Le blog de Bernard Lecomte

Un an après l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, une idée commence à poindre dans l’opinion. Cette guerre aussi absurde que meurtrière n’est-elle pas en train de chambouler l’ordre mondial, et pas seulement la carte de l’Europe ? Trois décennies après la chute du Mur, l’affaire ukrainienne aura fait prendre conscience aux Occidentaux qu’ils ne sont plus le centre du monde, et que la démocratie libérale n’est plus le rêve des pays émergents. La force, sur terre, va-t-elle supplanter le droit ? Un sacré enjeu….

Le débat sur les retraites confirme tristement les cinq principales mutations de notre vie politique : (1) L’amateurisme flagrant de la nouvelle génération de dirigeants français, tous partis confondus. (2) L’inculture abyssale, notamment en économie, d’une grande partie des élus de la République. (3) Le simplisme démago, souvent racoleur, où se complaisent la plupart des grands médias. (4) La pression exorbitante des minorités, et pas seulement sur les réseaux sociaux. (5) Le désintérêt croissant de la population pour la politique. Pas de quoi se réjouir.

Difficile de ne pas voir une stratégie politique se profiler derrière la vulgarité militante et l’inculture assumée des députés LFI. Certes, ces nouveaux élus venus de nulle part, outre qu’ils n’auraient jamais imaginé gagner autant d’argent de leur vie, sont grisés par les retombées médiatiques que leur vaut la moindre insanité proférée devant une caméra. Mais leur ambition "révolutionnaire", aussi sommaire que préhistorique, les pousse à miner nos institutions républicaines, en espérant les faire exploser un jour. Et qui dit qu’ils n’y parviendront pas ?

Les Européens ont-ils bien entendu le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, l’autre soir, sur la chaîne Rossia 24 ? Tranquillement, clairement, posément, le ministre a expliqué qu'après avoir vaincu l'Ukraine, la Russie envahirait ensuite la Moldavie – ce petit pays ex-soviétique voisin de la Roumanie qui, lui aussi, a préféré rejoindre la cvilisation européenne plutôt que de subir, directement ou non, le joug russe. Inutile de préciser, tellement c’est évident, qu’après la Moldavie, la Russie tentera de reconquérir les Pays baltes. La question étant : ...et ensuite ?

La sale guerre menée par Vladimir Poutine contre la nation ukrainienne n’a pas fini d’écœurer ceux qui l’observent de près. Lorsque l’armée russe contrôlait Kherson, les "autorités" ont proposé aux enfants du coin d’aller respirer un peu dans des colonies de vacances. On sait aujourd’hui que c’était une ruse. Des milliers d’enfants ukrainiens, pas du tout orphelins, ont ainsi été déportés en Sibérie, où ils ont été "adoptés" par des familles d’accueil chargées d’en faire de parfaits petits Russes. Si cela n’est pas un crime contre l’humanité, qu’est-ce que c’est ?

A l’université de Groningen, aux Pays-Bas, un jeune metteur en scène irlandais devait monter En attendant Godot, la célébrissime pièce de Samuel Beckett. Mais la direction de l’université a mis son veto. Motif : les cinq rôles de la pièce sont masculins, et joués, naturellement, par des hommes, comme le voulait l'auteur. Celui-ci n’avait pas prévu qu'il serait un jour interdit par des militants LGBT. Censuré, Beckett ! Pas de femme sur scène, pas de Godot ! Ce pourrait être un gag, une provoc absurde, une bêtise de néo-féministes incultes. C’est, hélas, bien plus grave : et si Poutine avait raison ?

Quoi de plus utile que l’histoire pour décrypter l’actualité en Ukraine ? Qui se souvient de la décision d’Hitler de remilitariser la Rhénanie, le 7 mars 1936, au mépris du droit international, et notamment du traité de Versailles ? A la stupéfaction générale, ni la France ni la Royaume Uni, les deux superpuissances de l’époque, n’ont réagi. Encouragé par cette démission, Hitler a tranquillement annexé l’Autriche (mars 1938), puis les Sudètes (août 1938), avant de signer, la bouche en cœur, les accords de Munich (septembre 1938). Faut-il rappeler aux pacifistes d’aujourd’hui la suite de ce fatal engrenage ?

