Le blog de Bernard Lecomte

Aucune envie d’écrire sur une actualité aussi mortifère. Entre la possible extension du conflit israélo-palestinien et la brusque multiplication des actes de terrorisme chez nous, en Europe, c’est comme si une tempête s’était abattue sur notre monde, un déferlement de hurlements, de fantasmes et de menaces, où la haine paraît inextinguible. Comment imposer la paix là-bas, au Proche Orient ? Comment défendre notre civilisation, ici, contre tous ceux qui refusent l’intelligence et le droit ?

Qui peut nier l'évidence ? L’ONU est rigoureusement incapable d’empêcher la Russie de violer les frontières internationalement reconnues de l’Ukraine, voire, demain, de la Moldavie ou de la Géorgie... L’ONU est totalement impuissante quand l’Azerbaïdjan décide de rayer brutalement de la carte un territoire arménien… Si l’ONU ne peut plus rien garantir à personne, comment imaginer mettre d'accord, un jour, Israéliens et Palestiniens ? C’est tout le système installé en juin 1945 qu’il faut revoir si l’on veut éviter que la force, dans le monde, l’emporte définitivement sur le droit. Il y a urgence.

Les épouvantables événements d’Israël, à juste titre, ont fait exploser les grilles des médias. En vingt-quatre heures, la guerre en Ukraine a disparu des écrans de télévision. Et pour un bout de temps, si l’on a bien compris ce qui risque de se passer du côté de Gaza. Pour le peuple ukrainien, qui n’en peut mais, c’est une vraie catastrophe. D’ici à ce que les Américains réservent désormais leurs ogives et leurs missiles à l’armée israélienne ! Vous entendez Poutine, au Kremlin, comme il se frotte les mains ?

La Vè République fête ses 65 ans. Faut-il en réformer la Constitution ? Méfiance ! Quand le pouvoir ne sait plus comment gérer le pays, il propose une réforme des institutions – c’est facile, c’est sans risque, ça occupe les médias  et cela ne coûte pas un kopek. La Vè République, inventée par le général de Gaulle et ratifiée par le peuple français, a résisté à la guerre d’Algérie, à Mai 68, à l’Union de la gauche, aux Gilets jaunes : la sagesse voudrait qu’on n’y touche surtout pas ! Nul doute qu’elle résistera demain à Marine Le Pen et aux punaises de lit…

A revoir en boucle, depuis hier soir, les innombrables extraits d’interviewes réalisées par le regretté Jean-Pierre Elkabbach, il ressort, de façon aveuglante, que le niveau général du débat politique s’est considérablement affaissé ces dernières années. D’abord à cause des politiques, dont la plupart ne savent plus qu’invectiver, dézinguer, diaboliser et insulter. Mais aussi à cause des journalistes – qui rappellent tous, dans leurs hommages, que l'ami Jean-Pierre passait son temps, mais oui, à lire des livres ! Tempus fugit…

Le pape François aura bientôt 87 ans. Il n’est pas interdit de réfléchir à sa succession. Vu les récentes nominations de cardinaux, toute prédiction est vaine, mais on peut retenir une donnée devenue fondamentale. Les nouveaux cardinaux électeurs viennent, pour beaucoup, de ce qu’on appelle le "sud global", où résident aujourd’hui 80 % des catholiques de la planète. Ce qui réduit sensiblement les chances des cardinaux européens (et, à plus forte raison, américains). Le pape François fut le premier "pape du sud", il est probable qu’il ne sera pas le dernier…

La préparation des élections européennes de 2024 tourne au pugilat, notamment à l’extrême gauche (où LFI, le PC, le PS et EELV sont à couteaux tirés) et à l’extrême droite (où la concurrence tourne à la vendetta). Désaccords idéologiques ? Divergences stratégiques ? Combat d’idées ? Sûrement ! Mais pas seulement. Savez-vous qu’un eurodéputé gagne 9.975 euros brut, que ses innombrables déplacements lui sont remboursés et qu’il dispose d'une enveloppe de 28.412 euros par mois pour ses frais (assistants, etc) ?

