Le blog de Bernard Lecomte

Michel Barnier va-t-il être débarqué par une motion de censure conjointe du NFP et du RN ? Les médias trépignent, à l’unisson, devant cette perspective imminente qui plongerait la France dans une crise dramatique : plus de gouvernement, plus de budget, défiance des marchés, crise financière et sociale, etc. Qui a intérêt à précipiter la France dans le chaos ? Personne – à part le futur candidat Jean-Luc Mélenchon, bien sûr. Or ce constat raisonnable, frappé au coin du bon sens, n’est pas du tout, mais pas du tout dans l’air du temps !

Il aura donc fallu trois jours de polémique politicienne pour que la Présidence de la République, l’Assemblée nationale et le Sénat acceptent finalement de ne pas augmenter leur budget cette année. Incroyable ! Parmi les centaines de technocrates, consultants, experts et autres communicants qui conseillent le pouvoir, il ne s’en est trouvé aucun pour faire remarquer que les élus de la nation devaient montrer l’exemple, même symboliquement, quand le budget exige que chaque Français se serre la ceinture ?

Pardon d’insister, mais je reviens concrètement sur la hausse du budget de l’Assemblée nationale, qui va permettre, pour compenser l’inflation, d’augmenter le salaire du député de ma circonscription de l’Yonne, Daniel Grenon, qui est actuellement de 7.637,39 euros brut par mois. Rappelons que ce député, que personne ne connaît, a été éjecté du groupe RN pour propos racistes, mais n’a pas démissionné pour autant de son mandat : il ne représente donc que lui-même. A titre de comparaison, dans mon coin, le revenu moyen est de 1.800 euros… par foyer ! Il n’y a pas quelque chose qui choque, là ?

Il fallait s’y attendre. Dans la Tribune Dimanche, on constate que tous les leaders politiques reculent dans l’opinion : - 8 pour Attal, - 6 pour Darmanin, - 7 pour O. Faure, etc. Le peuple s’escagasse. Et voilà qu’on apprend, ce matin, que les budgets de l’Elysée, de l’Assemblée nationale et du Sénat vont augmenter respectivement de 3, 10 et 6 millions d’euros – au moment où l’on demande à toute la nation de se serrer la ceinture pour compenser l’endettement du pays ! Quand on vous dit que les élus et les technocrates qui les entourent sont coupés du peuple !

Depuis hier soir, il suffit d’allumer la télé pour voir des politiques, des syndicalistes, des associatifs et des journalistes, de gauche et de droite, dénoncer sévèrement les augmentations d’impôts suggérées par Michel Barnier pour lutter contre l’endettement dramatique de la France. Question : combien, parmi tous ces gens qui tempêtent et menacent, avaient dénoncé les baisses d’impôts successives qui, depuis 2017, ont provoqué cet endettement catastrophique ? Si la mémoire ne me fait pas défaut, la réponse est : pas un seul, zéro, aucun, walou, personne !

Les deux tiers des Français souhaitent que Michel Barnier réussisse. Pas parce qu’il est à droite, ou LR, ou que sais-je, mais pour sortir la France d’une crise financière dramatique. Et pendant ce temps, le regard rivé sur 2027, Gabriel Attal et Gérald Darmanin, censés soutenir le gouvernement, menacent chaque matin de le faire tomber ! Question : s’ils plongent le pays dans le chaos, pensent-ils sérieusement que les Français vont les applaudir ? Quel manque de perspicacité ! C’est jeune et ça ne sait pas…

Tout ça pour ça ! Mais qu’ont donc gagné Olivier Faure, François Hollande, Jérôme Guedj et les autres députés socialistes en déposant, pour le compte du NFP, c’’est-à-dire de Jean-Luc Mélenchon, une motion de censure destinée à renverser le gouvernement de Michel Barnier ? Ils ne savent pas compter ? C’est pourtant simple : tant qu’ils ne feront pas clairement affaire avec le RN, ils échoueront… et repousseront toutes leurs chances de redevenir un parti de gouvernement ! Vous entendez Marine qui rigole ?

Ce n’est pas compliqué, la politique ! Le Premier ministre décide que l’Etat devra économiser cette année 60 milliards d’euros. C’est le sort de la nation qui est en jeu. Dans un premier temps, tout le monde applaudit cette volonté courageuse de faire des économies. Dans un second temps, chaque catégorie sociale hurlera à la mort quand elle se sentira concernée, de près ou de loin, par cet objectif. Les économies, c’est toujours pour les autres. Rien de nouveau sous le soleil.

Les journalistes avaient éteint leur télé, mercredi soir, quand Michel Barnier a répondu, après sa déclaration de politique générale, aux chefs de groupe parlementaire. Ils se sont rattrapés hier jeudi en passant et repassant les réparties désopilantes que le Premier ministre a servies aux chefs de groupe médusés – Attal, Vallaud, Panot, Ciotti, etc. Voilà de l’humour politique à l’ancienne, un peu british, qui fait un bien fou sur une scène politique plombée par l’ambition, l’hypocrisie et la vulgarité. En-core, en-core !

Je n’arrive pas à m’habituer, depuis 2022, à l’incorrection maladive des députés LFI. Hier, des millions de téléspectateurs ont été choqués, comme moi, par les vociférations imbéciles et les glapissements infantiles de ces élus souvent incultes qui, conformément à leur stratégie de "rupture" régulièrement rappelée par Jean-Luc Mélenchon, ont choisi de "bordeliser" la vie parlementaire en couvrant le discours du Premier ministre – lui-même d’un autre âge et d’une autre classe – par des gesticulations simiesques et des cris de putois.

