Le blog de Bernard Lecomte

Ségolène candidate, super, c’est une jolie femme, c'est bon pour l'audimat, mais cela fait un peu rediff. Elle risque de lasser. Heureusement, les médias ont trouvé un nouveau feuilleton quotidien, fédérateur et populaire, façon Amour, gloire et beauté, qui va durer plus d’un an : Strauss-Kahn, le retour ou pas le retour ? J’aime bien la boutade d’Alain Madelin : DSK n’a besoin de se présenter aux présidentielles pour diriger la France, puisque le PS, s’il est vainqueur en 2012, mettra l’économie française, en quelques semaines, au niveau de la Grèce ou de l’Irlande – et que le FMI, en catastrophe, prendra la direction des opérations !

Cette fois, ça craint. Le site WikiLeaks, en révélant sur internet toutes les communications secrètes de la diplomatie américaine, fait courir le risque de plusieurs guerres, notamment au Proche Orient, et met donc en jeu la vie de millions de vies humaines. Enfoncé, Ben Laden ! De même, le footballeur Eric Cantona invite tous les usagers des banques à faire sauter d’un seul coup, le 7 décembre, le système bancaire français en retirant leurs avoirs. Ridiculisé, Besancenot ! Nous entrons dans l’ère de l’irresponsabilité sans fond, mondiale, universelle et apocalyptique. Manquerait plus, tiens, que le PS applique en 2012 son programme sur l’ "égalité réelle" !

Pour une surprise, c’est une surprise ! C’était la Une des JT d’hier, c’est en Une des quotidiens ce matin. Les journalistes sont décoiffés, bouleversés par une nouvelle aussi sidérante. Si vous n’avez pas écouté les infos depuis hier, tenez-vous bien : Ségolène Royal est candidate à la présidence de la République ! Si ! Il faut reconnaître que personne ne s’y attendait. Martine Aubry, François Hollande et les 10 ou 12 autres dirigeants du PS candidats à la candidature pensaient tous, évidemment, bien sûr, qu’après avoir frôlé l’élection en 2007, Ségolène, à son âge, allait se ranger des voitures et se mettre au tricot, pépère, en Poitou-Charentes ! 

Incident révélateur, hier, aux "Semaines sociales", où le très estimable Henri Guaino s'est fait huer – fait rarissime dans ce cadre. Le conseiller de Sarko, vedette d'une table ronde sur l’immigration, est arrivé avec 15 mn de retard, faisant attendre 4 000 responsables cathos ayant planché sur le sujet pendant deux jours, impatients de l’entendre sur le discours de Grenoble, les roms, la burqa, etc. Propulsé au micro, Guaino n'a pas "senti" son auditoire auquel il a lu un discours à la Victor Hugo, excellent mais complètement à côté de la plaque. La salle grogne, l’orateur se drape dans sa "sincérité", et c’est le clash. Guaino a raté une belle occasion de rabibocher 4.000 militants catholiques avec son patron… 

Quelques chiffres glanés pendant les "Semaines Sociales" sur l’immigration. D’abord, par rapport aux millions de gens qui traversent tous les jours les frontières, les migrants au sens propre sont 1 sur 400. Ensuite, 96 % de la population mondiale n’a jamais migré : l’immigration ne concerne que 3 % des habitants de la terre. En France, il y a 5 millions d’immigrés, dont 2 millions sont devenus français. Cela représente 8 % de la population. Un français sur 4 a au moins un grand parent né à l’étranger. Enfin, quand on sonde les Français sur leurs préoccupations principales, on trouve : le chômage (60 %), la pauvreté (48 %), la crise économique (44%), l’immigration arrivant loin derrière avec 7 % des réponses.

Il est toujours impressionnant de parler devant 3.500 personnes. Comme chaque année, j’ai eu ce privilège en "restituant" devant les participants aux Semaines sociales de France, ce samedi, la première journée de leurs travaux sur le thème des "migrants". L’exercice permet de mesurer à quel point, sur ce sujet brûlant, le choix des mots et le respect des faits sont nécessaires. Le simplisme et l’amalgame qui brouillent la réalité du problème – y compris dans ses aspects les plus redoutables – font le jeu des politiques, de Mitterrand à Sarkozy, qui l’utilisent à des fins électorales, et aux islamistes, qui se prétendent d’autant plus incompris et rejetés par le pays d’accueil.

 La Bourgogne touristique et patrimoniale, dont les paysages sont une richesse inestimable, avait bien résisté, jusque-là, aux vendeurs d’éoliennes. Mais les entreprises allemandes ou danoises qui profitent des incroyables conditions que leur ménage EDF, méticuleusement, irrépressiblement, ont poursuivi et affiné leurs pressions sur les élus locaux. Rien que dans l’Yonne, les projets avancent du côté de Joux-la-Ville (27 éoliennes), Châtel-Gérard (11), Charmoy (10), entre Moulins-en-Tonnerrois et Ancy-le-Franc (12), et même en Puisaye, entre Ouanne et Merry-Sec (14). Tous ces endroits ne sont pas somptueux, je l’admets, mais vous vous rendez compte, globalement, de la catastrophe ?

