Le blog de Bernard Lecomte

Il ne s’est rien passé à Moscou samedi. Vladimir Poutine vous l’a bien dit, ce matin : personne ne sera poursuivi pour trahison, tout va bien en Russie ! Evgueni Prigojine vous l’a confirmé : il n’a jamais voulu faire de putsch, et tout va pour le mieux. En Ukraine, la guerre continue comme avant. La presse russe confirme, les chancelleries étrangères aussi. Un peu de chahut politique, allez, c’est déjà oublié. Quant à la population, elle n'a rien vu, elle est comme son armée : elle attend de savoir à qui elle obéira demain. A l’est, rien de nouveau…

Quand Prigojine annonce qu’il n’ira pas jusqu’à Moscou pour éviter "un bain de sang", il faut le croire. "Verser le sang" (пролить кровь), c’est la chose que le peuple russe, depuis la nuit des temps, ne pardonne pas. Demandez à Nicolas II, devenu le "tsar sanglant" en 1905. Demandez au chef du KGB Krioutchkov, qui arrêta le putsch pour ne pas tirer dans la foule en 1991. Demandez au général Routskoï, l’insurgé de la Maison blanche en 1993. Oui, je sais, cela peut sembler irrationnel dans une société aussi violente que la société russe, mais c’est ainsi. On peut tout faire, mais pas "verser le sang".

Quand Poutine a massé son armée aux frontières de l’Ukraine, on a dit : "Les Russes ne sont pas des barbares, ils ne vont quand même pas aller bombarder Kiev !". Quand ils ont miné le barrage de Kakhovka, on a dit : "Les Russes ne sont pas des barbares, ils ne vont pas inonder tout le sud du Dniepr !" Aujourd’hui, les soldats de Poutine ont miné la centrale nucléaire de Zaporijia, et on entend les mêmes dire : "Les Russes ne sont pas des barbares, ils ne feront pas une chose pareille !" Y a un moment, hélas, où il va bien falloir appeler les Russes par leur nom…

Plongé dans les Mémoires d’Edouard Chevardnadzé, ministre et ami de Mikhaïl Gorbatchev, fer de lance de la perestroïka de 1985 à 1990. Fasciné de lire qu’il avait prévu le putsch des conservateurs en entendant ceux-ci lui reprocher vivement, lors de la réunification allemande : d’avoir rapproché de la Russie la frontière orientale de l’OTAN (déjà) ; d’avoir trahi la mémoire des vainqueurs du nazisme (déjà). Il faut toujours remettre les choses en perspective : si Vladimir Poutine faisait demain en Russie un référendum en faveur de la reconstruction du Mur de Berlin, il le gagnerait.

Richard Ferrand, vous vous rappelez ? Non ? Avant d’être battu aux législatives de 2022, cet homme-là, proche de Macron, a présidé un temps l’Assemblée nationale. Et si on lit attentivement son interview dans le Figaro de ce matin, il piaffe de revenir dans la lumière. Une belle photo de lui sur fond de livres anciens illustre le long article. Sauf que ce ne sont pas des livres, mais un vulgaire papier peint ! Voilà où est tombée la vie politique : ce gars-là veut être premier ministre, mais les livres dont il s'entoure sont faux. Quel symbole !

Comment voulez-vous que les jeunes s’y retrouvent ? Voilà que les nouveaux écolos anticapitalistes, en exigeant l’arrêt du tunnel Lyon-Turin, se prononcent pour l’encombrement total des routes des Alpes par des milliers de camions pollueurs. Ce sont les mêmes qui saccagent les serres expérimentales de maraîchers nantais qui travaillent sur le réchauffement climatique. Les mêmes qui soutiennent les multinationales allemandes ou danoises qui dégradent à coup d’éoliennes monstrueuses les derniers paysages sauvegardés de la campagne française. L’idéologie, voilà l’ennemi !

Avec effroi, je lis dans mon journal qu’au nom de cette étrange idéologie woke venue des USA qui prône la non-discrimination des LGBTQIAAP+, des militants proches des écolos imposent désormais aux examens de certaines universités (comme Lyon-2), une écriture originale et confuse, très élitiste, dite "non binaire", pleine de points médians, de "mix", de "iel", de "touz", de "aelle" et d’ "autrim" à des étudiants déconcertés qui, même bigenres ou post-binaires, avaient déjà beaucoup de mal avec la règle d'accord du participe passé...