On n’a pas beaucoup commenté, dans les médias, le rapport sur les émeutes de juin réalisé pour le gouvernement par l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale de la justice. On y apprend que les émeutiers étaient à 90 % des hommes, âgés de 23 ans en moyenne, généralement d’un niveau d’études inférieur au bac, et, surtout, sans aucun rapport, pour 92 % d’entre eux, avec la mort tragique du jeune Nahel à Nanterre ! Ah bon ? Mais alors, Mélenchon, "la police tue", le refus d’obtempérer, tout ça, c’était du pipeau ?

Maintenant qu’elle n’est plus là, quelques académiciens se moquent gentiment d’Hélène Carrère d’Encausse qui voulait qu’on l’appelle "Madame LE Secrétaire perpétuel de l‘Académie française" au nom de la défense de la langue. Nul doute que les Immortels, désormais sous la houlette d’Amin Maalouf, vont se mettre au goût du jour. On attend avec impatience qu’ils introduisent enfin dans le Dictionnaire de l’Académie le féminin d"un certain nombre de mots comme dictateur, tyran, spéculateur, voyou, assassin, escroc…

A chaque fois que les médias déplorent la "dédiabolisation" du parti de Marine Le Pen, je rigole. Qui a commencé à "dédiaboliser" le FN sinon les médias qui, pendant l’hiver 1983-84, ont soudain ouvert leurs plateaux et leurs micros à Jean-Marie Le Pen : France Inter (Face au Public), FR3 (Confrontations) et, surtout, Antenne 2 (L’Heure de vérité) ? Et quelques mois plus tard, qui a modifié le mode de scrutin pour faire entrer 35 députés FN à l’Assemblée nationale, sinon François Mitterrand ? Curieux comme le monde politico-médiatique manque de mémoire…

Faut qu’on explique à quel titre Jean-Luc Mélenchon était, hier soir, l’invité vedette du JT de TF1. Il n’est pas chef de parti, pas ministre, pas parlementaire, pas élu local, pas sportif, pas chanteur. Il n’a aucun mandat, aucune mission, aucune fonction, aucune responsabilité, aucun travail. Ce retraité de luxe publie un livre, bon, et alors ? Le même soir, à la même heure, BFMTV nous ressortait le trotskiste Philippe Poutou ! Pourquoi les télés ouvrent-elles aussi largement leurs plateaux à des extrémistes qui ne représentent qu'eux mêmes... sinon pour faire le buzz, franchement ?

Il faut bien comprendre ce que signifie la conquête brutale du Haut-Karabagh, région arménienne, par les canons et les chars de l’Azerbaïdjan. C’est la première conséquence de l’affaire ukrainienne, qui oppose désormais, sur la planète, les défenseurs du droit et les partisans de la force. Derrière les Azeris, il y a la pression de la Turquie et la complaisance de la Russie, deux Etats qui s’assoient sur le droit international. Quelle sera la réponse de l'ONU, de l'Europe, de l'Occident, de la France ?

Curieux de nature, j’ai écouté, ce lundi soir, la tranche 20h-21h sur BFMTV – une chaîne où j’ai été consultant pendant des années – à l’occasion de la grande rentrée médiatique de Laurent Ruquier. Mon avis, en un mot : une catastrophe ! Il ne suffit pas de mettre une cravate pour faire journaliste. Ruquier, qui n’a pas une grande culture politique, s’est fait bananer pendant une heure par des militants venus là pour militer. Propos infantiles, arguments spécieux, insultes faciles. Pas une idée intéressante, pas une info originale, pas une saillie rigolote. Du n’importe quoi... qui n'a pas fait rire sa comparse Julie Hammett !

