Le blog de Bernard Lecomte

La CGT a donc fait un bide spectaculaire, hier, au Stade de France. Les cadres de ce syndicat très minoritaire, intoxiqués par leur propre propagande, ont oublié que le peuple, en France, n’aime pas qu’on prenne en otage un match de football pour des raisons idéologiques ou politiciennes. Pour faire oublier leur échec, certains leaders CGT menacent de multiplier les actions illégales (coupures de courant, blocages de raffinerie) et de pourrir le Festival de Cannes, la Fête de la Musique, le 14 juillet, en attendant les Jeux Olympiques de Paris ! Vous comprenez pourquoi Marine Le Pen se frotte les mains ?

Les étrangers qui nous regardent n’en croient pas leurs yeux. L’ensemble des médias français, depuis hier, sont calés sur les sifflets que Macron risque d’entendre en allant saluer des joueurs de foot, ce soir, au Stade de France ! Et ne disent pas un mot sur la dramatique crise de Mayotte, ce département français dont les habitants appellent au secours et qui risque fort, en raison d'une immigration incontrôlable, d’être bientôt annexé par les Comores, sous la pression chinoise ! Ben oui, je sais, on ne peut pas parler de tout....

Ce matin, première nouvelle sur les chaînes d’info : Emmanuel Macron a été réélu président il y a un an. Pour en parler, BFMTV a invité Sophie Binet (CGT), LCI a invité Sandrine Rousseau (EELV) et CNews a invité Manuel Bompard (LCI). Je ne suis pas un partisan de Macron, on le sait, mais je suis un défenseur du pluralisme : ne donner la parole, ce lundi matin, qu’aux seuls porte-parole de l’extrême-gauche, c’est facile, c’est parisien, c'est tendance, c’est pas cher, mais, excusez-moi, ce n’est pas du journalisme !

La nouvelle patronne de la CGT commence bien ! Interrogée par une reporter de CNews sur la stratégie de son syndicat, la dénommée Sophie Binet a refusé de lui répondre. A la CGT, on décide quels journalistes sont dignes de recevoir la parole prolétarienne, et quels autres sont des ennemis de classe, des agents de l’étranger, des nervis du grand capital. Ce mépris pour la profession de journaliste rappelle des temps qu’on pensait révolus. "Tout anticommuniste est un chien", vous vous rappelez ? Quelle régression, franchement.

C’est l’info du jour. Le congrès de la CGT a désavoué Philippe Martinez, son secrétaire général sortant. Trop mou, trop unitaire, ont clamé les délégués de ce syndicat qui fut longtemps le premier de France et qui est encore à la pointe de la contestation sur les retraites. En d’autres temps, tous les médias auraient titré là-dessus. Mais la réalité syndicale, curieusement, les rédactions s’en tamponnent ! Que la CGT, qui ne représente que 2 % des travailleurs français, décide de se racornir encore sur sa base radicale d’inspiration marxiste-léniniste, allons, quelle importance ? 

Du passé faisons table rase. Les journalistes de moins de 50 ans, visiblement, ne comprennent pas la présidente EELV quand elle défend les "prolétaires". Ni les syndicalistes quand ils menacent de renverser le système : "Si le gouvernement utilise le 49.3, il n’y aura plus de règles, pour personne !" (Olivier Mateu, CGT-Marseille) Ou bien : "Le but, partout, c’est de désorganiser la production !" (Emmanuel Lépine, CGT-Chimie). Imprécations d'une autre époque ? Ho, les jeunes, il serait peut-être temps de lire ou de relire une histoire du mouvement ouvrier, non ?

Il y a quelque chose de savoureux, ces jours-ci, à écouter les représentants des syndicalistes ou les porte-parole des manifestants, notamment les plus jeunes, qui appellent à la "convergence des luttes" et au "renversement du capitalisme". Le vocabulaire, les mots, la dialectique rappellent tellement les slogans, les revendications, les mots d'ordre du siècle dernier ! Camarades septuagénaires, vous vous rappelez Georges Marchais et la CGT de l'époque : "Il faut faire payer les riches !" Nostalgie, nostalgie...

