse pour risquer de la compromettre en la faisant présider par une amie intime de Dominique Strauss-Kahn et d’Olivier Duhamel. Franchement, ce n’est pas de la méfiance mal placée, c’est du simple bon sens !

Que l’affaire Weinstein ait libéré la parole de femmes harcelées ou violées par de tels prédateurs, c’est évidemment une bonne chose. Mais que de rumeurs malsaines, que d’indignations hypocrites, que d’insinuations excessives génère un tel hourvari médiatique ! A commencer par les silences assourdissants des meilleurs potes des Weinstein, Rozon, Strauss-Kahn ou Baupin – qui savaient, bien sûr, mais qui n’avaient jamais pensé les dénoncer à la police. Et parmi ceux-ci, combien de producteurs, artistes ou journalistes connus, eux-mêmes terrorisés à l’idée d’être pointés du doigt, à leur tour, par des collègues trop bavards !

Je n’en peux plus, à chaque fois que j’allume la télé, d’entendre des journalistes interroger des experts pour savoir si Dominique Strauss-Kahn, à l’hôtel Carlton, avait payé avant la nana tarifée qu’il a prise par derrière (Jade), ou s’il avait rétribué après la nana pré-payée qu’il a prise par devant (Mounia). Trop, c’est trop. Surtout au moment où se joue, sur un fil, la paix en Europe : où sont les reportages sur la vie en Ukraine, sur ce qui divise vraiment ce malheureux pays, sur ce que pensent les jeunes Moscovites, sur le moral des soldats russes ? Ce déséquilibre de l’information devient indécent.

 Qui se rappelle comment le PS a lancé l’affaire du mariage gay ? En 2004, alors que le Pacs semblait avoir réglé le problème, c’est Dominique Strauss-Kahn, eh oui, qui a soulevé ce lièvre, suivi par Fabius et Hollande… mais pas du tout par Jospin, Royal, Guigou et Montebourg ! "On peut réprouver l’homophobie tout en n’étant pas favorable au mariage homosexuel", écrivait alors Jospin dans le JDD en dénonçant "une nouvelle tentation bien-pensante". "On ne redéfinit pas le droit familial, les rapports entre parents et enfants, comme on baisse un taux de TVA !" avait tempêté un certain Jean-Marc Ayrault dans le bulletin Tribunes socialistes. Amusant, non ?

 Dominique tourne en rond dans sa chambre d’hôtel. Il ne peut s’empêcher de penser que c’est lui qui était destiné, demain soir, à devenir président de la République. Au lieu de cela, il va devoir affronter un procès contre son aventure d’un soir, la troublante Nafissatu, et sans doute un autre parce que la ravissante Anne-Sophie, qu'il a connue à Washington, l’accuse de viol, elle aussi. Il constate que tous ses amis l’ont abandonné pour servir François, son supplétif : l’autre soir, rue Saint-Denis, à l’anniversaire de Julien (photo), il fallait voir Ségolène, Manuel, Pierre et les autres le fuir comme un pestiféré ! Valérie, qui n'avait pas été invitée, était furieuse : ce genre de bêtise pourrait l'empêcher, in extremis, de remplacer Carla dans le coeur des Français...

 L’interview de DSK dans The Guardian, samedi, a tétanisé les dirigeants du PS : "Peut-être que j’étais politiquement naïf, mais je ne croyais tout simplement pas qu’ils iraient aussi loin ..." Mais de qui parle Strauss-Kahn ? De l’ "entourage de Sarkozy", sûrement, bien sûr, évidemment ! Sauf que le seul bénéficiaire de cette lamentable affaire, c’est… François Hollande. Sans Nafissatu Diallo, c’est bien DSK qui serait à quelques jours d’entrer triomphalement à l’Elysée ! Difficile d’enterrer un pareil dossier. Tiens, par exemple, on ne sait toujours pas jusqu’à quel point François Hollande et Aurélie Filipetti ont "couvert" le comportement de leur ex-ami Dominique à l’égard de Tristane Banon. Le saura-t-on jamais ? 