La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine a ressoudé l’Europe et réveillé l’Otan. Elle ne doit pourtant pas faire oublier le triple aveuglement dont les Occidentaux ont fait preuve en amont de ce conflit. 1) Dans les années 1996-2000, ils n’ont pas vu la Russie de Boris Eltsine se transformer en un Etat mafieux. 2) En février 2007, ils n’ont pas entendu Vladimir Poutine, à la conférence de Munich, déclarer ouvertement la guerre à l’Occident. 3) En février 2014, ils ont choisi de ne pas réagir quand le même Poutine a annexé la Crimée et mis le feu au Donbass. Il faudra, un jour, revenir sur tout cela…

Il n’y a pas que les éoliennes qui progressent, dans l’Yonne. Les loups, aussi, gagnent du terrain. Ils ont atteint la ville de Noyers-sur-Serein, bien connue des touristes et des téléspectateurs fans de "Une Famille formidable". Les éleveurs locaux sont furibards. Même si une réglementation préfectorale très bureaucratique va leur permettre de toucher 13.000 euros chacun pour organiser – sans grand espoir de succès – la lutte contre les loups : chiens spéciaux, clôtures électriques, bergers de nuit, etc. Question : cela va nous faire l’épaule de mouton à combien, cette année ?

Dès que les Chinois ont froncé les sourcils en condamnant la destruction du barrage de Kakhovka, Poutine s’est empressé de dénoncer publiquement cet "acte barbare" (sic). Les Occidentaux ont toujours autant de mal à admettre que Vladimir Poutine se contrefiche à ce point de la vérité et du droit. On a des dizaines d’exemples, depuis l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, de cette façon déconcertante de retourner les mots comme des gants, contre toutes les évidences. Les "barbares", les "néonazis", les "criminels de guerre", les "terroristes", en Russie, ce sont les Occidentaux, les Européens, les Français, vous et moi, est-ce clair ?

Pour contrecarrer la contre-offensive que va lancer l’Ukraine contre l’occupant russe, le Kremlin a réussi à rendre le Dniepr infranchissable sur toute sa partie sud en faisant sauter le barrage de Kakhovka. Que l'opération condamne des dizaines de milliers de civils à être évacués, qu'elle soit un écocide insensé comme il y en a eu peu dans l’histoire, qu’elle fasse courir un risque majeur à la centrale nucléaire de Zaporijia, tout cela n’a aucune importance aux yeux de Vladimir Poutine, qui n’en est pas à son premier crime de guerre. Et qui confirme, au passage, qu’il n’a aucunement l’intention de négocier quoi que ce soit…

L’élection de Sylviane Agacinski à l’Académie française est une bonne nouvelle. L’épouse de Lionel Jospin est une femme remarquable : intelligente, drôle, cultivée et, surtout, courageuse. Il fallait être gonflée, pour une féministe engagée, de contester la loi Taubira au nom du "droit de l’enfant à avoir un père et une mère" (elle s’est fait interdire de conférence à Bordeaux pour cela). Opposée à la PMA et à la GPA, la nouvelle académicienne combat, depuis toujours, le fameuse théorème de Simone de Beauvoir : "On ne naît pas femme, on le devient". Penser contre toutes les modes, de nos jours, ce n'est pas courant.

Voilà une photo incroyable qui, normalement, devrait figurer demain dans les livres d’histoire. Ces 46 chefs d’Etat et de gouvernement réunis jeudi à Chisinau, en Moldavie (sur le territoire de l’ex-URSS) pour le premier sommet de la Communauté politique européenne, accueillant chaleureusement leur collègue européen Volodymyr Zelenski ! Oui, certes, certains pays du sud ménagent encore la Russie, mais les 46 pays qui composent notre vieux continent bimillénaire sont unanimes pour condamner Poutine à devenir un paria. L’Europe, la vraie, n’est pas morte : elle bouge encore !

