Le blog de Bernard Lecomte

La Russie continue de régresser, de façon pathétique, vers son passé mortifère. Lundi, c’est une énorme statue de Felix Dzerjinski qui a été solennellement inaugurée à Moscou – le même Dzerjinski dont les Russes avaient déboulonné la statue sous les applaudissements, place de la Loubianka, en août 1991. Glorifier ainsi le premier chef de la Tcheka, l’ancêtre du KGB et du FSB, qui instaura la "terreur révolutionnaire" qui allait faire des millions de morts, du Goulag aux procès de Moscou, c’est proprement terrifiant.

C’est devenu le poncif le plus éculé et le plus débile de la vie politique : qualifier d’ "extrême droite" une personne, ou un groupe, ou un journal, ou un argument. Cette façon infantile et obscurantiste de disqualifier un interlocuteur sans discuter ses arguments trahit, le plus souvent, une méconnaissance du sujet et une inculture désolante. J’écris ces lignes de mon coin de Bourgogne où le RN a obtenu 64 % des voix aux dernières législatives. Venez voir, l’ "extrême-droite", la vraie, nous, ici, on peut vous en parler !

Les Européens ont-ils remarqué que Dmitri Outkine, fondateur de la milice Wagner, mort en même temps que son ami Prigojine, a été enterré dans le "Panthéon des défenseurs de la patrie", à Mytichtchi, comme un héros national russe ? Or Outkine était un néo-nazi, un vrai, et pas seulement à cause de ses tatouages ostentatoires : un admirateur d’Hitler qui n’avait pas choisi le nom "Wagner" par hasard ! Ainsi va la Russie de Poutine, lequel a déclenché la guerre contre les Ukrainiens au prétexte... qu’ils sont néo-nazis !

Jacques Julliard nous a quittés. Il avait 90 ans. Je l’avais connu dans les années 1980, je crois qu’il m’aimait bien. Je lisais toutes ses chroniques, qui alliaient l’engagement, l’honnêteté, la connaissance et, surtout, le bon sens. Or, dans un monde médiatique de plus en plus clivant, violent et simpliste, faire preuve de culture et de bon sens est devenu un acte courageux. Julliard, grande conscience de la gauche d’hier, n’hésitait pas à fustiger la gauche d’aujourd’hui. Sa plume va manquer au débat public – ou à ce qu’il en reste.

Bon, on résume. L’idéal, dans une société libérale, c’est de s’habiller comme on veut. A condition de ne pas dissimuler son visage. Autre condition, propre à la France : ne pas faire de prosélytisme religieux (loi de 1905). D’où l’interdiction du voile islamique, qui est un signe religieux "ostentatoire" (loi de 2004). L’abaya, ce vêtement porté par des musulmanes, est clairement "ostentatoire", mais est-il religieux ? Son interdiction étant taxée de geste "islamophobe", la réponse est oui. Il faut donc le tolérer dans la rue, mais l’interdire à l’école. Rien n'est simple, en politique...

Le 29 août est parue dans la discrétion une étude de la Dress (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) où l’on apprend : 1) que le nombre de médecins généralistes en activité, en France, a encore baissé l’an dernier (500 départs pour un total de 99.500 praticiens) ; 2) que ce nombre va continuer à baisser dans les prochaines années, au moins jusqu’à 2027. Question : qu’ont fait les présidents, les premiers ministres et les ministres de la santé depuis quinze ans ? Cf mon premier blog là-dessus, publié en mai… 2012 !

Qui fait l’opinion aujourd’hui ? Voyez l’actualité du jour. Le livre où Nicolas Sarkozy explique doctement que les Ukrainiens n’ont pas vocation à entrer dans l’Union européenne s’est vendu à 21.000 exemplaires en une semaine, ce qui le place en n° 2 des ventes en France : c’est énorme, disent les gazettes. Lesquelles ont du mal à admettre que le moindre influenceur islamiste, sur TikTok, est applaudi par 600.000 abonnés quand il défend le port de l’abaya à l’école. Tout est relatif.

L’info est authentique. A la suite du récent sommet Russie-Afrique de Saint-Pétersbourg, une université de Sibérie a proposé d’accueillir des migrants africains dans des "afro-villages" pour compenser la chute démographique de cette région. Las ! C’est un tsunami d’insultes racistes qui a envahi les réseaux sociaux, venues de toute la Russie. Au point que le recteur de ladite université a pris une décision : les "afro-villages" n’accueilleront que des Africains… blancs. Quand on vous dit que la Russie est un pays un peu spécial !

Au Gabon comme au Niger, des putschistes en uniforme piétinent rageusement le suffrage universel. La démocratie, quelle blague ! Il est temps de comprendre qu'un peu partout le droit recule devant la force, et que le modèle européen est en sursis. Le désintérêt des partis politiques français pour l’actualité internationale est une faute collective gravissime, partagée par la plupart des médias. Comment peut-on parler jour et nuit de la question de l’immigration, par exemple, en se fichant de ce qui se passe hors de nos frontières ?

Ce qui me stupéfie, dans l’affaire Prigojine, c’est l’espèce de naturel avec lequel les Français prennent la chose. Ben oui, c’est la Russie, c’est comme ça, là-bas ! Que dirait-on, en France, si le président Macron faisait abattre au-dessus de Dijon l’avion ramenant Eric Ciotti de Paris à Nice, ce matin, sans que personne ne s’offusque de ce mode d’action politique ? Vladimir Poutine renvoie son pays au Moyen âge, et alors ? Le silence de ses admirateurs sur cette affaire, de Sarkozy à Mélenchon, de Le Pen à Royal, est assourdissant…

C’est beau, c’est grand, la politique ! L’actualité, depuis deux jours, c’est la façon dont Ségolène Royal, qui ne représente rien ni personne, s’est posée en tête de liste européenne des Insoumis, des écolos, des communistes et des socialistes, alors qu’aucun de ces partis ne veut d’elle, ni pour fédérer la gauche, ni pour quoi que ce soit. Partout des articles, des chroniques, des reportages. Alors que, franchement, dans les régions, sur le terrain, dans la réalité, personne, absolument personne ne s’intéresse à Ségolène Royal !