Rarement on aura entendu autant de Français républicains crier "Vive le Roi !" qu’à l’occasion du voyage en France de Charles III d’Angleterre. Rarement on aura entendu autant de Français laïques crier "Vive le Pape !" qu’à l’occasion de la visite du pape François à Marseille. C’est ainsi. Et tant pis pour les grincheux, les radicaux, les anti-tout, les sans-culotte et autres bouffe-curé : la République est si profondément ancrée dans la culture des Français qu’elle peut se permettre d'être accueillante avec les rois et les papes, et c’est tant mieux. Vive la République, vive la France !

Sur le thème explosif de l’immigration, on peut se mettre tous d’accord : 1) sur le fait qu’il y aura de plus en plus de gens, notamment en Afrique, pour quitter leur pays et gagner l’Europe ; 2) qu’il est aussi absurde de leur ouvrir tout grand nos frontières (au risque d’une déstabilisation générale), que de leur fermer à double tour (nos économies auront de plus en plus besoin de main d’œuvre) ; 3) que c’est au niveau européen qu’il faut réguler tout ça. Voilà, on n’a encore rien réglé, mais on avance, on avance...

Quoi de plus logique, au fond, que cet étrange sommet russo-nord-coréen, qui fascine tant les médias par son incongruité ! J’ai suffisamment expliqué ici que Vladimir Poutine allait transformer son malheureux pays en une gigantesque Corée du Nord, coupée du monde civilisé et vivant des richesses de son sous-sol, pour ne pas considérer comme normale cette alliance entre la Russie et ce petit Etat totalitaire qui viole en permanence le droit international. Qui se ressemble s’assemble. Pour le meilleur et, dans ce cas précis, pour le pire.

La Russie continue de régresser, de façon pathétique, vers son passé mortifère. Lundi, c’est une énorme statue de Felix Dzerjinski qui a été solennellement inaugurée à Moscou – le même Dzerjinski dont les Russes avaient déboulonné la statue sous les applaudissements, place de la Loubianka, en août 1991. Glorifier ainsi le premier chef de la Tcheka, l’ancêtre du KGB et du FSB, qui instaura la "terreur révolutionnaire" qui allait faire des millions de morts, du Goulag aux procès de Moscou, c’est proprement terrifiant.

C’est devenu le poncif le plus éculé et le plus débile de la vie politique : qualifier d’ "extrême droite" une personne, ou un groupe, ou un journal, ou un argument. Cette façon infantile et obscurantiste de disqualifier un interlocuteur sans discuter ses arguments trahit, le plus souvent, une méconnaissance du sujet et une inculture désolante. J’écris ces lignes de mon coin de Bourgogne où le RN a obtenu 64 % des voix aux dernières législatives. Venez voir, l’ "extrême-droite", la vraie, nous, ici, on peut vous en parler !

Les Européens ont-ils remarqué que Dmitri Outkine, fondateur de la milice Wagner, mort en même temps que son ami Prigojine, a été enterré dans le "Panthéon des défenseurs de la patrie", à Mytichtchi, comme un héros national russe ? Or Outkine était un néo-nazi, un vrai, et pas seulement à cause de ses tatouages ostentatoires : un admirateur d’Hitler qui n’avait pas choisi le nom "Wagner" par hasard ! Ainsi va la Russie de Poutine, lequel a déclenché la guerre contre les Ukrainiens au prétexte... qu’ils sont néo-nazis !

Jacques Julliard nous a quittés. Il avait 90 ans. Je l’avais connu dans les années 1980, je crois qu’il m’aimait bien. Je lisais toutes ses chroniques, qui alliaient l’engagement, l’honnêteté, la connaissance et, surtout, le bon sens. Or, dans un monde médiatique de plus en plus clivant, violent et simpliste, faire preuve de culture et de bon sens est devenu un acte courageux. Julliard, grande conscience de la gauche d’hier, n’hésitait pas à fustiger la gauche d’aujourd’hui. Sa plume va manquer au débat public – ou à ce qu’il en reste.