"Mettre à genoux l’économie française", tel est donc l’objectif fixé par la CGT aux grévistes de mardi. On a compris, au fil des déclarations des leaders du mouvement, que la "radicalité" était à l’ordre du jour. Seuls quelques gentils journalistes isolés dans leurs bureaux parisiens croient encore qu’il s’agit de contester la réforme des retraites. "On passe à la vitesse supérieure", explique Philippe Martinez dans le JDD. J’observe qu’aucun média, curieusement, n’a commandé le moindre sondage demandant aux Français s’ils étaient pour ou contre l’idée de "mettre à genoux l’économie française" ! Un oubli ?

Ce qui me gêne dans la grève de mardi, ce n’est pas qu’elle vise à "mettre la France à l’arrêt" et "le plus longtemps possible", même si cela fait un mal de chien au pays dans cette période compliquée. Non, c’est l’objectif qui m’embête. Car, selon la quasi-totalité des organisateurs, il ne s’agit pas de trouver un autre moyen pour financer les retraites, mais plus concrètement de "renverser le capitalisme". Pardon, camarades syndiqués, mais pour le remplacer par quel système, exactement ?

Ce qui me frappe dans le débat sur les retraites, c’est l'obstination avec laquelle l’extrême gauche et les syndicats refusent de dire comment ils vont, eux, sauver le système actuel menacé par une dette géante et une démographie négative : 1) en augmentant les impôts ? 2) en baissant les pensions ? Ce silence est embêtant, car il laisse penser, par défaut, que la Nupes et la CGT comptent sur trois autres moyens : 1) bloquer les transports dans tout le pays, 2) expulser de France les milliardaires, 3) insulter Macron matin et soir. Or, il n'est pas sûr, franchement, que tout cela soit efficace – mais qui suis-je pour juger ?

Ce n’est pas un scoop : en politique, le niveau baisse. Les débats de haut vol,  les polémiques intelligentes et les performances oratoires ont fait place à la castagne, au chahut et à l’insulte de caniveau. Avez-vous entendu, hier, le patron de la CGT appeler à "couper l’électricité dans les châteaux des milliardaires" ? Et en écho les leaders de la Nupes, en meeting, exiger que "les milliardaires quittent le pays" ? Plus démago tu meurs. "Les aristocrates à la lanterne", en 2023, c’est le niveau zéro de la lutte des classes. Karl Marx doit s'en retourner dans sa tombe...

CGT (Confédération générale du Travail). Syndicat fondé en 1895. Partisan de la lutte des classes depuis 1906. Principal moyen d’action : la grève générale. Rallié au Parti communiste à la Libération, il fut longtemps le premier syndicat ouvrier de France. Son objectif principal reste le renversement de la société capitaliste. Aujourd’hui ultra-minoritaire, il réunit 2,6 % des travailleurs français (1 % des salariés du secteur privé), Son secrétaire général s’appelle Philippe Martinez (photo). Il s’illustre régulièrement, chaque automne, par des grèves dures dans le secteur public, notamment dans les transports (trains, métro, raffineries).

J’entends peu, dans les médias parisiens, ce principe de bon sens : que des gars qui gagnent 5.000 euros par mois se battent pour augmenter leurs salaires, c'est leur droit ; mais qu’ils prennent en otage les millions de gens qui ne gagneront jamais le tiers de ce chiffre et qui n'ont pas les moyens, eux, se mettre en grève – infirmières, retraités, ouvriers du bâtiment, livreurs, étudiants, petits commerçants – dont leur grève rend la vie insupportable, voire dramatique, c’est inacceptable. Comment peut-on justifier que dans une République, le droit de grève soit réservé aux riches ?