Lu dans L’Yonne Républicaine ce titre terrible, désespérant, qui m’a cassé le moral : WILLIAM NE SERA PAS LE NOUVEAU MICHAEL JACKSON. Le jeune William Quatresol, un gamin de 18 ans habitant le village de Saligny, dans l’Yonne, qui était pourtant soutenu par 26 fans de chez lui, n’a pas remporté la finale du concours télévisé organisé par la chaîne W9. Que voilà une opportunité ratée ! C’est vrai, quand on pense à ce que fut Michael Jackson, on mesure le gâchis. Mais peut-être le jeune homme pourra-t-il prétendre, sur une autre chaîne, à devenir le nouveau Napoléon ? Ou le nouveau Mozart ? Ou le nouveau Jésus Christ ?

C’est l’effet karcher d’un remaniement : tous les sujets en suspens sont effacés, hop, on passe à autre chose ! Ainsi, plus personne ne parle du rapport du député Le Fur sur les missions inutiles, les bugs et autres absurdités de l’administration préfectorale. Quid de l’application Chorus, ce nouveau logiciel si performant qui, à Marseille, a décuplé le nombre des agents chargés des crédits des préfectures ? Quid du service qui fait obligation aux maires de déclarer les chiens dangereux signalés sur leurs communes, mais dont les agents ne comptabilisent pas les disparitions ou décès desdits chiens dangereux ? C’est pourtant bien plus rigolo que le dossier Karachi !

Qu’Audrey Pulvar, compagne d’Arnaud Montebourg, cesse ses interviews politiques sur I-Télé, c’est plutôt sain. Que n’aurait-on dit, ces dernières semaines, si Béatrice Schönberg, épouse Borloo, avait continué de présenter le JT sur France 2 ! Comment Valérie Trierweiler, qui partage la vie de François Hollande, peut-elle continuer d’interviewer, sur Direct 8, des dirigeants du PS ? Dans une démocratie écorchée et suspicieuse comme la nôtre, dans laquelle un Montebourg ou un Hollande dénoncent légitimement délits d’initiés et conflits d’intérêt, les journalistes doivent montrer l’exemple. Qu’on se rappelle Christine Ockrent et Anne Sinclair interviewant naguère avec respect François Mitterrand, le propre patron de leurs ministres de maris !

Retour sur la volonté de supprimer les notes à l'école, car elle est emblématique d’un clivage idéologique fondamental. Au fond, c'est une vieille lune égalitaire que de vouloir abroger toute différence entre un homme et une femme, un père et une mère, un hétéro et un homo, un blanc et un noir, et aussi, bien sûr, entre un bon et un mauvais élève. Déstructurons, camarades ! Sus aux repères, aux valeurs, aux genres, aux signes distinctifs ! Sus à tous ces réacs, limite fachos, qui pensent que c’est la différence qui fait la richesse d’une culture, la santé d’une civilisation et la beauté de l’humanité !

Ce que le pape vient de dire sur le préservatif n’étonnera qu’à moitié ceux qui ont lu Pourquoi le pape a mauvaise presse (pages 159-160). Le pape ne pouvait pas continuer à tenir le langage de l’idéal sans prendre en compte le drame du sida. Les évêques, depuis longtemps, nuançaient la doctrine qui veut que ce n’est pas à l’homme de décider de la vie et de la mort, que l’amour doit être un don total et absolu : "Si vous ne pouvez pas vous contenir, disait Lustiger, alors mettez-le !" Benoît XVI va plus loin en disant que le préservatif, parfois, peut même  "responsabiliser" certains individus. Tant il est vrai que son discours est d’abord celui d’une sexualité responsable. Désormais, on l’entendra mieux.

Mai 68, le retour ! Pour mieux lutter contre la "sélection" et l' "élitisme", voilà que revient la vieille revendication gauchiste exigeant la suppression de la notation des élèves à l’école primaire ! Un demi-siècle a passé, tout le monde s’accorde pour dénoncer notre société "sans repères", mais quelques soixante-huitards attardés ne supportent toujours pas cette habitude de noter les copies de 0 à 20. Il est vrai que supprimer l’évaluation de nos chères têtes blondes, c’est supprimer d’un coup l’échec scolaire, et pour pas un rond ! Hop ! En attendant l’avènement de ce futur pas si lointain où tous les élèves arriveront au bac sans savoir l’orthographe, tous, à égalité !