Qui a assassiné Evgueni Prigojine ? A priori, les "services" de l’armée russe (GRU), et pas forcément sur ordre de Poutine : c’est l’armée qui détestait le plus le patron de Wagner, dont elle voulait se venger à tout prix. Ou bien c’est le FSB (le successeur du KGB), auquel cas Poutine était forcément au courant, s'il n'a pas donné l'ordre lui-même. Dans les deux cas, l’événement rappelle que les quarante types qui dirigent cet Etat mafieux ont décidément des mœurs difficiles à comprendre par les observateurs européens !

Les Verts vont encore réussir à faire parler d’eux, demain, sans aborder le sujet de l’écologie ! Qu'importe le réchauffement climatique : à l'université d'été du parti EELV, on parlera d'islamisme et d'antisémitisme. Mais pourquoi ont-ils invité un rappeur sulfureux, connu pour ses débordements antisémites ? Le type s’en est encore pris récemment à l’éditorialiste juive Rachel Khan en la qualifiant de "resKhanpée" (sic) dans un tweet insupportable ! Est-ce vraiment avec de telles provocations qu’on va sauver la planète ?

On ne comprend rien à l’actualité russe si on ignore que Poutine, depuis son passage au KGB, croit réellement que tous les déboires rencontrés par son pays sont dus à l’action des services secrets américains : la chute du Mur de Berlin (1989), l’éclatement de l’URSS (1991), l’entrée des Baltes dans l’Otan (2004), le massacre de Beslan (2004), les manifs antirusses en Géorgie (2008), la révolution de Maïdan à Kiev (2014), la contestation des élections en Biélorussie (2020), tout a été fomenté par la CIA, tout ! Il le pense vraiment, et cette paranoïa très spécifique explique bien des choses…

Les éditeurs français ont un mal de chien à réduire leur production romanesque, dont le volume frise l’absurde depuis des années, noyant les œuvres majeures et les pépites inconnues dans un flot de romans très moyens. La rentrée littéraire de 2023 rassure un peu : d’ici octobre paraîtront seulement (!) 473 romans français et étrangers, dont 328 romans français, parmi lesquels 74 premiers romans. C’est un progrès, quand on sait qu’une partie non négligeable de ces romans n’atteindront jamais les rayonnages des libraires de province…

La rentrée politique pointe à l’horizon. Les médias piaffent d’impatience. D’autant que le récent remaniement ministériel va permettre aux chaines d’info de renouveler leurs invités. Marre d’entendre toujours les mêmes extrémistes de gauche et de droite faire le buzz avec des punchlines irresponsables ! Les journalistes vont pouvoir inviter des figures ministérielles comme Patricia Mirallès, Thomas Cazenave, Patrice Vergriete, Sonia Backès, Hervé Berville, Charlotte Caubel, Olivier Becht… Mais non, je déconne !

Hallucinante interview de Sarkozy dans le Fig-Mag. Je cite… "Les Russes sont des slaves : ils sont différents de nous" : ben… et les Polonais, les Tchèques, les Ukrainiens, ce ne sont pas des slaves ? "Nous avons refusé l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN pour ne pas laisser Poutine dériver vers une paranoïa anti-occidentale" : bravo, c’est réussi ! "La Crimée était russe jusqu’en 1954" : il a fumé quoi, Sarko ? "L'Ukraine ne doit entrer ni dans l’Union européenne, ni dans l’OTAN" : eh bien, Poutine va être content !

C’est la dernière actualité de ce mois d’août étouffant. Une jeune chanteuse à la mode, Juliette Armanet, a déclaré haut et fort qu’elle était "dégoûtée" (sic) par la chanson "Les lacs du Connemara" de Michel Sardou (écrite par Pierre Delanoe et Jacques Revaux), qu'elle trouve "immonde", "scoute", "sectaire" et "de droite". Bon sang, ça, c’est de l’engagement, façon Justine Triet au festival de Cannes, ou Corinne Masiero aux Césars. Allez, camarades, on monte au front de l’anticapitalisme et on crie bien fort, en regardant la caméra : "Sardou, caca !"

Voilà qui risque d’apporter encore un peu de confusion dans l’histoire de l’écologie. Tenez-vous bien : le parti EELV ("Europe Ecologie Les Verts") a décidé de changer son nom et de s'appeler désormais "Les Ecologistes". A la veille des élections européennes de 2024, ce parti renonce donc au mot "Europe", ce qui laisse un peu perplexes les professionnels de la communication. D’autant qu’un petit parti vert s’appelle déjà "Les Ecologistes", ce qui va brouiller l’image des écolos dans les médias pendant des mois. On ne va pas s'ennuyer, le jour où ces gens-là gouverneront la France !

Benjamin Franklin, Thomas Jefferson et George Washington doivent se retourner dans leurs tombes. En voyant, certes, que le favori pour les présidentielles de 2024 est un type qui piétine du matin au soir les principes établis par les "pères fondateurs" de la démocratie américaine. Mais aussi en voyant que le candidat républicain qui remplacerait Trump au cas où, le gouverneur Ron DeSantis, vient d’interdire dans tous les collèges et lycées de Floride l’étude des œuvres de Shakespeare, parce que trop "sexuelles" ! Au secours !