Bon, je résume en quatre points, mot pour mot, les deux derniers discours de Poutine. (1) Les pays de l’Otan ont commencé la conquête militaire de l’Ukraine, territoire historiquement russe, ce qui nous force à réagir. (2) Comme au temps d'Hitler, l'objectif des Européens, et surtout des Allemands, est d'exterminer la Russie en pratiquant une nouvelle "solution finale". (3) Comme à Stalingrad, nous allons héroïquement repousser tous ces agresseurs nazis, quel qu'en soit le prix en vies humaines. (4) S’il le faut, pour sauver notre peau, nous utiliserons l’arme nucléaire. Voilà. Je n'ai rien oublié d'essentiel ?

Il y a des publicités désolantes. Au propre et au figuré. Ainsi, la pub TV qui montre tous les joyeux moments de la vie où l’on trinque : "A ta santé !" Fête, complicité, anniversaire, famille, tendresse, humour : que du bonheur ! Et le bonheur, ça s’arrose, à deux ou à plusieurs ! Tchin ! Sauf qu’à la fin, une inconnue à la voix sévère explique que tout cela – la vie, la joie, l’amitié – mène directement au cancer, à l’accident cardiaque, à l’horreur, au désespoir et à la mort. Fin du clip. Je me demande si les gens qui ont conçu cette pub n’ont pas besoin, eux, en urgence, d’être soignés…

Qu’est-ce qu’un riche ? "Un salarié qui gagne 4.000 euros par mois", avait dit Hollande en 2007. Selon l’Observatoire des inégalités, on est riche quand on gagne, après impôts, plus de 3.673 euros par mois (5.511 euros pour un couple). Je rigole, car cela inclut, et largement, tous les députés LFI, EELV, PCF et RN qui passent leur temps à exiger qu’on fasse "payer les riches" ! Tout dépend du point de vue. La vérité c’est qu’on est toujours le riche de quelqu’un. Pour un Français moyen, un riche, en réalité, c’est quelqu'un qui gagne plus que lui…

Ce qui me frappe dans le débat sur les retraites, c’est l'obstination avec laquelle l’extrême gauche et les syndicats refusent de dire comment ils vont, eux, sauver le système actuel menacé par une dette géante et une démographie négative : 1) en augmentant les impôts ? 2) en baissant les pensions ? Ce silence est embêtant, car il laisse penser, par défaut, que la Nupes et la CGT comptent sur trois autres moyens : 1) bloquer les transports dans tout le pays, 2) expulser de France les milliardaires, 3) insulter Macron matin et soir. Or, il n'est pas sûr, franchement, que tout cela soit efficace – mais qui suis-je pour juger ?

Là où Vladimir Poutine montre qu’il n’est pas très intelligent, c’est quand il répète jour et nuit que les Européens, en particulier les Allemands, sont d’authentiques "nazis" qui veulent "exterminer" les Russes en leur appliquant la "solution finale". En développant à l'envi cette paranoïa déconcertante, Il donne lui-même à la guerre qu'il mène en Ukraine la dimension qui lui manquait pour s’inscrire dans la folle histoire du nazisme – et pour que les historiens, demain, puissent raisonnablement comparer Poutine à Hitler.

La décision des Occidentaux de livrer des chars lourds aux Ukrainiens relance le débat sur l’ "escalade" du conflit. On voit revenir, à la télé, quelques stratèges ambigus, militants antiaméricains, penseurs anticonformistes et autres provocateurs médiatiques qui conseilleraient volontiers à l’Ukraine de cesser de se défendre et d’abandonner tout ou partie de son territoire à Vladimir Poutine. Osera-t-on rappeler à ces pacifistes qu’il y a un moyen très simple de mettre fin à cette guerre meurtrière : c’est que les soldats russes rentrent chez eux ! Est-ce si compliqué à comprendre ?

La vraie menace qui pèse sur la glorieuse Russie, ce n’est pas l’Otan, ce sont... les homosexuels ! A la télé russe, c’est un déferlement de haine contre ces homos "dégénérés" que 38 % des Russes considèrent "avec crainte ou avec dégoût" - selon le correspondant du Figaro. Poutine, le 5 décembre, a sévèrement durci la législation réprimant l’homosexualité (exhibitionnisme, promotion, mauvaises lectures, etc). Ce n’est pas une blague, hélas : si les jeunes Russes doivent aller bravement mourir en Ukraine, figurez-vous, c’est parce que l’Occident "pourri" veut les convertir de force à l’homosexualité !