Qu’est-ce qu’ils prennent, depuis lundi, les trois interviewers de Sarko ! Il faut dire que le premier président "enfant de la télé", conseillé par une armée de "fils de pub", a roulé dans la farine les trois principaux présentateurs du PAF ! Trônant derrière un vrai plateau télé inspiré de celui de TF1, Sarko a réalisé son rêve, qui n’était pas de diriger la France, en réalité, mais de présenter le 20 heures. Le modèle de Sarko, ce n’est pas Jaurès ou De Gaulle, c’est PPDA. Il a donc "invité" à son propre JT, à l’heure du journal du soir, les trois présentateurs vedettes ravalé au rang de "commentateurs" pour leur dire : c’est vrai, vous avez plus de pouvoir que moi, mais à votre propre jeu, c'est quand même moi le meilleur !

Plutôt rigolo, le sujet du site Rue 89 sur les dîners huppés du "Siècle" ! Que PPDA, Michel Field, Sylvie Pierre-Brossolette, Laurent Joffrin, Serge July, Arlette Chabot, David Pujadas ou Michèle Cotta dînent en grand tralala, une fois par mois, avec des ministres, des banquiers et des grands patrons, ce ne serait pas scandaleux… si la règle du secret absolu ne présidait pas à ces dîners mondains, ce qui est quand même gênant pour des journalistes ! Surtout quand ceux-ci vont ensuite accuser de collusion, à leurs micros, le moindre responsable public dont la femme conseille un banquier ou un pdg !

Le remaniement n’est pas digéré que les médias, incorrigibles, reprennent leur ridicule course de petits chevaux. Dans Marianne, six colonnes sur "Fillon meilleur que Sarkozy en 2012" avec un sondage "exclusif" (!) donnant Fillon-Aubry à 51%-49% et Sarkozy-Aubry à 49%-51%. Marre de ces enfantillages si peu journalistiques : d’abord, 18 mois avant l’élection, un si petit écart n’a rigoureusement aucun sens ; ensuite, les estimations pour le second tour, c’est du pipeau ; enfin, tout le monde sait aujourd’hui qu’un sondage réalisé "en ligne" auprès de 910 internautes selon la méthode des quotas, cela n’a absolument aucune valeur ! 

La Bourgogne avait déjà Lamartine, Romain Rolland, Jules Renard, Jacques Lacarrière et autres Henri Vincenot. Dans ma petite région de Puisaye sont nés Pierre Larousse, à Toucy, et Colette, à Saint-Sauveur. Bon. Pas de quoi être dérangé dans mon propre canton de Charny, planqué entre ailleurs et nulle part. Sauf que ledit canton compte désormais un prix Goncourt ! Figurez-vous que Michel Houellebecq, qui s’appelait alors Michel Thomas, a habité à Dicy, au 6 de la rue de Montargis, chez sa grand’mère Henriette, née… Houellebecq ! La carte, c’est l’IGN 2519-Est au 1/25.000ème. Le territoire, c’est le mien. 

Depuis presque deux siècles, disait René Rémond, la droite française est composée de bonapartistes, de légitimistes et d’orléanistes. En évacuant la troisième tendance (les libéraux, les radicaux et les démocrates-chrétiens) sur laquelle reposait sa majorité, notre très pragmatique président rejette cet héritage. On n’est plus au XXè siècle ! La culture SMS et la gouvernance médiatique ne s’embarrassent pas de ces lointaines contingences. Mais peut-on diriger la France au mépris de son histoire, en se contentant d’un soupçon de Napoléon, d’une référence à Jaurès, d'un relent de colonialisme, d’un zeste de Latran, de deux louches de De Gaulle et d'un poil de Guy Môquet ?

Que dire, à chaud, de la composition du nouveau gouvernement Fillon ? Que ce remaniement un peu bizarre profite d’abord aux dirigeants UMP issus du RPR (Juppé, Alliot-Marie, Bertrand, Ollier, Morano, Lefèvre, etc). Il fait la part de toutes les tendances néo-gaullistes : les séguinistes, les chiraquiens et les villepinistes. Le problème, c’est que les UMP "non RPR", les ex-UDF, se retrouvent majoritairement dehors (Borloo, Bussereau, Morin, Novelli, Létard, Daubresse, auxquels il faut ajouter Longuet). A dix-huit mois d’une campagne présidentielle qui va se jouer au centre, c’est un peu étrange, non ?

Si j’étais la droite, je ne me réjouirais pas des divisions de la gauche. Car les responsables du PS ne feront qu’un, à partir de la rentrée de septembre 2011, toutes divergences avalées, pour une raison simple : ils veulent TOUS gagner la présidentielle de 2012, et tant pis s’il faut rallier DSK ou Hollande ou Royal ou ma sœur. Cette génération de jeunes sexagénaires a tout juste goûté, sur la fin de l’ère Mitterrand, aux délices du pouvoir, et en cas d’échec en 2012, ils seraient condamnés, tous, à rester dans l’opposition jusqu’à 67, 70 ou 72 ans - perspective absolument, totalement, radicalement insupportable !