La CGT a donc pris position, hier, sur la situation en Ukraine. Je résume : la CGT est contre la guerre ; la CGT exige de la France qu'elle arrêté toute livraison d’armes aux "belligérants" ; la CGT considère que cette guerre est d’abord un conflit "impérialiste" qui profite aux Américains ; la CGT exige un cessez-le-feu "immédiat" ; la CGT est pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; la CGT est contre les sanctions internationales. Voilà. Les prolétaires ukrainiens apprécieront. Etonnez-vous que la CGT représente moins de 3 % des travailleurs français…

La dramatique désaffection envers les politiques est due, en premier lieu, au sentiment partagé par un nombre croissant de citoyens que leurs élus ne servent à rien. Exemple : le désagrément insupportable et inattendu de tous les parents qui, ce week-end, comptaient emmener tranquillement leur progéniture en vacances loin de Paris, vers l’Atlantique, à la campagne ou à la mer… et dont une grève brutale de la SNCF, déclenchée par des syndicats infinitésimaux, vient compliquer prodigieusement la vie. Mais que peuvent les politiques face à de tels débordements syndicaux ? La réponse est : rien.

Je commençais à m’inquiéter : la rentrée est là, et la CGT n’a pas lancé le moindre mot d’ordre de grève ? Je suis rassuré : Philippe Martinez vient de proposer à d’autres centrales syndicales d’extrême gauche une "grande mobilisation" pour le 5 octobre. Pour quels motifs ? On ne sait pas. On verra. En Allemagne, les syndicats diagnostiquent, discutent, exigent, et, s’ils ne sont pas écoutés, se mettent en grève. En France, on commence par bloquer les transports, voire toute l’économie, et ensuite on discute. Devinez pourquoi les syndicats sont forts en Allemagne et ultra-minoritaires en France ?

Sur les 90 plaintes judiciaires que des groupuscules d’extrême-gauche (comme la CGT) et des militants anticapitalistes (comme Bruno Gaccio) ont spectaculairement déposées, fin mars, contre le gouvernement, 9 ont abouti à déclencher, chez les juges, une action de déstabilisation dudit gouvernement, au pire moment de la crise du Covid 19. Perquisitionner à l’aube, sans prévenir, au domicile du ministre de la Santé qui lance justement ce jour-là un couvre-feu crucial contre la pandémie, c’est démolir à coup sûr la confiance populaire dont les dirigeants du pays ont besoin pour gérer une telle crise. Dans le mille ! Chapeau aux militants qui ont réussi un tel coup politique. Chapeau, vraiment.

Marx, le retour ! "Lutte des classes" et "convergence des luttes" sont les deux mantras de tous ceux qui veulent détruire la société capitaliste en montant les noirs contre les blancs, les femmes contre les hommes, les ouvriers contre les patrons, les gilets jaunes contre les flics, les écolos contre les libéraux, les homos contre les hétéros, etc. Tous ces militants sans mémoire se retrouvent autour du même mot d’ordre puisé dans un vieux fatras de slogans éculés datant du XIXe siècle : "Du passé faisons table rase !" Il est vrai qu’il est moins fatigant de rejeter le monde que de chercher à en comprendre les fondements pour mieux en corriger les excès…

Au secours, le "monde d’avant" revient ! Avant même de savoir ce que va faire le nouveau gouvernement sur le plan social, avant même de savoir ce que contiendra le plan de relance de la fin août, avant même de savoir ce qu’il en sera des nombreuses faillites d’entreprises et de l’accroissement vertigineux de la dette, la CGT appelle… à une grève générale le 17 septembre ! Motif (je cite son communiqué) : l’urgence de lutter contre "l’arsenal mis en place par le gouvernement pour détruire massivement les emplois, le droits des salariés et leurs conquis sociaux". Relisez cette phrase, méditez-la : franchement, elle en vaut la peine.

Les syndicats SNESUP, UNEF et CGT ont donc obtenu qu’un juge valide leur demande d’interdire, cette année, à la Sorbonne (Paris 1), les notes inférieures à 10, au motif qu’à l’heure du télétravail, un quart des étudiants de cette université ne sont pas en mesure de suivre les cours à cause de difficultés d’accès au numérique. Leur est-il arrivé de penser qu’en France, en 2020, un jeune homme de 21 ou 22 ans qui n’est pas fichu d’emprunter, louer ou utiliser un ordinateur... n’est peut-être pas fait pour poursuivre des études supérieures ? Un mien ami qui enseigne régulièrement au Niger, en Algérie et en Afghanistan me dit que ses étudiants, en apprenant cette histoire, sont morts de rire !