A quoi tient le destin d’un peuple ! On a toujours dit qu’à trois semaines près, en 1974, Giscard aurait sans doute manqué son élection : la courbe commençait tout juste à redescendre. C’est ce qui est arrivé à Balladur en 1995. C’est ce qui arrive à Hollande en 2012 : on sent bien que le temps joue contre le candidat du PS, essoufflé et quasi atone : il est en campagne ininterrompue depuis un an, il a déjà tout dit et son contraire, comment peut-il encore intéresser, a fortiori convaincre ? Le timing d’une campagne, c’est le nez de Cléopâtre : s’il eût été plus court… Tiens, imaginez que les flics new-yorkais, déboulant du Sofitel, aient eu dix minutes de retard lorsque DSK s’apprêtait à décoller pour Paris, le 15 mai dernier !

 Martine traverse une mauvaise passe depuis que Dominique a déclaré publiquement à Claire, l’amie de sa femme Anne, qu’il existait bien un pacte entre eux deux, et que Martine n’était qu’une candidate de substitution. Ségolène et François, dont les relations semblent moins glaciales qu’au lendemain de leur séparation, en font des gorges chaudes. Mais Dominique aura torpillé la candidature de Martine pour rien : personne ne souhaite son retour sur la scène publique depuis sa mystérieuse incartade avec Nafissatou. D’autant que Tristane n’a pas dit son dernier mot…

 Mieux vaut en rire. Voici, piquées au site Street Génération, le top-5 des réactions hilarantes et spontanées à l’interview de DSK :

1. "DSK est plus difficile niveau maison que niveau meuf"
2. "Quand il dit "en sus", il tend le bâton pour se faire battre"
3. "Une pensée pour Delahousse qui a préparé un JT pour sa famille"
4. "Dominique : j’tronche qu’Anne"
5. "DSK aura réussi à sauter aussi une présidentielle !"

 Deux choses m’ont choqué, ce soir, dans la surréaliste interview de DSK sur TF1. Primo : que Claire Chazal l’interroge soudain, comme si de rien n’était, hop, passez muscade, sur son analyse de la crise de l’euro. Le coup de com est un peu gros : le pécheur reprentant est aussi, oyez braves gens, le sauveur du monde ! Deuzio : que DSK maintienne sa plainte contre la jeune Tristane Banon, ce qui est compréhensible, mais qu’il n’attaque pas en justice Nafissatou Dialo à qui il doit tous ses malheurs : "Piège, complot ? On verra !" Qui peut comprendre qu’il ne se retourne pas, maintenant qu’il est innocenté, contre une personne qui lui a causé un tel préjudice ?  

Qu’il est bon de rentrer dans sa campagne ensoleillée après DSK un week-end en Suisse ! DSK Le salon du livre de Morges, près de DSK Lausanne, a été une parenthèse très DSK agréable, tout comme mon retour en DSK Puisaye, loin de l’actualité DSK frénétique de ces derniers DSK jours. Sans télé ni journaux DSK pendant deux jours : un peu de calme, DSK de détente et DSK d’amitié, cela fait DSK un bien fou dans DSK ce monde médiatique DSK si souvent pollué par DSK tant de choses futiles DSK et sans DSK intérêt DSK DSK DSK DSK DSK DSK DSK DSK DSK

La rentrée politique me fait peur. Voyez les "primaires" du PS et le ballet des petites phrases débiles, des sourires figés et des faux-semblants – alors que rien, absolument rien ne distingue politiquement Martine Aubry de François Hollande ! Voyez les arguments poussiéreux de la direction du PS sur la collusion entre la droite et l’extrême-droite – alors que 62 % des Français, selon Libération, estiment que face à la crise, la gauche et la droite, c’est kif-kif ! Voyez le feuilleton du "retour de DSK" qui excite l'ensemble des médias – alors que 80 % des Français, selon BVA, ne veulent plus le voir ! Les semaines qui viennent s'annoncent sinistres...

En surfant sur le net, où les avis sont très contrastés, je ne suis pas sûr que les journalistes français aient eu raison de se ranger aussi massivement, comme un seul homme, ce mardi, derrière la décision du juge américain. Comme si le désistement du procureur Vance réglait soudain l’affaire, hop, pardon, c’était un malentendu, allez, on passe à autre chose ! Trop facile. Face à cette unanimité presque touchante de la très versatile classe politico-médiatique, osera-t-on regretter à haute voix qu’une telle affaire n’ait pas débouché, comme c’eut été le cas en France, sur un vrai procès ?