François Hollande a redit, ce dimanche, qu’il allait censurer, à la première occasion, le gouvernement de Michel Barnier. Lui, l’ancien président, revendique de plonger la France dans le chaos en renversant au plus tôt un gouvernement tout neuf dont il ne sait encore rien ! En s’inscrivant ainsi, contre toutes les logiques, dans la stratégie de Jean-Luc Mélenchon. Et tant pis pour le budget, tant pis pour la dette, tant pis pour la stabilité à laquelle le pays aspire. Pas sûr que les Français apprécient…

Il fallait s’y attendre : le nouveau gouvernement Barnier croule sous les critiques de l’extrême-droite (RN) et de la gauche radicale (NFP). Qui lui font, de tweet en tweet, depuis hier soir, trois reproches péremptoires : 1) cette équipe gouvernementale signifie le retour de la macronie ; 2) elle traduit le triomphe de la droite LR ; 3) elle trahit l’ "extrême-droitisation" du pouvoir. Que ces trois critiques s’annulent parce que parfaitement contradictoires ne semble pas troubler les commentateurs…

Qu’entends-je ? Une ministre serait interdite de gouvernement pour s’être opposée jadis au "mariage pour tous" ? Petit rappel : en avril 2013, 54 % des Français étaient contre la loi Taubira – la quasi-unanimité des partis de droite et du centre, tous les représentants des grandes religions, l’immense majorité de la population des DOM-TOM, l’Académie de médecine, l’Union nationale des Associations familiales, le Défenseur des Droits, le Comité national d’éthique, et d’innombrables personnalités non catholiques, de Michel Rocard à Simone Veil. Tous des fachos, on vous dit !

Je rigole. Les mêmes journalistes qui annonçaient hier, à l’unisson, la probable et imminente démission de Michel Barnier, portent aux nues, ce matin, la "méthode Barnier" (sic) qui permet de composer un gouvernement pluriel dans l’hostilité générale. Etonnant, ce Barnier ! Combien de mes estimés confères ont lu, par curiosité, le livre La grande illusion (Gallimard, 2021) où le même Barnier raconte comment il a négocié le Brexit ? Aucun, évidemment.

Tous les médias, hier, à la même heure, ont évoqué la possible démission de Michel Barnier, vaincu par la quasi-totalité des chefs de parti. En se gardant de préciser un détail : sur les quatre partis censés soutenir le nouveau Premier ministre (Renaissance, Modem, Horizons, LR), trois dépendent, sur le papier, du président de la République. Question : Emmanuel Macron est-il conscient qu’une démission de Barnier serait un formidable échec pour lui-même ? Si le chef de l’Etat n’a plus de pouvoir sur ses propres troupes, à quoi sert-il ?

Mélenchon et ses affidés du NFP censureront Barnier quoi qu’il arrive. Pour Marine Le Pen et le RN, ce n’est qu’une question de temps. Attal (Renaissance) ne le soutient que du bout des doigts. Darmanin (Horizons) et Fesneau (Modem) multiplient les conditions de leur soutien. Vauquiez (LR) lui oppose de méchantes "lignes rouges". Tous ces gens se fichent complètement de la situation catastrophique où est la France. Heureusement, dans ce marigot, il reste Emmanuel Macron. Emmanuel qui ?

Que prépare Michel Barnier ? Il se dit qu’il pourrait créer un secrétariat d’Etat à l’immigration, mais ce n’est pas sûr. Il pourrait augmenter certains impôts, mais rien ne le garantit. Il devrait nommer plein de ministres LR, mais il peut n’en nommer aucun. Il souhaiterait élargir son gouvernement à des personnalités de gauche, mais on n’en a aucune confirmation. En fait, on ne sait rigoureusement rien sur ce que va faire le nouveau Premier ministre, ce qui relativise sérieusement toutes les polémiques qui surgissent tous les matins et s’évanouissent chaque soir sur les chaines d’info…

La politique fait loucher. D’un côté, il y a Michel Barnier qui fait le tour des partis pour constituer son gouvernement dans l’esprit de tirer la France du mauvais pas politique et financier dans lequel elle se trouve en cette rentrée 2024. De l’autre, il y a la plupart des chefs de parti (Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Edouard Philippe, Gabriel Attal, Laurent Wauquiez) qui calculent leurs coups exclusivement en fonction de la présidentielle de 2027. Etonnez-vous que les intérêts des uns et des autres coïncident rarement !

Regarder la télé, en ce moment, ne manque pas de saveur. Tous ces commentateurs, journalistes, experts et chroniqueurs qui, à 98 %, n’avaient même pas imaginé l’arrivée de Michel Barnier à Matignon, ne cessent d’expliquer savamment, doctement, gravement, dans quelles conditions le Premier ministre va être censuré, critiqué, trahi, écarté, étrillé, contesté, et par qui, et quand, et comment, etc. Si Barnier est encore à Matignon dans deux ans, il faudra ressortir tous ces propos très informés…

Comme s’ils avaient brisé le même tabou, tous en chœur, les grands médias saturent soudain nos écrans en glosant sur la présence, dans le futur gouvernement Barnier, d’un éventuel ministère de l’immigration. Réaction commune : "Vous voyez bien que c’est Marine Le Pen qui tient les rênes !" Aucun journaliste ne s’étend sur le fait que 80 % des Français souhaitent que le gouvernement se saisisse du sujet, et, surtout, aucun ne rappelle que ce "honteux" département ministériel… a été fondé en juin 1981 par François Mitterrand !