Les Français, c’est bien connu, sont nuls en économie. C’est pour cela, sans doute, qu’ils se désintéressent de certains chiffres. Dans les débats actuels, j’entends peu évoquer le niveau que la dette publique va atteindre en ce premier trimestre 2023 : 3.000 milliards d’euros, soit 113,2 % du PIB. Pires que nous en Europe, y a pas – sauf l’Italie et la Grèce.  Et cela ne devrait pas s’arranger au fil du choc énergétique. Mais "au diable l’avarice et les avaricieux", comme disait Molière : nos enfants et nos petits-enfants rembourseront ! Chaque nouveau bébé, en France, naît avec 50.000 euros de dette. Heureusement qu'il sera, lui aussi, nul en économie...

Cela faisait des décennies que les journalistes rêvaient d’un comptage objectif lors des grandes manifs parisiennes, les organisateurs ayant pris l’habitude de multiplier par dix, voire davantage, le nombre de participants. Plus de 80 médias et non des moindres (Le Monde, Libération) se fient désormais au cabinet Occurrence, propriété de l’IFOP, qui a compté, ce samedi, 14.045 participants à la manif des jeunes de LFI. Jean-Luc Mélenchon hurle : "Nous étions 150.000 !!! C'est une manipulation de Macron !!!" Mais pourquoi diable Mélenchon n’attaque-t-il pas Occurrence en justice ? A votre avis ?

Il y a des chiffres qui remontent un peu le moral. En 2022, plus d’un million d’entreprises ont été créées en France, ce qui est, selon les économistes, une progression notable par rapport aux dix années précédentes. Parmi cette flopée de nouveaux créateurs d’entreprise, 61 % sont des jeunes ou des moins jeunes qui se lancent dans la microentreprise (services, commerce, transport, coaching, etc). L’intérêt de ces nouveaux entrepreneurs, apparemment, c’est : la liberté et l’indépendance. La retraite à 60 ans, curieusement, ne figure pas dans la liste des motivations de cette partie de la jeunesse...

Le débat sur les retraites, apparemment, a relancé le concours d’inepties dans les médias. Les jeux sont ouverts. Et Sandrine Rousseau, députée EELV, n’a qu’à bien se tenir, même si elle tient la corde avec son déjà célèbre "2.500 études prouvent que le travail pollue". Ecoutez Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l'Assemblée : "Avec Macron, après le travail, c’est soit le cimetière, soit la misère". Ecoutez Marine Tondelier, présidente de EELV : "Nous voulons une France sans milliardaires !" Une championne, celle-là ! [photo ci-contre] C’est elle qui a prévenu tout le monde : "Ça va être la ZAD à l'Assemblée". On a hâte.

Avez-vous entendu le ministre russe des Affaire étrangères, le très distingué Serguei Lavrov, déclarer sans rire que les Européens, "comme ils l’ont déjà fait sous la conduite de Napoléon puis d’Hitler", veulent "conquérir la Russie" et lui appliquer la "solution finale" ? La solution finale !!! Monstrueux ? Débile ? Absurde ? Depuis onze mois, Poutine et ses sbires, tout en bombardant l’Ukraine jour et nuit, expliquent ainsi à leur peuple qu’ils sont attaqués par les nazis ukrainiens, bras armé de l’Otan, etc, etc. Et le pire, c'est qu'une majorité de Russes, lobotomisés par des années d'agitprop, avalent toutes ces inepties !

Ce n’est pas un scoop : en politique, le niveau baisse. Les débats de haut vol,  les polémiques intelligentes et les performances oratoires ont fait place à la castagne, au chahut et à l’insulte de caniveau. Avez-vous entendu, hier, le patron de la CGT appeler à "couper l’électricité dans les châteaux des milliardaires" ? Et en écho les leaders de la Nupes, en meeting, exiger que "les milliardaires quittent le pays" ? Plus démago tu meurs. "Les aristocrates à la lanterne", en 2023, c’est le niveau zéro de la lutte des classes. Karl Marx doit s'en retourner dans sa tombe...