Après l’appel de l'ancienne ministre Roselyne Bachelot à détruire les petites églises de nos campagnes qui ne servent plus à rien, voici que l’écolo Eric Piolle, maire de Grenoble, appelle à supprimer les fêtes religieuses du calendrier (Noël, Pâques, Pentecôte, tout ça) et les remplacer par des fêtes "laïques" (Révolution française, Commune, personnes LGBT). On s’étonne que ces gens qui haïssent à ce point l’histoire de France ne pétitionnent pas, dans la foulée, pour qu'on rase ces vestiges obscurantistes que sont Notre-Dame-de-Paris, le Sacré-Cœur de Montmartre et le Mont-Saint-Michel…

A Cannes, la réalisatrice Justine Triet n’a pas seulement attaqué Macron à propos des retraites, elle a aussi déclaré : "La marchandisation de la culture que le gouvernement néo-libéral défend est en train de casser l'exception culturelle française". Intriguée, la presse a fait la liste des subventions que son film a reçues, soit 1,2 million d’euros de Canal + et 1,6 million d’argent public (France 2, CNC, région Rhône-Alpes). Conclusion : sans cet horrible gouvernement néo-libéral, sans Wauquiez et sans Bolloré, la dame n’aurait jamais eu sa palme d’Or ! Alors, merci qui ?

Je dois confesser ici une erreur – un jugement que j’ai exprimé dans ce blog, et que je crois, somme toute, erroné. Après quinze mois d’observation des faits, de relecture des textes, de confrontation des arguments, de discussions avec des experts, j’en arrive à une conclusion désagréable mais indéniable : en fait, si la France et l’Allemagne ne s’étaient pas opposées à l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, Vladimir Poutine n’aurait jamais osé agresser ce pays. Tout ce qui se passe, tout ce qui se dit à Moscou ces derniers temps va dans ce sens. Voilà, mea culpa, c'est dit.

Depuis trois mois, la plupart des discussions sur le financement des retraites finissent par cette admonestation magistrale : "Y a qu’à faire payer les riches !" Et voilà que depuis deux jours, toutes les infos sur le financement de la transition énergétique se terminent, elles aussi, par cette solution imparable : "Y a qu’à faire payer les riches !" Pour les gens de mon âge, c’est un revival fascinant de ce que disait Georges Marchais il y a cinquante ans : "Y a qu’à faire payer les riches !" Le monde est un éternel recommencement.

La Cour des comptes, en conclusion d’un docte rapport sur l’émission de gaz à effet de serre par les élevages de vaches, recommande tranquillement à l’Etat de réduire drastiquement le nombre de fermes bovines ! La France, premier producteur de viande bovine en Europe, devra donc importer toute sa viande d’Argentine et du Royaume-Uni. Ben tiens ! Si j’étais éleveur dans le Charolais, je publierais un rapport recommandant à l’Etat de supprimer la Cour des comptes pour sa volonté délibérée d’abaisser la richesse du pays et, surtout, d'attenter brutalement au moral de la nation.

Cela va faire quinze mois que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a plongé l’Europe dans le drame et l’insécurité. Quinze mois que diplomates, politiques, militaires, journalistes et observateurs expliquent plus ou moins ingénument qu’il faut "faire la paix". Or, pardon de me répéter, mais il y a un moyen simple de mettre fin à cette guerre : IL SUFFIT QUE LES SOLDATS RUSSES RENTRENT CHEZ EUX. Voilà. Or il y a un homme, un seul, qui s’oppose à cette solution, et qu'il faut convaincre ou contraindre : Vladimir Poutine. Tout le reste est littérature de bazar, pia-pia médiatique et complotisme infantile.

Notre démocratie n’a pas fini d’étonner nos voisins. Le 8 juin, le groupe des députés LIOT (une vingtaine de non-inscrits sans aucune cohérence) proposera aux groupes extrémistes de gauche et de droite (qu’ils détestent) de voter une proposition de loi visant à annuler la réforme des retraites par un vote ric-rac que le Sénat, de toute façon, ne reprendra pas. L’objectif est d’empêcher Macron et sa première ministre de passer à autre chose. Agitation gratuite, bagarres inutiles, échos de casseroles, alliances absurdes. On n’est pas sorti du bourbier…