Dominique n’ira donc pas en prison. Cyrus, le procureur, n’a finalement retenu aucune charge contre lui. Ce qui s’est exactement passé entre Dominique et la jeune Nafissatou dans la chambre du Sofitel restera donc leur tendre secret. Anne, lasse de vendre les tableaux de son grand-père pour payer les avocats de son mari, est heureuse de rentrer en France où Jean-Marie et Pierre, les rares amis restés fidèles à Dominique, vont le pousser à repartir en politique, au grand dam de François, Martine et Ségolène. A l’Elysée, Nicolas et Carla rigolent tandis que quelque part dans Paris, dans l’ombre, Tristane prépare sa revanche...  

François Hollande affirme qu’il est victime d’une "manipulation politique". Faut-il rappeler que le lien entre l’ex-premier secrétaire du PS et l’affaire DSK-Banon a été révélé dans un livre intitulé Sexus Politicus paru en… 2006 ? Or, à cette époque, Hollande ne faisait même pas partie des candidats potentiels du PS aux présidentielles ! Que la justice veuille savoir qui était au courant, à la tête du PS, d’une tentative de viol présumée d’un de ses dirigeants, c’est un tout petit peu normal, non ? Et si certains journaux s’en délectent, ce n’est pas le fait de la CIA, du KGB ni de l’UMP ! Il faudrait que les dirigeants du PS se défassent de leur habitude de crier au complot…

Anne, la mère de Tristane, a décidé de dire la vérité au juge : elle aussi a eu une aventure sexuelle avec Dominique, son ancien camarade de parti. C’est aussi pour cela qu’elle avait dissuadé Tristane de porter plainte contre Dominique après que celui-ci eut tenté d’agresser la jeune fille dans sa garçonnière. Anne s’en veut d’avoir alors demandé à Brigitte, la deuxième femme de Dominique, elle-même marraine de Tristane, de convaincre celle-ci de ne rien dire. François, qui dirigeait le parti à l’époque, va devoir expliquer au juge pourquoi il avait choisi de régler l'affaire en interne. Pendant ce temps, au Cap Nègre, Carla entame son cinquième mois de grossesse…

L’affaire Banon confirme deux choses. D'abord qu’il y a, aujourd’hui, deux sortes de journalistes : ceux qui intègrent normalement internet à leurs investigations, évidemment avec un minimum de discernement, et les autres, qui découvrent tout avec deux mois de retard - notamment les gravissimes accusations de Tristane Danon, dont ce blog a parlé, comme d'autres, dès le mois de mai ! Par ailleurs, l'affaire confirme aussi le machisme de tous ces beaux esprits qui soupçonnent à haute voix la jeune Tristane de faire la promo de son livre ou de jouer le jeu de l’UMP : exactement comme pour Nafissatou Diallo, vous allez voir que c’est DSK qui va passer pour la victime !

Anne et Dominique respirent. Ils peuvent à nouveau fréquenter les grands restaurants de New York depuis que Cyrus, le procureur, a découvert que la jeune Nafissatu était une menteuse. A Paris, Martine et Ségolène sont convaincues que Dominique ne se présentera pas aux élections, surtout depuis que Tristane a déposé plainte contre lui pour tentative de viol. Quant à François, il s’inquiète : Tristane va-t-elle le trahir et révéler que c’est lui, en 2003, qui l’a dissuadée d’attaquer Dominique en justice ? Dans son palais de l'Elysée, Nicolas se frotte les mains...

L’affaire DSK les rend fous. Tous les journalistes qui, du matin au soir, évoquent son retour en vue des présidentielles, ont-ils déjà oublié les torrents de révélations scabreuses qui ont suivi son incarcération new-yorkaise, des accusations de la députée Aurélie Filipetti au récit de Tristane Banon chez Ardisson ? Ont-ils zappé les gravissimes accusations qui pèsent toujours sur lui, même si la vie compliquée de la "victime" plombe le dossier de l’accusation jusqu’à faire envisager la relaxe ? Le lapsus de Martine Aubry se réjouissant que "Dominique" soit libre "dans son pays", c’est-à-dire outre-Atlantique, est révélateur…